NEUVAINE A SAINT PIERRE POUR DEMANDER A DIEU DE VENIR AU SECOURS DE SON EGLISE

Informations générales
  • TD42.093
  • NEUVAINE A SAINT PIERRE POUR DEMANDER A DIEU DE VENIR AU SECOURS DE SON EGLISE
  • PREMIER JOUR: VOCATION DE SAINT PIERRE A L'APOSTOLAT
  • Orig.ms. CP 124; T.D. 42, pp. 93-100.
Informations détaillées
  • 1 APOTRES
    1 AUGUSTIN
    1 EGLISE
    1 HUMILITE
    1 JESUS-CHRIST
    1 LACHETE
    1 PAPE
    1 VERTU D'OBEISSANCE
    1 VOCATION
    2 ABRAHAM
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 LUC, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    3 GENESARETH, LAC
  • 1838-1839
La lettre

Plusieurs Pères de l’Eglise s’accordent à dire que saint Pierre fut appelé trois fois par Notre-Seigneur, et ils le prouvent par le récit de saint Jean, de saint Mathieu et de saint Luc. Toujours Pierre, appelé par Jésus-Christ, accourt avec empressement, et la dernière fois c’est pour ne plus se séparer de son maître. Voici le récit de saint Luc, qui, plus détaillé, nous fournira plus de remarques à faire.

« Il arriva que Jésus se trouvant au bord du lac de Génésareth, et accablé par la foule du peuple qui se pressait pour entendre la parole de Dieu, il vit alors deux barques arrêtées sur le rivage; les pêcheurs en étaient descendus pour laver leurs filets. Il entra dans l’une de ces barques qui était à Simon et le pria de s’éloigner un peu de la terre, et, s’étant assis, il instruisit le peuple de dessus la barque. Lorsqu’il eut cessé de parler, il dit à Simon: « Avancez en pleine mer et jetez vos filets pour pêcher ». – Simon lui répondit: « Maître, nous avons travaillé toute la nuit sans rien prendre, mais sur votre parole je jetterai le filet ». L’ayant donc jeté, ils prirent une si grande quantité de poissons que le filet se rompait, et ils firent signe à leurs compagnons qui étaient dans une autre barque de venir les aider.

« Ils vinrent et remplirent tellement les deux barques qu’il s’en fallait de peu qu’elles coulassent à fond. Ce que Simon Pierre ayant vu, il se jeta aux pieds de Jésus en disant: Seigneur, retirez-vous de moi, parce que je suis un homme pécheur. Car il était épouvanté, ainsi que ceux qui étaient avec lui, de la pêche de poissons qu’ils avaient faite. Jacques et Jean, fils de Zébédée, étaient dans le même étonnement.

« Mais Jésus dit à Simon: Ne crains point; ton emploi désormais sera de prendre les hommes. Et eux ayant ramené leurs barques au bord, le suivirent ». Luc, ch. V, v. 1-16.

Nous pouvons considérer dans cet évangile trois caractères principaux de la vocation de saint Pierre: sa confiance à la parole de Jésus-Christ, son humilité, sa promptitude à le suivre.

Premier point: Confiance de saint Pierre à la parole de Jésus-Christ.

In verbo autem tuo laxabo rete. La vie du chrétien est une vie de combat, et, quelque position que la Providence lui assigne, il doit toujours, revêtu des armes de lumière, comme dit saint Paul, prendre selon ses forces une part active à la grande lutte du bien et du mal, de l’erreur et de la vérité. Or la première condition de ses succès est la ferme persuasion qu’il ne combat pas pour son intérêt personnel, mais pour la cause de Dieu; que, par conséquent, c’est à Dieu à lui donner les forces nécessaires et qu’en faisant ainsi les affaires de Dieu, Dieu est obligé à le soutenir, à lui tenir les promesses qu’il lui a faites.

Nous voyons d’abord un pêcheur grossier du lac de Génésareth lavant ses filets et bien peu préoccupé de la domination du monde. Et cependant c’est à lui que cette domination est promise, et un jour, selon la pensée de saint Augustin, les rois et les empereurs seront glorieux de se prosterner devant son tombeau. De lui-même qu’avait-il? Rien, mais dès le commencement il ajouta foi aux paroles du Sauveur, et, comme à Abraham, sa foi lui fut imputée à justice.

« Avance en pleine mer, dit Jésus-Christ à Pierre, et, s’adressant aux autres pêcheurs: « Jetez les filets ». Avancez, ô Pierre, accomplissez la figure que vous réaliserez un jour: duc in altum. Avancez en pleine mer, et, tandis que vous guidez la barque, image du vaisseau éternel dont le gouvernail vous sera confié, que vos compagnons jettent leurs filets! – Mais, Seigneur, à quoi bon jeter nos filets? Nous avons travaillé toute la nuit et nous n’avons pu rien prendre. Epuisés de fatigue, pourquoi voulez-vous nous faire recommencer un travail, dont tout le résultat sera une fatigue plus grande?

Telle est trop souvent la réponse de quelques âmes pusillanimes, qui semblent ignorer que souvent les épreuves sont plus pénibles et plus multipliées, à mesure que le prix destiné à leurs peines est plus excellent. Elles ne savent pas qu’après ce dernier essai de leur constance Dieu ne leur demandera plus rien, pour mettre le comble à leurs désirs; elles ne savent pas que Dieu a fait la triste expérience de la faiblesse et de l’ingratitude des hommes et que, loin de rien leur demander au-dessus de leurs forces, il leur impose la tâche la plus légère et attend avec impatience qu’ils l’aient remplie pour les combler de faveur. Que ceux qui ont eu la foi à la parole de Dieu, qui, appuyés sur la promesse, ont été en avant, disent si elle les a jamais trompés.

Et c’est ce qu’éprouva saint Pierre dans cette circonstance. Rebuté par son travail inutile de la nuit, il lavait ses filets quand Jésus-Christ lui dit: « Avancez en pleine mer et essayez encore une fois ». Pierre croit, les filets sont jetés et la pêche la plus abondante est le premier effet de sa confiance. Mais, comme nous le verrons plus tard, cette pêche est toute mystérieuse. « Pierre, s’écrie saint Chrysostome, Pierre, la base de l’Eglise, cet amant passionné de Jésus-Christ, cet homme sans lettres qui triompha des rhéteurs, cet ignorant qui ferma la bouche aux philosophes, qui déchira la philosophie des Grecs comme on déchire une toile d’araignée…, Pierre jeta ses filets dans la mer et en retira le monde: Injecit retia sua in mare, et piscatus est orbem.

Second point: Humilité de saint Pierre.

Exi a me, quia homo peccator sum. L’homme qui croit ne peut considérer les prodiges opérés par lui, sans être saisi d’effroi à la vue de la grandeur divine et de sa propre misère. Il vient de sentir la main de Dieu et il a vu tout son néant, son impuissance à rien faire de lui-même, et le premier effort de ce sentiment est de le porter à fuir la volonté d’en-haut, et il se sent indigne d’en être l’instrument, ou parce qu’il n’est pas encore bien convaincu qu’il ne doit être qu’un instrument qui ne peut rien de lui-même, soit parce qu’il ne croit pas que Dieu puisse se servir d’un instrument indigne de sa perfection et de la fin qu’il se propose. « Retirez-vous, mon Dieu, s’écrie-t-il; chargez ceux de vos serviteurs qui sont plus saints d’accomplir vos ordres, je ne suis qu’un pécheur ». Et cependant plus ils s’éloignent de Dieu, plus Dieu s’approche d’eux, plus il les remplit de son esprit, plus il les fortifie pour la mission qu’il leur destine. Ainsi fit saint Pierre. Quel prodige plus grand qu’une pêche à faire enfoncer les barques, sur une mer où quelques heures auparavant il avait inutilement travaillé! « Retirez-vous, mon Dieu, d’un homme pécheur, s’écrie-t-il en tombant aux pieds de Jésus-Christ. Ce qui vient de se passer sous mes yeux me montre ce que vous êtes et ce que je suis. Retirez-vous, parce qu’un pécheur n’est pas digne d’exécuter vos ordres ».

Ainsi s’établissait dans Pierre une lutte entre la crainte et l’amour dans sa reconnaissance pour le bienfait de son Maître, bienfait dont il ne connaissait pas encore la portée. Il tenait ses pieds embrassés, dans la terreur où était plongée son âme. Il le suppliait de s’éloigner, car pour lui il n’avait pas le courage de fuir. Son coeur l’eût entraîné, mais son indignité le glaçait d’épouvante. « Retirez-vous, mon Dieu, ou plutôt ne vous retirez pas, mais décidez de mon sort en me rendant digne de vous suivre ».

Et Jésus comprend cette prière et il lui dit: « Suivez-moi, car désormais vous serez pêcheur d’hommes ». Saint Augustin fait observer que ces dernières paroles sont adressées à Pierre seul et non aux autres disciples, c’est-à-dire: « Vous serez chargé de porter aux extrémités de la terre la grâce que je répandrai bientôt avec mon sang. Je dois réconcilier les hommes avec mon Père; vous irez leur apporter la paix en mon nom. J’ai dissipé les ténèbres du péché, j’ai brisé le joug des passions. Vous irez porter la lumière aux nations assises à l’ombre de la mort et leur apprendre qu’elles sont affranchies ».

La sublimité des prérogatives qui sont décernées à Pierre, le commerce le plus intime qui va s’établir entre son maître et lui, et plus tard les nouveaux privilèges que Jésus-Christ lui laissera en montant au ciel, tout cela c’est le fruit de son humilité. Pourquoi ne nous persuadons-nous pas que telle est la voie qui nous conduit à notre fin véritable, que pour devenir vraiment grands nous devons faire tous nos efforts pour descendre, jusqu’à ce que Dieu nous prenne la main et nous dise: « Mon ami, montez plus haut? C’est l’humilité de Pierre qui répandra la gloire de cet apôtre dans le monde. Et cette gloire voulez-vous savoir jusqu’où elle s’est étendue? De même, dit un Père de l’Eglise, de même qu’au soleil naissant les ténèbres se dissipent, les animaux sauvages regagnent leurs retraites, les voleurs, les assassins, les violateurs des tombeaux s’enfuient au sommet des montagnes; de même, à la voix de Pierre, les ténèbres de l’erreur faisaient place, Satan se retirait, les esprits mauvais prenaient la fuite, les maladies du corps disparaissaient, celles de l’âme étaient guéries, toute iniquité était proscrite et la vertu revenait sur la terre.

Troisième point: Promptitude de l’obéissance de Pierre.

Et subductis ad terram navibus, relictis omnibus, secuti sunt eum. Quand Dieu a parlé, quand sa voix est clairement connue, résister ce n’est plus être humble, c’est couvrir la vanité sous le manteau de la modestie. On ne refuse plus, parce qu’on se défie de ses forces et qu’on craint que la cause de Dieu soit compromise, si elle est confiée à des mains inhabiles; mais on voit trop souvent derrière les intérêts du ciel les intérêts de l’amour-propre. On compte ses succès pour quelque chose, là où il ne s’agit que de combattre avec la certitude que la victoire appartiendra toujours à Dieu; et quand les succès sont chanceux, on tremble, on hésite, et l’on mérite d’être rejeté et de perdre la récompense promise.

Celui-là, en effet, est bien peu propre au dévouement et à accomplir en lui ce qui manque à la passion de Jésus-Christ, qui, avant de commencer, recule et regarde en arrière. Saint Pierre ne recula pas ainsi. Persuadé de son néant autant que de la puissance de Dieu, il lui fut évident que de lui-même il ne pouvait rien, mais qu’en Dieu il pouvait tout. Et ces paroles de Jésus-Christ: « Suivez-moi », en calmant son trouble, la conviction de sa faiblesse fut pour lui un motif d’espérer, parce qu’il était nécessaire que là où il ne pouvait rien, Dieu opérât par lui dans toute la plénitude de sa puissance. Chose étonnante et dont nous avons ici un exemple frappant, l’homme ne peut être fort qu’en avouant sa faiblesse, et Pierre n’est appelé à l’apostolat qu’après qu’il a supplié son maître de se retirer de lui, parce qu’il était un homme pécheur. Et voilà pourquoi Jésus-Christ l’appelle. Par cela même qu’il se reconnaît pécheur, il reconnaîtra la grâce qui le rendra digne de suivre son Maître; il ne s’en rapportera pas la gloire, mais à celui de qui il la tient; que l’âme a de forces pour suivre son maître partout où il veut la conduire; extirpant jusqu’aux dernières racines de la nature corrompue, elle a épousé la croix, selon la pensée d’un pieux auteur, c’est-à-dire qu’elle a fait un pacte avec l’humiliation; qu’elle accepte toutes celles qui lui sont envoyées, qu’elle s’en couvre elle-même, qu’elle dit avec saint Pierre: Homo peccator sum.

Quel lien peut alors la retenir! Elle a brisé tout ce qui l’attachait sur la terre; et quand Dieu, selon son état, l’envoie à la conquête de l’homme, elle ne lui apporte pas l’inutilité de ses premiers efforts, mais se fiant à sa parole, elle jette toujours le filet, satisfaite d’obéir, ne comptant pour rien ses peines. Dans cet état elle est toujours prête à obéir, prête à courir auprès du pasteur qui l’appelle. La volonté de son maître, voilà sa volonté; il lui serait insupportable d’en avoir d’autre.

Prière. – Seigneur Jésus qui avez fait briller dans saint Pierre la confiance en votre parole, l’humilité et la promptitude à vous obéir, et qui avez récompensé ces vertus en le mettant à la tête de vos agneaux et de vos brebis, n’oubliez pas l’Eglise que vous lui confiâtes en retournant au ciel, d’où vous étiez descendu pour l’établir et la racheter au prix de votre sang; n’oubliez pas cette Eglise exposée à des périls si grands; n’oubliez pas, non plus, celui que l’Esprit-Saint a donné pour successeur à saint Pierre. Si de sombres inquiétudes s’amassent autour de sa tête vénérable, si sans cesse de nouveaux assauts sont livrés à sa sollicitude, si des pertes toujours croissantes viennent affliger son coeur paternel, ce coeur dépositaire de votre amour pour votre immortelle épouse, donnez-lui la force de résister au torrent qui vient battre de ses flots et menace de renverser l’édifice, à qui vous avez promis de triompher du temps; donnez-lui de déjouer les efforts du démon conjuré avec des hommes pervers pour renverser votre domination sur la terre, et d’étendre jusqu’aux extrémités de la terre les limites de ce royaume, dont vous voulez que nous demandions l’avènement tous les jours!

Notes et post-scriptum