TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES|RAPPORTS

Informations générales
  • TEXTES AYANT TRAIT AU COLLEGE DE NIMES|RAPPORTS
  • RAPPORT SUR L'ETAT DE LA MAISON, 1866.
  • Maison de l'Assomption, Distribution des prix, 31 juillet 1866, p. 21-26.
  • Orig.impr. DV 8.
Informations détaillées
  • 1 BACCALAUREAT
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 COLLEGIENS
    1 DISCOURS DE DISTRIBUTION DES PRIX
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 EXAMEN
    1 JOURNAUX SCOLAIRES
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 MORT
    1 PETITS SEMINAIRES
    2 BARNOUIN, CHARLES
    2 BARNOUIN, GASTON
    2 BARRANDON, HONORE
    2 CHAMONTIN, CASIMIR
    2 CHAUSSE, JULES
    2 CORRENSON, HENRI
    2 DELPON, FULCRAND
    2 DHOURS,EMILE
    2 MAUBON, JOSEPH
    2 MENARD, MICHEL
    2 RUAT, FERDINAND
    2 VARIN D'AINVELLE, AMEDEE
  • 31 juillet 1866
La lettre

On a repris l’an dernier, l’antique usage des Rapports sur l’état de la Maison; permettez-moi de le continuer

Parlons d’abord d’un fait affligeant: les succès de serre-chaude de plusieurs bacheliers. Nous n’avions présenté, sous notre responsabilité, que cinq de nos élèves. Huit ou dix ont été reçus. Nos études seraient-elles plus fortes que nous ne le supposions ? Elles ne le sont ni plus ni moins qu’ailleurs; mais le changement du programme, la crainte de condamner certains retardataires à présenter des matières non préparées par eux, nous a obligés à des excès d’indulgence dont la paresse sait toujours profiter. Bon nombre de nos jeunes gens ont donc eu leur diplôme, non pas ad duritiam cordis, mais ad duritiam capitis. Traduction libre: « Les paresseux ont eu beau jeu ».

Espérons qu’il en sera autrement désormais. Nous nous félicitons du nouveau mode d’examen, par ce que nous le croyons plus sincère. Il sera plus difficile de surprendre la bonne foi de l’impartiale Faculté, du reste si bienveillante pour nous. Quand donc viendra le jour où, tout en respectant, puisqu’il le faut, certains droits officiels, mais en respectant aussi la liberté de l’enseignemnt, on nous rendra le sérieux dans les études, en supprimant ce qu’il y a de dangereusement hâtif dans les épreuves du baccalauréat ? Mais pour obtenir un pareil bien, peut-être faudrait-il chnger les termes du problème; et, au lieu de s’en prendre aux maîtres ou à l’Université, peut-être faudrait-il demander si les études peuvent reprendre leur ancien niveau, tant que les parens tendront toujours à en réclamer l’abaissement. Pour moi, qui dis du mal de l’Assomption avec une aisance qu’on m’a souvent reprochée, je ne crains pas de déclarer que le choix exceptionnel de nos maîtres prouve plus que jamais, que, si les études sont quelquefois d’une déplorable faiblesse, ce n’est pas la faute de ceux qui les dirigent, mais bien l’effet d’une certaine conspiration des parens et des élèves, soit pour se soustraire à la règle sous le masque d’un plus grand respect pour elle, soit pour escamoter tout ce qui constitue un ensemble d’études consciencieuses. Aussi l’expérience de vingt ans m’amène-t-elle forcément à cette conclusion: Non, les épreuves imposées par l’état ne sont pas trop sévères; non, ce n’est pas l’insuffisance des maîtres qui fait l’insuccès de plusieurs; c’est uniquement que les études participent à ce mal universel du temps présent, qui pousse à tout faire pour sauver les apparences, et qui n’a aucun souci du fond. Qu’on me pardonne la sévérité de mon appréciation; mais je ne crains pas de le dire: Si les hommes graves n’y prêtent une sérieuse attention, du train où vont les choses, avant très peu de temps la force des études sera complètement perdue, excepté dans les petits-séminaires, parce que, là du moins, il est permis aux Evêques de commander et de se faire obéir.

Pour nous, dont l’autorité est bien moindre, nous ne pouvons que promettre aux parens de maintenir le même niveau d’instruction, d’intelligence et de zèle chez les maîtres; et nous les conjurons de nous aider à abaisser le niveau de la paresse chez un très grand nombre d’écoliers.

Que nos accusations n’aillent pourtant pas jusqu’à la calomnie. La classe de Philosophie nous a donné plusieurs beaux exemples d’un travail opiniâtre, et nous citerons avec éloge MM. Joseph MAUBON et Jules CHAUSSE.

En Rhétotique, nous constatons avec tristesse l’absence du feu sacré, et pourtant vous connaissez le professeur. N’est-ce pas la preuve la plus évidente de ce que je disais ? qu’avec les meilleurs maîtres, on peut avoir de faibles élèves ? Faisons une exception pour MM. Casimir CHAMONTIN et Ferdinand RUAT.

On m’a dit beaucoup de mal de la Seconde; mais je me garderai bien de dire qui. Quant aux autres classes, on est généralement plus satisfait. L’ancien esprit de l’Assomption s’y renouvelle; on voit je ne sais quel flot monter; l’ardeur s’y rencontre, les obstacles y sont plus facilement vaincus. On y sent la vie. Dieu veuille qu’au lieu de s’épuiser, elle se développe! Plusieurs faits nous en sont un favorable augure. En premier lieu le zèle pour la visite des pauvres. Là où il y a du coeur, il y a de l’élan; et quand on trouve des paroles de sympathie pour consoler les douleurs du corps et de l’âme, on sait ce que c’est que souffrir; un monde nouveau se révèle, et l’on y trouve pour soi ce que l’on y a cherché pour les autres: l’utilité de se vaincre et de triompher par l’effort.

Parlerai-je des journaux que l’Assomption possède ? Elle en compte jusqu’à trois, elle en eut même quatre; mais la Liberté a vécu, la Liberté, avec son bonnet phrygien, avec ses articles signés. Trois journaux, tirés à un exemplaire chacun, n’est-ce pas énorme ? Et de quoi s’y occupe-t-on ? L’un, sous forme de Mouche, voltige dans les petites Divisions, y butine son miel, et quelquefois, sinon du venin, au moins de quoi aiguiser son dard contre les têtes trop pommadées, les cravates prétentieuses, les devoirs copiés, les trop jolies figures. L’autre, venu de la Macédoine, a changé de titre et s’appelle l’Assomption; il cherche à renouveler les traditions assomptionistes. Fouillant dans les archives, il en exhume les chansons d’autrefois, les mémoires, les rapports sur nos fêtes et sur les événemens qui agitèrent les vieilles générations. Le troisième, enfoncé dans la botte de l’Ogre, va de la cave au grenier, furète partout, épie tout, dit la vérité aux élèves, quelquefois même aux maîtres, attaque impitoyablement les poseurs, les mécontents, les dégoûtés. Que de colères le Petit-Poucet ne s’est-il pas attirées ? Aussi un jour le trouva-ton pendu, dans sa botte, en effigie. On dit que ce fut des mains de la Liberté. Ce qui est sûr, c’est que ce Petit-Poucet, dépendu, enterré solennellement, ressuscita et continua à causer de mortels déplaisirs à la Liberté, qui en mourut de chagrin, aux poseurs, aux gens de mauvais ton et de mauvais esprit. Quand je parle de mauvais esprit, je me trompe: chez l’immense majorité l’esprit est bon; chez les autres il est nul(1).

Le bon esprit grandissant devant la nullité, voilà le mot de la situation: un grand nombre d’élèves ont donné de très-précieux résultats par l’effet d’une volonté énergique, d’une application dont l’opiniâtreté était puisée dans un profond sentiment chrétien; et nous avons constaté avec bonheur, une fois de plus, que, si trop souvent les ravages du coeur s’étendent jusqu’à l’intelligence, la pureté du coeur rend aussi l’intelligence plus apte à saisir non seulement la vérité divine, mais encore les vérités secondaires dont elle cherche à acquérir la possession.

Raconter ce que le développement de ce sentiment a produit, avec des résultats divers, serait interminable. Nous féliciterons pourtant MM. Amédée VARIN d’AINVELLE, Fulcrand DELPON, Henri CORRENSON, Emile DHOURS, Michel MENARD, GASTON BARNOUIN et Honoré BARRANDON, d’en avoir fait depuis plus ou moins longtemps leur principal auxiliaire.

Hélas! un de ceux qui le possédaient à un degré supérieur, nous a été enlevé, d’une manière cruellement subite, mais non pas inattendue pour lui; et nous avons vu se manifester, sur la tombe à peine fermée d’un de nos plus jeunes élèves, ce que la foi seule peut produire. Il fut arraché tout à coup à ses camarades qui s’amusaient, comme il arrive, à tourmenter par des plaisanteries l’excès de délicatesse d’une conscience jugée trop scrupuleuse et qui n’était que la préparation silencieuse à un trépas prochain. A peine a-t-il disparu de nos études, de nos cours, de la chapelle qu’il aimait tant, que le respect, dont sa mémoire a été entourée, lui a formé comme une auréole. Expliquez-moi comment le souvenir d’un enfant de douze ans s’est tout-à-coup empreint de je sais quelle vénération simple, naturelle, aimante à la fois; et comment la mort de Charles BARNOUIN n’a été, pour ses condsiciples, comme ils l’ont dit, que le départ d’un ange pour le ciel.

Vous vous en êtes rendu compte, mes amis; votre camarade disparu devenait pour vous un modèle. Oubliant ses imperfections, produites par le désir même d’être parfait, vous ne vous êtes souvenu que de ses vertus; et vous vous êtes dit que si, à douze ans, on peut monter si haut, ce vous est un devoir, à vous aussi de vous élever, par la lutte et l’effort, au dessus de vous-mêmes.

Je me résume, Messieurs. Faiblesse chez plusieurs, dans les classses supérieures; efforts très grands, mais tardifs, chez quelques-uns au moment du Baccalauréat; germes précieux se développant à partir de la Troisième; vie chrétienne se renouvelant avec puissance dans l’ensemble; accroissement incontestable d’un bon esprit auquel ont contribué, avec d’autres causes, les visites des pauvres mieux faites et la mort d’un camarade vénéré de tous malgré son jeune âge; attachement plus intelligent aux principes de l’Assomption; tels sont les symptômes, tristes ou heureux, que nous aimons à vous présenter sincèrement. Ils nous donnent à nous des espérances qui ne seront pas sans doute, à vos yeux, de trop paternelles illusions.

Notes et post-scriptum
1. Sur la distribution des prix et sur le journalisme au collège en cette année 1866, voir notamment les *Lettres* 2797, 2803, 2836, 2837, 2845 et leurs notes.