COURS DE THEOLOGIE MYSTIQUE

Informations générales
  • TD41.167
  • COURS DE THEOLOGIE MYSTIQUE
  • IV. *Manière dont nous pouvons connaître Dieu*
  • Ms du P. Alexis Dumazer CY 56; T.D. 41, pp. 167-169.
Informations détaillées
  • 1 BONHEUR
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CIEL
    1 CONNAISSANCE DE DIEU
    1 CREATURES
    1 DESIR DE LA PERFECTION
    1 DIEU
    1 EGLISE
    1 FOI
    1 GRACE
    1 INTELLIGENCE
    1 ORAISON
    1 PERFECTION
    1 POSSESSION DE DIEU
    1 PURIFICATION
    1 RELIGIEUX
    1 RENONCEMENT
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRAVAIL DE L'ETUDE
    1 VERITE
    1 VIE DE PRIERE
    1 VISION BEATIFIQUE
    2 JEAN DE LA CROIX, SAINT
  • Etudiants assomptionistes
  • 1872-1873
La lettre

Saint Thomas se pose cette question: L’intelligence créée peut-elle voir l’essence de Dieu? Non, répond-il, par ses forces naturelles, oui, par le secours de la grâce; non encore sur la terre, car il est écrit: Non videbit me homo, et vivet. D’après l’axiome: Nihil est in intellectu, quod non prius fuerit in sensu, l’essence de Dieu étant insaisissable à nos sens, la créature ne peut voir Dieu que par la grâce. Il est contraire à la foi de dire que l’homme ne peut absolument pas voir l’essence de Dieu, car le bonheur de l’homme est dans le rassasiement de la plus noble partie de son être, c’est-à-dire dans l’intelligence, et l’intelligence remonte d’abord aux causes secondes et de là à la cause première. Sur la terre même Dieu nous a donné la faculté de voir le vrai, et cela au moyen d’une double lumière: la lumière naturelle et la lumière de la foi. Mais notre ciel intérieur, comparable pour la perception de la vérité à l’oeil de la chauve-souris, connaît plus difficilement ce qui est plus cognoscible en soi, c’est-à-dire Dieu, acte pur, que ce qui l’est moins, c’est-à-dire le monde matériel; effet qui tient non à l’absence de lumière, mais à la faiblesse de l’organe qui ne nous permet pas d’apercevoir la vérité par essence. Il nous faut pour cela une lumière plus parfaite qui fortifie notre faiblesse, la lumière de la gloire: In lumine tuo videbimus lumen, et ce sera le suprême bonheur de notre intelligence: Gaudium de veritate.

Deum nemo vidit unquam; mais la foi nous le revèle autant que nous sommes capables de porter cette connaissance encore obscure, puisque la foi a pour objet ce que l’on ne comprend pas. La foi est donc la vision non de l’objet que l’on croit, mais de l’intermédiaire sur le témoignage duquel on croit: l’Eglise. La plénitude [de] la vie de l’âme est la connaissance de Dieu: Haec est autem vita aeterna, ut cognoscant te solum Deum verum. Quand nous verrons l’essence de Dieu dans la gloire, nous ne la comprendrons pas entièrement, mais nous irons tous les jours de claritate in claritatem, clartés diverses pour chacun, car la vue que nous aurons alors de Dieu sera relative au désir que nous aurons eu de la connaître sur la terre et à l’amour que nous lui aurons témoigné. Mansiones multae sunt in domo Patris. Nul ne peut dire le degré que nous atteindrons, si unissant la volonté à l’intelligence nous correspondons à la grâce ici-bas. Saint Thomas ne craint pas d’appeler cette connaissance de Dieu par la foi, inchoatio quaedam gloriae. Le progrès de la foi est donc pour nous sur la terre comme un développement de la gloire. Et ceci est très conforme à la doctrine de saint Jean de la Croix, qui voit surgir l’aurore après la nuit obscure qui nous a séparés de tout. Le travail de la perfection doit donc être pour nous de renoncer à tous les désirs créés et à toutes les jouissances pour ne désirer que Dieu, n’aimer que Dieu, n’aimer qu’en Dieu. Ce travail se fera par la prière et la méditation: In meditatione mea exardescet ignis, et c’est à cette marque que nous connaîtrons la valeur de nos méditations, si nous en sortons dégoûtés des créatures, de nous-mêmes, des biens terrestres.

Cet amour devra ensuite produire des actes, car non omnis qui dicit mihi: Domine, intrabit in regnum caelorum. Ce seront des actes de vertu et de sainteté, qui nous prépareront à la possession de Dieu par la purification de l’âme: Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt. Mon bonheur consiste donc dans la vue de l’essence de Dieu. La foi est le commencement de ce bonheur, la gloire en est le couronnement, l’épreuve nous l’acquiert.

Mais comment notre être borné verra-t-il Dieu? Dieu se rapetissera-t-il à notre taille? Evidemment non, mais il nous agrandira et nous deviendrons déiformes. Quelle folie donc que d’aimer et de désirer autre chose que Dieu! Par ce désir, en effet, nous méritons de posséder Dieu davantage, et quelle facilité ne devons-nous pas y trouver avec le secours de la grâce, puisque in ipso vivimus, et movemur, et sumus.

Donc grande utilité pour le religieux d’être homme d’étude, si son étude est en même temps une prière. Concluons de là: 1° que nous sommes obligés de connaître Dieu par notre intelligence; 2° qu’il serait dangereux de nous arrêter à une étude stérile; 3° qu’il faut la prière pour enflammer nos désirs; 4° que le plus grand avantage que nous puissions avoir est de joindre la prière à l’étude, pour ne pas rester dans l’ordre naturel.

Notes et post-scriptum