- TD42.031
- SERMON SUR L'EGLISE POUR LE JOUR DE SAINT-PIERRE, PATRON DE LA PAROISSE DU VIGAN
- Première partie. [L'Eglise conserve le dépôt de la foi]
- Orig.ms. CP 121; T.D. 42, pp. 31-39.
- 1 ATHEISME
1 AUTORITE DE L'EGLISE
1 CARACTERES DE L'EGLISE
1 CONCILE OECUMENIQUE
1 CORPS MYSTIQUE
1 DIEU
1 DOCTRINE CATHOLIQUE
1 ECRITURE SAINTE
1 EGLISE
1 ENNEMIS DE L'EGLISE
1 ERREUR
1 FOI
1 HERESIE
1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
1 JESUS-CHRIST
1 JESUS-CHRIST CHEF DE L'EGLISE
1 JUSTICE DE DIEU
1 MAGISTERE
1 MAUVAIS CHRETIENS
1 PECHE
1 PECHE ORIGINEL
1 REVELATION
1 VERITE
2 ISAIE, PROPHETE
2 MICHEE
2 NOE
2 PAUL, SAINT
3 NICE - Paroisse du Vigan
- 1838-1839
La nécessité de la révélation que je me propose de vous développer dans une autre occasion, en vous faisant voir que la corruption dans laquelle l’homme était plongé, le mettait dans l’impossibilité de connaître ses devoirs les plus essentiels, suppose, à son tour, la nécessité d’un dépositaire, qui, dirigé lui-même par l’Esprit divin, peut soigneusement conserver toute la vérité révélée. Oui, mes frères, l’exemple des grossières erreurs sur la divinité dans lequelles tous les peuples de la terre, un seul excepté, croupirent pendant près de quatre mille ans, joint au monstrueux abus qu’après la promulgation de l’évangile une foule de novateurs fit de l’orgueilleuse raison, nous prouve suffisamment que nous aurions peut-être déjà perdu tous les fruits de la révélation évangélique, si Jésus-Christ n’eût pourvu à la perpétuité de la religion et à la pureté de la foi, en établissant lui-même sur la terre un tribunal infaillible et toujours subsistant, qui nous fît distinguer l’erreur de la vérité.
Vous le savez tous comme moi, la morale évangélique, le dogme de la religion, la discipline générale de l’Eglise ont été tour à tour attaquées par l’esprit de mensonge et d’erreur. Il n’est pas un article de notre foi qui n’ait été combattu par des esprits faux et des coeurs corrompus. Ceux-ci ont méconnu et ont cherché à ridiculiser nos plus redoutables mystères. L’infaillibilité de l’Eglise, ce point de la foi chrétienne, lui a été et lui est encore contestée par des novateurs endurcis. L’autorité de l’Ecriture Sainte a été niée et la divinité même de Jésus-Christ a été traitée de fable. Conformément à l’oracle de l’Esprit-Saint, toutes ces attaques ont eu successivement lieu depuis le commencement de l’ère chrétienne. Même de nos jours, l’impiété liguée avec l’esprit d’erreur et de corruption renouvelle toutes ces attaques à la foi, de sorte que la religion de Jésus-Christ succomberait infailliblement, s’il n’était écrit par le doigt de Dieu même que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre elle, parce que l’Eglise catholique, apostolique et romaine, la véritable et seule Eglise de Jésus-Christ, doit durer et durera jusqu’à la consommation des siècles; parce que, semblable au creuset qui épure tous les métaux, elle a le moyen de soutenir la vérité, la force pour repousser l’erreur; et ses moyens et sa force sont les moyens et la force même de Dieu.
Serait-ce effectivement, mes frères, la seule Ecriture Sainte qui nous offrirait une autorité suffisante pour dissiper nos doutes et foudroyer les erreurs? Mais que de sens distincts et opposés lui prêtent souvent le caprice et les préjugés! Non, non; l’Ecriture Sainte ne peut nous suffire elle seule, parce qu’elle ne peut s’expliquer par elle-même. Notre entendement particulier pourrait-il en être le commentateur fidèle? Mais n’y aurait-il pas autant d’opinions que d’interprêtes? N’en résulterait-il pas une véritable anarchie dogmatique? Car il serait impossible de prouver qu’en matière de foi nous sommes obligés de nous en tenir à la décision d’individus qui ne parleraient qu’en leur propre et privé nom. Faudra-t-il donc chercher la véritable règle de notre foi dans des inspirations secrètes, dans cet esprit intérieur, dont se disent favorisés certains individus qui prétendent être les vrais élus de Dieu? Gardons-nous-en bien, mes frères. Nous serions exposés à n’y trouver qu’une source d’illusions, des ateliers de mensonge, autant de foyers d’un fanatisme toujours dangereux. Des imposteurs se croiraient en droit de nous débiter leurs folles rêveries, leurs visions mensongères, comme autant d’expressions de la vérité. Des têtes excitées, des hommes de mauvaise foi s’attribueraient le pouvoir de réformer l’Eglise et l’Etat. Des réformateurs fougueux ne craindraient plus d’envahir, la torche à la main, et le temple de Dieu et le palais des Césars, et bientôt la ruine de la société chrétienne entraînerait avec elle la ruine de la société civile, ou du moins lui porterait de funestes atteintes.
Où est donc ce tribunal infaillible, auquel est réservé sur la terre de procurer la plus grande gloire de Dieu, de veiller aux intérêts de la religion, de fournir aux besoins spirituels des fidèles, d’enchaîner le vice et l’erreur, de ménager enfin le triomphe de la vérité et de la vertu? Il existe dans l’Eglise chrétienne, c’est-à-dire dans le corps moral, des pasteurs légitimes chargés de diriger cette société des fidèles dont Jésus-Christ est le chef. C’est à eux, en effet, qu’en la personne des apôtres Jésus-Christ a dit: « Toute puissance m’a été donnée dans le ciel et sur la terre; data est mihi omnis potestas in caelo et in terra. Allez donc instruire tous les peuples; baptisez-les au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit: euntes ergo, docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti. Apprenez-leur à observer toutes les choses que je vous ai prescrites: docentes eos servare omnia quaecumque mandavi vobis; et soyez assurés que je serai avec vous jusqu’à la consommation des siècles: et ecce ego vobiscum sum omnibus diebus, usque ad consummationem saeculi« .
Voilà le titre de l’Eglise de Dieu, telle qu’elle existe depuis Jésus-Christ, de cette Eglise dans le domaine de laquelle sont classés et les mystères de la religion, et le culte divin, et les sacrements de la nouvelle loi, et l’enseignement de la doctrine chrétienne; en un mot, tout ce qui a des rapports directs au dogme, à la morale et à la discipline. Oui, cette Eglise, à laquelle il appartient exclusivement de nous prescrire la règle des moeurs et de notre foi, a une origine toute divine. Son titre est consigné dans les saints évangiles. La précision, l’authenticité de ce titre ont été reconnues d’âge en âge jusqu’à nous. La longue série des siècles, ni les efforts de l’hérésie ne purent parvenir à les obscurcir, et la puissance que cette Eglise exerce de nos jours, est ni plus ni moins la même que reçurent les apôtres et les disciples. Leurs successeurs ont à remplir les mêmes obligations qui leur furent imposées, c’est-à-dire qu’ils doivent instruire les peuples, les baptiser, leur faire observer tous les préceptes, les divins comme les ecclésiastiques: docentes eos servare omnia quaecumque mandavi vobis. Et remarquez bien, mes frères, qu’en promettant à ses apôtres d’être avec eux jusqu’à la consommation des siècles, Jésus-Christ nous donne la certitude que les légitimes pasteurs de l’Eglise sont et seront toujours assistés par l’Esprit, la Sagesse et la Puissance divines, en tout ce qui concerne la foi et les moeurs: Vobiscum sum omnibus diebus, usque ad consummationem saeculi.
Lors donc que nous vous entretenons au nom de l’Eglise, ce n’est pas nous qui vous parlons. De nous-mêmes, nous ne pourrions vous prêcher que la sagesse de ce monde, comme dit l’apôtre saint Paul; mais assistés, soutenus, éclairés par cet esprit de Dieu qui anime l’Eglise, c’est la sagesse même de Dieu, contenue dans l’ineffable mystère de l’Incarnation, que nous développons: loquimur Dei sapientiam in mysterio. Nous pouvons par conséquent, vous devez dire de nous ce que Jésus-Christ disait à ses apôtres: « Ceux qui vous écoutent m’écoutent, qui vos audit, me audit; ceux qui vous méprisent me méprisent, qui vos spernit, me spernit; et ceux qui me méprisent, méprisent celui qui m’a envoyé »; c’est-à-dire ce Dieu trois fois saint, qui, dans la personne de son Fils bien-aimé, consentit à sacrifier sa gloire extérieure pour étancher la soif qu’il avait du salut des hommes. Qui me spernit, spernit eum qui misit me.
Cette Eglise, à la connaissance et à la soumission de laquelle le salut est exclusivement attaché, devait être nécessairement visible, afin d’être aisément connue de tous ceux qui cherchent la vérité avec le vrai désir de la trouver. Aussi le prophète Michée et Isaïe l’annoncèrent-ils, dès longtemps à l’avance, sous l’emblème d’une montagne très élevée, vers laquelle tous les peuples de la terre accouraient pour s’instruire de la loi de Dieu; et son divin fondateur la compare à une ville bâtie sur le sommet d’une montagne, où elle ne peut demeurer cachée, non potest civitas abscondi supra montem posita. Je puis donc dire avec autant de confiance que de vérité qu’elle est un phare toujours ardent, qui répand partout l’éclat de sa lumière et la porte jusque dans le chaos ténébreux des passions humaines.
Pourriez-vous, mes frères, désirer un refuge, un port plus assuré? Pourriez-vous, dis-je, mieux placer votre confiance que dans cette Eglise de Jésus-Christ, où l’on trouve le plus parfait ouvrage de Dieu, l’expression de la volonté de Dieu, l’organe même de Dieu? Car, comme dans un seul corps, nous dit l’Apôtre, nous avons plusieurs membres qui ont diverses fonctions, de même nous ne formons qu’un seul corps en Jésus-Christ et nous sommes tous réciproquement les membres les uns des autres: ita multi unum corpus sumus in Christo, singuli autem alter alterius membra. Aussi le grand objet de la société chrétienne, qui est de parvenir à la sainteté, et la sagesse des moyens prescrits pour y atteindre, qui existent dans le précieux et incomparable ordre de la charité, brillent d’une manière admirable dans les rapports essentiels que nous avons avec notre divin chef et avec chacun de nos frères.
En effet, telle est la sage économie que Dieu a établie dans son Eglise: que chacun de ses membres a des fonctions relativement essentielles à l’objet de son établissement. Car tous, nous dit saint Paul, ne sont pas apôtres, tous ne sont pas prophètes, tous ne sont pas docteurs; mais dans cet ensemble d’apôtres, de prophètes, de docteurs et de membres qui réclament l’instruction, existent les rapports intimes de tous les membres du même corps. Ceux d’entre nous qui ont reçu les dons les plus excellents, ne doivent nullement mépriser ceux qui en ont reçu de moindres; et ceux-ci doivent sentir la nécessité d’utiliser eux-mêmes la grâce que les premiers ont reçue. C’est ainsi que, dans la hiérarchie ecclésiastique, se trouve une variété de fonctions, dont chacune contribue plus ou moins à la solennité du culte et à l’utilité des fidèles. C’est ainsi que le besoin des fidèles, unis eux-mêmes entre eux par les liens de la charité, resserre les rapports nécessaires qu’ils ont avec leurs pasteurs respectifs et développe ce sentiment de respect, de soumission et de reconnaissance, qui doit animer un troupeau fidèle à l’égard d’un pasteur prudent et zélé.
L’Eglise est donc l’expression de la volonté de Dieu, l’organe même de Dieu. Fondée par Jésus-Christ dont les miracles les plus éclatants prouvent la divinité, son établissement malgré tous les efforts de l’idolâtrie et du judaïsme réunis, sa perpétuité, qui est un témoignage constant de son triomphe contre les erreurs de l’esprit et du coeur, voilà les titres qui déposent et déposeront toujours en faveur de son origine divine. La foi nous apprend que Dieu lui a donné Jésus-Christ lui-même pour chef: ipsum dedit caput supra omnem Ecclesiam; et que ce divin chef lui a promis de lui enseigner toute vérité par le moyen de cet Esprit Saint, dont elle doit être assistée pendant toute la durée des siècles: docebit vos omnem veritatem. Supposer qu’avec de tels soutiens elle puisse errer ne serait-ce pas supposer que Dieu lui-même est susceptible d’erreur, ou du moins qu’il a voulu réellement nous tromper?
Non, non, l’Eglise ne peut ni se tromper ni nous tromper. Elle est l’organe même de Dieu, puisque la vérité, nous dit saint Paul, repose sur elle comme sur une colonne que rien ne peut ébranler: est columna et firmamentum veritatis. Et comment pourrait-elle errer, l’erreur provenant nécessairement ou d’un défaut de lumière ou d’un excès de malice? Ce défaut de lumière, cet excès de malice pourraient-ils s’allier avec la sagesse, la bonté, la sainteté de son divin fondateur qui la soutient et la dirigera jusqu’à la fin des siècles? Mais qu’avons-nous besoin de preuves, puisque l’expérience de dix-huit siècles nous prouve qu’à travers la chute des empires, qu’au milieu des révolutions multipliées, que malgré toutes les fureurs et les subtilités de l’hérésie, elle est restée ferme dans ses principes primitifs, et, semblable à cette arche qui préserva Noé des eaux du déluge, elle a fait triompher jusqu’à nous le dépôt de la foi qui lui fut confié. Pourquoi donc, me direz-vous peut-être, existe-t-il tant d’hommes, pourquoi voit-on des nations entières qui affectent de méconnaître cette Eglise? Pourquoi tant de sociétés qui se disent chrétiennes, quoique diamétralement opposées dans leurs croyances, s’arrogent-elles le titre de véritable Eglise? En répondant à ces questions, je vous développerai le vrai dogme, le dogme catholique, et je vous fournirai l’occasion de lui rendre un nouvel hommage.
Je suis malheureusement forcé de convenir que, dans le sein même de l’Eglise catholique, il existe beaucoup de mauvais chrétiens, qui indifférents pour les choses du ciel, affectent de méconnaître le centre du salut, dans lequel ils eurent le bonheur de naître. Quoique favorisés de tous les moyens de salut, ils provoquent la tempête au milieu même du port, ils trouvent la mort à la source même de la vie. Aussi seront-ils beaucoup plus rigoureusement punis que tant d’autres individus, qui auraient bien mieux profité de la grâce, s’ils en eussent été favorisés. Car s’il est certain qu’à titre de justice Dieu ne doit rien au pécheur, il est très certain aussi qu’il demandera un compte bien plus sévère aux catholiques qui méconnaissent la grâce, qu’aux peuples que sa justice laissa dans leurs épaisses ténèbres.
Quant aux hérétiques qui rejettent une partie des vérités qu’enseigne l’évangile expliqué par l’Eglise, ils ne peuvent méconnaître la nécessité ni l’existence d’une société clairement annoncée, évidemment caractérisée dans la divine Ecriture. Sans l’admission de ce point fondamental, leur système eût été sans objet, il serait purement idéal, il n’aurait pu devenir l’âme d’un parti visible, d’une secte redoutable. Ce parti n’aurait pu réussir à bouleverser la société ni dans l’ordre civil ni dans l’ordre moral; il devait donc se parer et il se para réellement du beau nom d’Eglise, s’associant pour cela à d’autres sectes qui existaient déjà et qu’il anathématisait d’ailleurs. Mais cette alliance lui était nécessaire pour le moment, afin de couvrir le vice de sa nouveauté. Et remarquez bien que pour se ménager une certaine durée, pour pouvoir compter sur une sorte de perpétuité, il eut soin et il a soin encore d’élever les enfants dans une sorte d’opposition à tout ce qu’ils voyaient sous leurs yeux et pourraient voir dans la suite, prémunissant ainsi la génération future, par toute la force du préjugé, contre l’influence que la vérité pourrait avoir sur eux. Car vous savez très bien, mes frères, que l’esprit de parti non seulement fait méconnaître les égards [dus à] la justice et souvent les intérêts les plus réels, mais qu’il tâche encore d’obscurcir et de combattre l’évidence elle-même.
Sans doute, j’ai l’inappréciable avantage de n’avoir en vous aucun de ces préjugés à combattre; et s’il m’était permis d’entonner en ce moment ce beau symbole de notre foi, dont nous sommes redevables au premier concile général, à ce célèbre concile de Nicée, vous me répondriez sûrement et d’esprit et de coeur: Je crois l’Eglise, une, sainte, catholique et apostolique. Credo unam, sanctam, catholicam et aspostolicam Ecclesiam. L’unité, la sainteté, la catholicité et l’apostolicité sont effectivement les quatre caractères qui distinguent la véritable Eglise de toutes ces sectes qui en usurpent le nom. C’est ce que je vais vous faire voir dans la seconde partie de cette instruction.