SERMON SUR L’EGLISE POUR LE JOUR DE SAINT-PIERRE, PATRON DE LA PAROISSE DU VIGAN

Informations générales
  • TD42.043
  • SERMON SUR L'EGLISE POUR LE JOUR DE SAINT-PIERRE, PATRON DE LA PAROISSE DU VIGAN
  • Troisième partie. [L'Eglise catholique romaine seule possède ces caractères]
  • Orig.ms. CP 121; T.D. 42, pp. 43-50.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLICITE
    1 CARACTERES DE L'EGLISE
    1 CATHOLICISME
    1 DIVINITE DE JESUS-CHRIST
    1 DOGME
    1 ECRITURE SAINTE
    1 EGLISE
    1 ERREUR
    1 EVEQUE
    1 HERESIE
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 HONNETETE
    1 JESUS-CHRIST
    1 LIBERALISME CATHOLIQUE
    1 MIRACLE
    1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
    1 PAPE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 SACREMENTS
    1 SAINTETE DE L'EGLISE
    1 SAINTS
    1 TRADITION
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    1 UNITE DE L'EGLISE
    1 UNIVERSALITE DE L'EGLISE
    1 VERITE
    2 TERTULLIEN
    3 AFRIQUE
    3 ASIE
    3 EUROPE
    3 JUDEE
  • Paroisse du Vigan
  • 1838-1839
La lettre

Voyons maintenant si ces quatre caractères distinctifs se trouvent exclusivment dans l’Eglise catholique romaine. Cet examen est d’autant plus nécessaire que son résultat ne peut manquer de vous affermir dans votre foi, attaquée sur ce point important par les hérétiques de nos jours.

J’y trouve l’unité d’une manière aussi visible que constante. Car j’y vois tous les membres qui la composent étroitement liés par la profession de la même foi, par la participation aux mêmes sacrements, par la communion des mêmes prières, dans quelque lieu qu’ils soient, à quelque nation qu’ils appartiennent et quelle que soit leur profession. L’intimité de leur union brille d’une manière admirable dans l’aveugle soumission qu’ils ont, quant à tous les objets spirituels, pour leurs pasteurs immédiats, unis eux-mêmes entre eux par d’intimes rapports avec le centre de l’unité, je veux dire avec l’Eglise de Rome fondée par le prince des apôtres, et qui, en sa qualité de mère et de maîtresse des autres églises, a donné le nom d’Eglise romaine à l’ensemble de toutes les autres églises dispersées dans tout l’univers, de sorte que leur existence comme leur principale gloire consiste à être en communion avec elle. Tandis qu’ailleurs on ne trouve aucun centre d’unité, ni quant à la croyance, ni quant au ministère: quant à la croyance, puisqu’on n’y admet aucun tribunal qui puisse rallier les opinions divergentes, ni quant au ministère, car on n’y reconnaît aucun chef visible qui puisse en diriger les opérations.

Qu’en est-il résulté, mes frères, dans toutes ces sectes qui n’ont et ne peuvent avoir aucun centre d’unité, puisqu’elles érigent en principe que chacun peut ou dit expliquer l’évangile selon ses propres lumières? Il en est résulté que les décrets des conciles, la doctrine des Pères, l’ancienne tradition n’ont plus été des barrières assez fortes pour arrêter les écarts de l’esprit et du coeur. Chaque particulier s’est fait un tribunal, où il est lui-même l’arbitre de la croyance. Une infinité de sectes se sont multipliées dans cet âge moderne, et chacune d’elles passant une couche de son prétendu vernis sur l’esprit inquiet de la jeunesse de notre siècle, nous avons la douleur de voir, jusque dans le sein même de la catholicité, la plus dangereuse de toutes les sectes, celle qui produit une indifférence réelle en fait de religion et conduit nécessairement à l’incrédulité.

La sainteté est l’apanage réel de l’Eglise romaine. Car elle a pour chef Jésus-Christ qui est la sainteté même; sa doctrine et sa morale nous dirigent au terme de la sainteté; l’objet de ses sacrements est de sanctifier tous les âges, tous les sexes, tous les états, toutes les conditions. Il y a eu beaucoup de saints dans sa société, il y en a présentement, il y en aura toujours. Il y a eu beaucoup de saints dans sa société, ses ennemis mêmes sont forcés d’en convenir. Ils ne peuvent méconnaître ni le ravissant tableau que l’histoire ecclésiastique nous trace de la science, du zèle et des vertus héroïques d’une foule de ses pasteurs; ni la foi vive de ces premiers chrétiens qui de suite devinrent disciples du Messie, et de païens furent changés en adorateurs du vrai Dieu; ni le courage ni la fermeté qu’un grand nombre d’entre eux déploya pour confondre les maximes et les pratiques d’un monde corrompu, injuste et persécuteur. Il y en a présentement. Car, quoique l’empire d’une foi vive ne soit pas malheureusement aussi efficace parmi nous que dans les chrétiens des premiers siècles, l’assistance de l’Esprit-Saint qui dirige l’Eglise ne peut demeurer stérile. Cette seule raison suffirait pour prouver qu’il y en aura toujours. Mais je dois ajouter que Jésus-Christ nous annonce que, vers la fin des siècles, l’Antéchrist produira des merveilles et des miracles capables d’ébranler les élus eux-mêmes.

Pour vous prouver que la sainteté ne peut se trouver hors du sein de l’Eglise romaine, il faudrait entrer dans des détails qui pourraient donner à soupçonner des personnalités que je dois soigneusement éviter. Je me contenterai de vous dire que si les hérétiques de nos jours se glorifient d’avoir les divines Ecritures pour règle de leur croyance, ils ne craignirent pas de rejeter et rejettent encore les Livres saints qui condamnent ouvertement quelques-unes de leurs premières erreurs; que bien loin d’expliquer celles qu’ils admettent, comme le fit toujours l’Eglise de tous les temps, ils les assujettissent à leurs caprices et à leurs préjugés, et que par conséquent ils les font servir aveuglément à leur perte et à leur condamnation. N’allez pas croire, mes frères, que je veuille établir ici que, hors de l’Eglise catholique, il n’existe aucun individu recommandable par sa probité. Il en est dont la bonne foi dans les affaires de la vie révèle d’où [= de quoi] faire rougir une foule de mauvais catholiques. Mais ce que j’admets en principe reconnu et professé par la véritable Eglise, c’est que la probité seule ne constitue pas la sainteté. La probité n’a effectivement que les apparences de la véritable vertu, lorsque la charité n’en est pas le principe. Or la vraie charité ne peut exister sans l’unité.

Le titre de catholique, c’est-àdire d’Eglise universelle, appartient spécialement à l’Eglise romaine. Cette Eglise, en effet, est la seule qui ne soit pas bornée par le temps ni par les lieux. Nous la trouvons inébranlable dans la foi primitive. Dès son berceau même, nous la verrons déployer toute la force, toute l’énergie de la vérité. Toujours attaquée, mais toujours triomphante, elle sortit du creuset des persécutions plus belle et plus forte qu’elle n’était auparavant. Elle n’arbora l’étendard de la victoire que comme un signe certain du triomphe, qu’elle doit acquérir jusqu’à la consommation des temps. Après la ruine de l’idolâtrie et de la chute des premières hérésies, elle adoucit les moeurs des peuples les plus barbares pour fonder l’empire des coeurs, pour ne faire de toutes les nations, naturellement opposées entre elles, qu’un seul peuple de frères. Il est vrai que, dans la suite, elle perdit un grand nombre de ses enfants en Afrique, en Asie et même en Europe; mais elle répare journellement ses pertes par les progrès visibles qu’elle fait parmi des peuples, dont nous connaîtrions à peine les noms, si le flambeau de l’évangile n’y eût fait briller l’éclat de ses lumières. C’est ici le lieu, mes frères, de vous inspirer une sainte terreur, en vous faisant observer qu’à la vérité la foi ne peut pas périr, mais que ce précieux dépôt est ôté aux natures qui refusent de le faire fructifier. Puissiez-vous n’en jamais faire la triste expérience!

Aucune secte ne peut se dire catholique, parce que chacune d’elles est bornée par le temps et par les lieux. Par les lieux, parce qu’aucune d’elles n’est aussi généralement répandue que l’Eglise romaine. Par le temps, car leur origine est postérieure aux temps des apôtres. Semblables à ces vapeurs qui nous dérobent passagèrement le brillant éclat du soleil, elles ne parurent que pour s’évanouir. Et si, de nos jours, il en existe dont les effets nous rappellent l’ivraie semée dans le champ du père de famille, elles disparaîtront, à leur tour, mais pour faire place à de nouvelles erreurs. Car il est écrit que l’erreur combattra toujours la vérité: oportet enim haereses esse.

Enfin, l’Eglise romaine est apostolique. Son apostolicité est incontestablement prouvée par la légitime succession de ses pontifes. Car quand bien même chaque Eglise particulière serait dans l’impossibilité de prouver que ses évêques succèdent directement à des hommes apostoliques, leur communion avec l’Eglise de Rome, dont il est certain que les pontifes remontent jusqu’à saint Pierre par une succession non interrompue, suffit pour établir la légitimité de leurs pasteurs actuels. Leur merveilleux accord avec cette Eglise mère suppose, en effet, une réelle identité de principes, identité de dogme, identité de morale, identité de discipline générale et conséquemment identité d’origine.

Que répondraient les novateurs de nos jours, si nous leur demandions des preuves de leur mission? Diraient-ils qu’ils ont la mission ordinaire? Mais ce ne peut être, puisqu’ils ne sont pas dans le sein de l’Eglise. Ils ne sont pas dans le sein de l’Eglise, puisqu’ils sont séparés de sa communion, puisqu’ils ont dressé autel contre autel, puisqu’ils sont sous l’anathème que provoqua leur obstination. D’ailleurs leur secte commença quatorze [= quatre] cents ans après Jésus-Christ. Ils ne pourraient donc alléguer, tout au plus, qu’une mission extraordinaire. Mais quelle sorte de preuves qu’ils l’ont reçue? Où sont, je vous le demande, les miracles sur lesquels ils pourraient étayer ce qu’ils appellent la Réforme? Car vous conviendrez sûrement avec moi qu’un système, évidemment appelé à tout ce qui se pratiquait depuis le temps des apôtres, contraire à la foi unanimement reçue et professée par toute l’antiquité, ne peut avoir aucun crédit sur des esprits libres de passions et de préjugés qu’autant qu’il est proposé par des hommes reconnus évidemment comme envoyés du ciel, et qui par conséquent devaient étayer leur mission sur des moeurs irréprochables comme sur la force des prodiges.

Oui, chrétiens, il fallut des miracles pour constater la divinité de la doctrine de Jésus-Christ, et Jésus-Christ en opéra sans nombre et des plus éclatants. Il fallait des miracles pour appuyer la mission de ceux que Jésus-Christ avait chargés de propager sa religion, et les apôtres en firent dans la Judée et dans toutes les parties de la terre où ils annoncèrent l’évangile. Il fallait des miracles dans les premiers siècles de l’Eglise, pour confirmer la foi, pour déraciner de vieux préjugés, pour dessiller les yeux à des peuples barbares, accoutumés à se vautrer dans la fange de la corruption; et les successeurs des apôtres, héritiers de leur mission toute divine, en firent de si authentiques que la plus rigoureuse critique ne peut les révoquer en doute: ils en firent tant que les miracles furent nécessaires pour fixer l’admiration des gentils et préparer leur coeur à recevoir la semence évangélique. Mais depuis que l’Eglise chrétienne compte en sa faveur le plus étonnant des miracles, celui de son établissement, malgré toutes les passions conjurées contre elle, Dieu n’en permet maintenant que pour faire connaître à l’occasion [?] la sainteté de ses élus, ou quand des peuples sont nouvellement appelés à la connaissance de cette Eglise qui conserve le précieux dépôt de la foi, confié aux successeurs des apôtres.

Cependant la légitime succession des pontifes romains, qui prouve que le sacerdoce de l’Eglise catholique romaine remonte jusqu’à Jésus-Christ ne suffirait pas seule pour établir son apostolicité. Il faut encore qu’il soit prouvé que jamais elle ne vicia le précieux dépôt de la foi. Et, pour nous en convaincre, il suffit de faire un seul raisonnement qui est à la portée de tout le monde. Le voici. L’Eglise romaine tient tous ses dogmes des apôtres, ou non. Si elle les a tous reçus des apôtres, elle est vraiment apostolique dans sa foi. Si, dans sa profession de foi, il se trouve quelques articles qu’on prétend ne lui avoir pas été transmis par les apôtres, on suppose qu’il y a des époques où elle a innové dans la foi. On devrait donc nous en donner des preuves, en nous assignant les époques de ces innovations, en nous citant les réclamations qui ne purent manquer d’avoir lieu, lors de ces innovations. C’est en vain, mes frères, que les novateurs ont cherché ces époques, soit dans les premiers siècles, soit dans ceux qui les ont suivis. Nous pouvons, nous devons donc leur dire en toute assurance que notre profession de foi nous vient des apôtres eux-mêmes, puisqu’elle a été reconnue et adoptée partout, par toutes les nations et toujours: Quod ab omnibus, quod ubique, quod semper.

Me dirait-on que, dès les premiers siècles, il y eut des sectes qui par leurs réclamations ont empêché l’Eglise romaine de prescrire le titre d’apostolique, qu’elle a toujours pris? Mais si elle a toujours pris ce titre, il faut qu’il lui ait été donné par les apôtres eux-mêmes; autrement il y aurait des preuves de son usurpation. Toutes les sectes qui troublaient la paix de l’Eglise et de la plupart desquelles il ne nous reste maintenant que le nom, ne s’accordaient entre elles que pour rivaliser de haine et de violence contre l’Eglise romaine. Chacune de ces sectes avait des erreurs particulières, et la preuve en est qu’elles s’anathématisaient entre elles. Et vraiment chacune de ces erreurs sucessivement condamnée et proscrite ne prouve-t-elle pas authentiquement que l’Eglise romaine professait alors le dogme nouvellement attaqué? Autrement les hérésiarques n’auraient eu ni sujet ni occasion de distiller leur venin. Oui, mes frères, l’existence même de ces sectes est une preuve certaine de l’antiquité de la foi romaine; car il est certain que les Pères et les conciles les combattirent de concert, appuyés sur ce principe qu’en matière de foi il fallait s’en tenir à ce qu’enseigne la vénérable antiquité: nihil innovetur. Ce n’est donc pas l’Eglise romaine qui a innové. Ses constantes réclamations contre la moindre des innovations, sa grande vigilance sur toutes les démarches suspectes, l’inébranlable fermeté avec laquelle elle proscrivit toutes les nouveautés et leurs auteurs, sont autant de témoignages éclatants de sa foi, de cette foi qu’elle tient et ne peut tenir que des apôtres.

Appliquons donc à quiconque voudrait aujourd’hui troubler l’unité dans la foi ce que, dès le second siècle, l’Eglise par la plume de Tertullien disait à tous ceux qui s’élevaient contre elle. « Qui êtes-vous? Quand êtes-vous venus? D’où êtes-vous sortis? Que faites-vous dans mon bien, vous qui n’êtes pas mes enfants? Pourquoi semez-vous dans mon domaine et y faites-vous paître vos troupeaux? J’ai la possession. Je possède avant vous, j’en ai des titres authentiques. Je les tiens de ceux mêmes à qui le domaine appartenait, je suis l’héritière des apôtres ».

Notes et post-scriptum