SERMON SUR L’EGLISE POUR LE JOUR DE SAINT-PIERRE, PATRON DE LA PAROISSE DU VIGAN

Informations générales
  • TD42.028
  • SERMON SUR L'EGLISE POUR LE JOUR DE SAINT-PIERRE, PATRON DE LA PAROISSE DU VIGAN
  • [Exorde]
  • Orig.ms. CP 121; T.D. 42, pp. 28-31.
Informations détaillées
  • 1 AUTORITE DIVINE
    1 AUTORITE PAPALE
    1 AUTORITE RELIGIEUSE
    1 BONHEUR
    1 CARACTERES DE L'EGLISE
    1 DIEU
    1 EGLISE
    1 ETAT
    1 GOUVERNEMENT
    1 LOI CIVILE
    1 MORALE
    1 PAPE
    1 POUVOIR
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 SOCIETE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    2 CESAR
    2 PIERRE, SAINT
    3 VIGAN, LE
  • Paroisse du Vigan
  • 1838-1839
La lettre

Reddite quae sunt Caesaris Caesari, et quae sunt Dei Deo. Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. St Matth., ch. 22, v. 21.

La raison, le sens intime de notre faiblesse et de nos besoins, l’avantage de l’homme en général, et l’intérêt de chacun de nous en particulier nous prescrivent impérieusement une entière soumission aux puissances qui nous gouvernent. Mais comme la société ne pourrait réellement procurer la félicité de ses membres, sans reconnaître la vraie source de l’autorité dans un Dieu créateur, conservateur et rémunérateur, il en résulte pour l’homme deux devoirs sacrés, contenus dans le précepte que vous venez d’entendre. Dieu et César, voilà, mes frères, les deux autorités qui nous font mouvoir sur la terre; voilà le légitime mobile de notre conduite et de nos affections: avec cette différence néanmoins que, quand bien même (abstraction faite de la religion) on pourrait supposer une extériorité quelconque de soumission aux puissances de la terre, cette extériorité même, dans une foule de circonstances, ne pourrait être déterminée que par la force et la terreur; tandis que la morale chrétienne assure toujours aux lois civiles l’assentiment de l’esprit et du coeur. Elle est donc bien précieuse à la tranquillité de l’Etat et au bonheur du citoyen cette autorité tutélaire, qui, exerçant son empire sur la conscience, dirige victorieusement la volonté et prescrit l’obéissance, lors même que les intérêts les plus chers sont froissés.

Si la raison ne nous disait, en effet, elle-même qu’il existe au-dessus de l’homme un être infiniment parfait, qui, souverain arbitre de la vie et de la mort, communique une partie de sa puissance à des dépositaires chargés de nous diriger dans l’ordre spirituel et temporel, quel droit, je vous le demande, quel droit aurait un homme pour commander à un autre homme? Mais sous l’empire d’un Dieu qui exige l’obéissance de nos coeurs, qui nous prescrit un culte extérieur et qui nous désigne même le mode de ce culte, l’homme, dans quelque condition qu’il soit, se trouve placé dans la sphère qui lui convient. Tout est merveilleusement organisé, et, dans la hiérarchie établie, rien ne peut raisonnablement révolter l’orgueil, parce que nous ne pouvons y méconnaître l’ouvrage ni la volonté d’un Dieu, dont la justice et la puissance pèsent également sur le pontife comme sur le néophyte, sur les rois comme sur leurs sujets, sur les riches comme sur les pauvres.

Oui, mes frères, la puissance spirituelle qui nous régit dans tout ce qui a rapport au salut, et la puissance temporelle qui nous dirige dans toutes les opérations de la vie civile, ont une origine commune; elles sont deux émanations de l’autorité même de Dieu: omnis potestas a Deo. Et quoique la première soit d’un ordre plus relevé, puisqu’elle ne s’occupe que du culte de la divinité et du salut des âmes, tandis que la seconde ne s’exerce que sur des objets terrestres; elles peuvent, elles doivent agir sans se heurter, sans se contrarier, sans empiéter sur leurs attributions respectives, parce que chacune d’elles a son domaine particulier. L’autorité spirituelle reçoit, il est vrai, de la puissance temporelle un nouvel éclat, une force extérieure; mais la puissance temporelle puise, dans la source même de l’autorité spirituelle, une sanction indélébile que celle-ci imprime aux lois civiles, émanées de la justice. L’une et l’autre sont établies de Dieu pour procurer, par leur concours, le vrai bonheur de l’homme. Elles sont semblables à deux ruisseaux qui dérivent de la même source et qui coulent en directions diverses pour fertiliser le vaste champ du père de famille.

Quelle foule de réflexions dans un sujet aussi important! Mais comment pourrai-je, mes frères, vous les développer dans le court espace de temps qui m’est donné? J’analyserai donc mes idées, et, me bornant à vous parler aujourd’hui de cette autorité spirituelle qui établit une intime communication entre la terre et le ciel, je vous développerai un des points les plus essentiels de notre dogme. L’Eglise catholique, apostolique et romaine, vous dirai-je, conserve le précieux dépôt de la foi. Elle est donc la vénérable Eglise de Jésus-Christ. Cette proposition en amènerait nécessairement une autre. Car si l’Eglise conserve le précieux dépôt de la foi, ce ne peut être que par le moyen d’une autorité divine, absolument nécessaire à la conservation de la société chrétienne et du dépôt précieux. Mais l’ensemble de ces deux propositions exige des détails beaucoup trop longs pour une seule séance. Je me retiendrai donc encore, cette fois, et, après vous avoir fait quelques réflexions essentielles sur la nécessité d’un fidèle dépositaire, qui, comme l’Eglise, peut conserver le dépôt de la foi dans toute son intégrité, je vous développerai le caractère essentiel de la véritable Eglise.

Pouvais-je, mes frères, choisir un sujet plus analogue à la solennité de ce jour, où nous célébrons le triomphe du bienheureux apôtre saint Pierre, patron de l’Eglise universelle et particulièrement de cette paroisse: de ce prince des apôtres que les vertus, la doctrine, les miracles et les privilèges rendent aussi cher que précieux à cette société de chrétiens, dont Jésus- Christ est le chef? En effet, l’éclat de ses vertus caractérise admirablement celui qui, choisi par Jésus-Christ lui-même, devait être son vicaire et son premier représentant sur la terre. La force de sa doctrine doit être la règle inébranlable de notre foi. La grandeur de ses miracles nous prouve la puissance qu’il reçut de son divin Maître, pour fonder l’Eglise chrétienne sur les ruines du judaïsme et de l’idolâtrie. Enfin, les privilèges exclusifs dont il fut favorisé nous indiquent la source et le canal de cette supériorité, de cette plénitude de juridiction, en vertu de laquelle les pontifes romains, ses légitimes successeurs, ont gouverné, gouvernent et gouverneront l’ensemble et les parties de l’Eglise catholique.

Je n’aurai pas le temps de faire tous les rapprochements qu’exigeraient et le grand objet de cette fête et l’important sujet que je vous ai annoncé déjà. Je me bornerai donc à vous développer celui-ci; et, comme pour le traiter avec fruit, j’ai besoin de l’assistance de cet Esprit-Saint, qui, seul, peut m’inspirer des paroles de vie et de salut, implorons-le par l’intercession de la bienheureuse et auguste Marie. Ave, Maria.

Notes et post-scriptum