NEUVAINE A SAINT PIERRE POUR DEMANDER A DIEU DE VENIR AU SECOURS DE SON EGLISE

Informations générales
  • TD42.110
  • NEUVAINE A SAINT PIERRE POUR DEMANDER A DIEU DE VENIR AU SECOURS DE SON EGLISE
  • TROISIEME JOUR: CHARITE DE SAINT PIERRE
  • Orig.ms. CP 124; T.D. 42, pp. 110-120.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DU CHRIST
    1 AUGUSTIN
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 DIEU
    1 ENSEIGNEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 ETRE HUMAIN
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST
    1 JUIFS
    1 LACHETE
    1 MORT DE JESUS-CHRIST
    1 OUBLI DE SOI
    1 PECHE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 SERVICE DE L'EGLISE
    1 VERITE
    1 VERTU DE FORCE
    2 JEAN, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    3 THABOR
    3 TIBERIADE, LAC
  • 1838-1839
La lettre

L’âme n’a pas plus tôt connu que le coeur a besoin de posséder. La foi repose l’âme en lui présentant la vérité, seul objet capable de satisfaire son désir immense qui la ronge; mais si la vérité n’était qu’une stérile abstraction, semblable aux rêveries des philosophes de toutes les époques! La vérité est quelque chose de réel qui remplit le coeur comme l’intelligence; la vérité, c’est Dieu. Et de même que Dieu se connaissant éternellement par son Verbe, par la Sagesse infinie, s’aime nécessairement d’un amour infini; de même l’homme créé à l’image de Dieu est doué non seulement de la faculté de connaître l’infini, mais encore de l’aimer. Et comme l’homme, par sa première chute, a altéré la pureté de ses facultés sublimes par lesquelles il peut entrer en société avec son auteur, Dieu pour les réparer et l’élever à sa dignité première s’est abaissé jusqu’à lui, s’est donné à lui, mais d’une manière sensible, sous les formes de l’humanité. Et pour se faire aimer des hommes, le fils de Dieu a voulu devenir le fils de l’homme: Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire du fils unique du Père, plein de grâce et de vérité. Est-il étonnant que le fils de Dieu et le fils de l’homme tout ensemble ait ravi les hommes au temps de sa vie mortelle, au temps où il passait en faisant le bien? Ce qui est plus étonnant, c’est qu’en entendant celui dont on disait que nul homme ne parla jamais comme cet homme, les peuples ne se soient pas précipités sur ses pas et n’aient pas reconnu la vertu qui sortait incessamment de lui. Sans doute que telle était la volonté divine. Avant de prendre possession de son royaume, il fallait que le fils de l’homme souffrît, afin d’entrer dans sa gloire. Adorons donc les ténèbres mystérieuses dans lesquelles il voulut s’envelopper, et derrière lesquelles il voulut se soustraire aux regards des hommes, mais admirons les grâces particulières qu’il accorde à ceux auxquels il fut permis de soulever le voile et d’adorer un Dieu dans la personne du fils du charpentier.

Tel fut le privilège de saint Pierre. Il put voir son Sauveur, il put converser avec lui comme un ami converse avec un ami, et il en reçut les plus grandes, les plus merveilleuses révélations. Par quelles qualités mérita-t-il une faveur si extraordinaire? Ce fut par son amour si grand, si entier. Nous aussi, nous pouvons tous les jours converser avec notre Maître; il nous attend à chaque moment dans ses temples, hélas! si souvent déserts. C’est là que nous pouvons le chercher, le trouver, fixer en l’aimant les voeux incertains de notre coeur, remplir le vide de cet abîme, où tout ce qui est humain s’engloutit sans le combler. C’est là que nous pouvons, par les plus intimes communications, le recevoir en nous-même comme notre Dieu, notre médecin, notre aliment, notre ami.

Apprenons de saint Pierre par quels moyens nous pourrons reconnaître ses bienfaits immenses. Pour toute reconnaissance, il ne veut que notre amour. En recherchant les qualités de l’amour de saint Pierre, nous saurons quelles doivent être celles du nôtre. L’amour de saint Pierre fut désintéressé, inébranlable, sans bornes.

Premier point. Désintéressement de l’amour de saint Pierre.

Les Juifs, en soupirant après le Messie, attendaient un prince puissant, un conquérant, dont les armes étendraient leur empire jusqu’aux limites du monde, qui les mettrait en possession d’une terre où coulerait le lait et le miel, où toutes les richesses de la terre leur seraient prodiguées. Ils ne se formaient, en un mot, que l’idée des récompenses terrestres. Leurs espérances ne s’élevaient pas jusqu’au ciel. Ils ne savaient pas que la croix était le chemin pour arriver à la véritable terre promise.

Jésus-Christ paraît et prêche sa doctrine contraire, ce semble, à toutes les promesses des prophètes. Les pensées charnelles des Juifs sont choquées, et l’on entend bientôt ces mots répétés partout: « Cette parole est dure, et qui peut l’entendre? Au milieu de ses courses évangéliques, le Sauveur arrive sur les bords du lac de Génésareth, trouve un pauvre pêcheur et lui dit: « Suivez-moi », et ce pêcheur qui n’avait que ses filets pour vivre, quitte ses filets, sa barque, son père, et, remettant le soin de son existence à ce prophète dont il ne connaît que la morale austère, il le suit sans hésiter. Ce pêcheur, qu’espérait-il? Des richesses? Non; vous l’entendez dire à Jésus- Christ: « Seigneur, voilà que nous avons tout quitté pour vous suivre ». Et en disant qu’il a tout quitté il marque, observe un père de l’Eglise, qu’il renonce à l’espoir de rien posséder.

Quoi donc! Saint Pierre a pu tout à coup faire le sacrifice de tout bien terrestre, le sacrifice de ses illusions qui gonflent toujours le coeur du pauvre, selon la pensée du même Père; il a pu ne vouloir que les humiliations de son maître; et lui, Juif; lui, nourri dans les espérances chimériques de sa nation, a pu sans s’effrayer entendre ce maître dire: « Les renards ont des tanières, les oiseaux du ciel des nids, mais le fils de l’homme n’a pas où reposer sa tête ». Non seulement il abandonnera tout pour lui, non seulement il n’en recevra rien, mais il partagera avec lui le peu qui lui reste, il le recevra dans sa maison. Comment expliquer cette conduite, dont les apparences sont incompréhensibles? Faut-il s’étonner que les Juifs, en le voyant plus tard à la tête des autres apôtres annonçant celui qu’ils avaient crucifié, aient dit de lui et de ses compagnons: « Ces hommes-là sont insensés; on les dirait ivres ». Ah! oui, ils étaient insensés ceux qui venaient annoncer aux hommes le désintéressement! Il était insensé ce pêcheur grossier qui en donnait le premier l’exemple aux hommes! Mais quel était le motif de cette démence inconnue jusqu’alors? C’était l’amour de son Maître. Son maître lui tenait lieu de tout. A ses pieds, il retrouvait famille, richesses, plaisirs, et le peu qu’il avait possédé et tout ce dont il eût pu bercer son espérance. Il possédait Jésus et il était content. Il ne demandait plus rien et il eût donné sa vie pour lui, comme il la donna plus tard, après l’avoir tout employée pour la gloire de son Maître.

Sommes-nous en cela les vrais imitateurs de saint Pierre et n’avons-nous pas, au contraire, à nous reprocher d’élever trop souvent dans notre coeur autel contre autel, de vouloir trop souvent sacrifier au monde et à Jésus-Christ? Il est pourtant écrit: Nul ne peut servir deux maîtres. Les paroles du Sauveur ne passent pas, et malheur à ceux qui, par quelque intérêt humain, entravent et empêchent le triomphe du Sauveur sur leur âme et sur le monde!

Second point. L’amour de saint Pierre est inébranlable.

Qu’ils sont heureux ceux que Jésus-Christ aime assez pour mettre leur amour à l’épreuve, alors que chez tant de chrétiens cet amour est fragile et cède aux premières tentations! Qu’il est heureux, car sa récompense sera grande dans le ciel! Nous trouvons que saint Pierre est ainsi éprouvé à plusieurs reprises, que toujours il résiste et que s’il succombe une fois, sa faute lui est une source d’avantages nouveaux.

Pierre, poussé par un amour encore humain pour son maître, Pierre qui n’avait pas reçu de révélation sur la nécessité de la mort du Sauveur, lui jure de mourir pour lui. Sans prétendre pénétrer les desseins profonds de la sagesse divine en refusant à Pierre la faveur de mourir avec celui qu’il aimait si tendrement, on peut cependant en assigner deux raisons. D’abord il fallait que Jésus mourût et mourût seul pour les hommes. Le mérite de sa mort ne devait revenir qu’à lui. Mourant comme juste, il veut être séparé de l’humanité entière pour montrer que lui seul possède la justice. C’est seulement comme chargé des crimes des hommes qu’il consent à mourir entre deux scélérats. Saint Pierre ne pouvait donc pas boire le calice, et parce qu’il fut téméraire, il fut aussi puni.

En second lieu, saint Pierre était destiné à une grande mission. Il devait bien donner sa vie pour son maître, mais pas encore. Il devait, avant d’aller recevoir sa récompense, évangéliser les Juifs, réconcilier le monde à Jésus-Christ, donner aux chrétiens leur nom et jeter dans Rome les fondements de l’empire de cette croix, auprès de laquelle il ne lui était pas donné d’expirer. Il veut donner à Dieu plus que Dieu ne lui demande, et la grâce d’en-haut se retire, et les forces l’abandonnent, il tombe. Sa chute ne fut pas de longue durée. L’amour, un amour orgueilleux l’avait entraîné; l’amour humilié le releva. Un regard de son maître perce son coeur, et c’est vraiment alors que la vie lui fut plus insupportable que la mort la plus cruelle. Les blessures que le péché fait à l’âme sont rapides, la guérison lente. Le repentir de saint Pierre fut aussi prompt à guérir que l’orgueil à frapper, et il mérita encore qu’après être ressuscité son maître lui apparût, avant de se montrer aux autres disciples. Ainsi cette chute de saint Pierre, loin d’ébranler son amour, ne fit que le fortifier.

Quel est celui à qui une faute a été un motif pour redoubler de zèle? Hélas! presque toujours une faute en entraîne de nouvelles. Si nous nous relevons, c’est pour nous traîner péniblement dans une carrière où nous devrions courir, pour réparer ce que nos défaillances nous ont fait perdre de chemin. Prenons exemple sur saint Pierre et persuadons-nous de la vérité de ces paroles: Diligentibus Deum, omnia cooperantur in bonum. Jésus-Christ lui-même présente à Pierre l’occasion de réparer publiquement sa faute.

Pierre, dit saint Augustin, nie trois fois par l’effet de la crainte. Le Seigneur détruisit cette triple crainte par un triple amour. Après sa résurrection il dit à Pierre: « Pierre, m’aimez-vous? » Il ne lui dit pas: « Me craignez-vous? » Car s’il avait craint encore, il eût blessé son pied contre la pierre. « M’aimez-vous? » lui dit-il, et lui: « Je vous aime ». Une seule fois suffisait, et me suffisait à moi qui ne vois pas les coeurs, à plus forte raison à Dieu qui voyait combien était profond dans le coeur de Pierre le sentiment qui lui faisait dire: « Je vous aime ». Une seule réponse ne suffit pas au Seigneur; il l’interroge une seconde fois, et celui-ci répond. Il l’interroge une troisième fois, et Pierre accablé de chagrin, comme si le Seigneur lui-même doutait de son amour: « Seigneur, dit-il, vous savez toute chose, vous savez que je vous aime ». Mais le Seigneur en usa de la sorte envers lui, comme pour lui dire: « Vous m’avez renié trois fois par crainte, confessez trois fois par amour » (S. Aug. Enarr. sup. ps. XC, sermo 21).

Observons ici la cause de la chute de Pierre et celle de sa fermeté, après la résurrection de son maître. En disant: « Je donnerai ma vie pour vous », saint Pierre comptait trop sur ses propres forces, et Dieu l’abandonna à lui-même pour lui prouver son néant. Instruit par cette funeste expérience, lorsque plus tard Jésus-Christ lui dit: « M’aimez-vous? », et lui fait cette question jusqu’à trois fois, Pierre doute de lui-même, Pierre doute de son amour; il l’humilie, et c’est cet amour humble, et seulement celui-là, qui est agréable à Dieu. Si donc nous voulons que rien ne nous sépare de Dieu, ayons un amour humble, et nous serons toujours forts par le secours de celui qui résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles: Superbis resistit, humilibus autem dat gratiam.

Troisième point: L’amour de saint Pierre était sans bornes.

Voilà un des plus beaux caractères de l’amour, caractère nécessaire, celui que nous devons avoir pour Dieu, caractère si rare. Toujours l’amour-propre vient se mêler à nos actions et nous ôter le mérite de ce que nous pouvons offrir à Dieu. Toujours le moi humain qui veut être compté pour quelque chose, qui veut prendre pour lui une partie du culte que l’on rend à Dieu, qui veut le chasser du trône que nous lui avons élevé dans notre coeur, usurpe ses autels et veut régner à sa place. Et pourtant, tant que nous n’aurons pas asservi cet amour désordonné de nous-même, notre coeur sera misérable, toujours ballotté dans une lutte où Dieu, d’une part, réclame sur lui ses droits imprescriptibles, et, de l’autre, la nature corrompue se fait sentir par de cruels déchirements. A tant d’angoisses il n’y a qu’un terme, c’est de marcher vers la fin pour laquelle nous avons été créés, et de marcher hardiment. Tant que nous hésiterons, le principe mauvais gagnera sur nous l’avantage, et Dieu, [pour nous] punir de nos lenteurs, de notre ingratitude, se retirera de nous, comme dégoûté d’une âme qui se donne à lui avec tant de regrets et tant de restrictions.

Ce que Jésus-Christ aime le plus dans saint Pierre, c’est qu’il ne mit aucune condition à son amour; il se fia à la parole de son maître et lui promit de le suivre partout. Il le suivit dans ses courses évangéliques, il le suivit au Thabor, il le suivit au jardin des Olives; il l’eût suivi au Calvaire, si ses forces eussent été aussi grandes que son désir. S’il a été quelque temps séparé de lui, voyez avec quelle impétuosité il va à lui, dès qu’il le trouve. Pierre et quelques autres disciples pêchaient sur le lac de Tibériade. Jésus s’approche du rivage et est reconnu par Jean. Pierre aussitôt se dépouille de ses vêtements et se jette à la mer; il ne peut attendre que la barque aborde, il a vu son maître, il ne sera content qu’auprès de lui. Une autre fois, la tempête menace de submerger le vaisseau, dans lequel étaient ses disciples, et voilà que Jésus apparaît marchant sur les flots; les disciples reconnaissent le Seigneur, mais Pierre s’écrie: « Seigneur, si c’est vous, ordonnez que j’aille vous trouver », et Jésus, pour récompenser son amour, le lui permet et Pierre, sans hésiter, se lance hors de la barque et va trouver son maître.

Qui dira les ardeurs et les désirs de cet amour, après que Jésus-Christ eut abandonné la terre, et comment pour l’apaiser il allait publiant partout la gloire de celui pour qui il avait tout quitté? C’était un besoin pour lui de le répandre, de le communiquer, d’en chauffer tous les coeurs. Si l’on voulait y mettre un frein, il répondait qu’il vaut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes, et si on le condamnait à quelque supplice, il se réjouissait d’avoir souffert quelque chose pour le nom de Jésus-Christ. Et illi quidem ibant, gaudentes, quoniam digni habiti sunt pro nomine Jesu contumeliam pati (Act. ap., V, 2).

Oh! combien de chrétiens n’auraient-ils pas de force, s’ils savaient allumer dans leur coeur un peu de cet amour qui embrasait celui de saint Pierre! Oh! qu’ils seraient assurés de triompher des ennemis de la religion, si au lieu d’attendre les persécutions leur amour courageux savait les prévenir, s’ils savaient se réjouir des opprobres soufferts pour l’amour de Jésus, et déposant toute honte, trouver la vraie gloire! Car notre gloire est dans la croix, et tout chrétien qui n’aime pas la croix et les ignominies qui y sont attachées n’est pas digne de porter ce nom.

L’amour de saint Pierre, quelque grand qu’il fût, fut toujours un amour respectueux. Dieu veut être notre ami, mais il veut que nous nous souvenions de notre dépendance et de son souverain empire, et une des causes qui, selon les maîtres les plus estimés de la vie spirituelle, retarde trop souvent les âmes dans la voie de la perfection, c’est que l’abondance des faveurs célestes, les faveurs, si je puis m’exprimer de la sorte, qui leur sont faites par la bonté divine, leur inspirent une certaine liberté infiniment nuisible, parce qu’elle entraîne avec elle l’oubli de la majesté du créateur. Apprenons de saint Pierre à nous rappeler ce que nous sommes et à refuser plutôt les dons de Dieu qu’à ne pas lui rendre le respect qui lui est dû.

A la dernière cène, avant d’instituer le sacrifice adorable de l’eucharistie et de s’anéantir devant ses disciples aussi bas qu’un Dieu peut descendre, Jésus prit un linge, et, ayant versé de l’eau dans un vase, se mit à laver les pieds de ses disciples. Eh! quoi, le fils de Dieu rendra à des hommes pauvres, grossiers, le vil service des esclaves? « Seigneur, s’écrie saint Pierre, vous ne me laverez jamais les pieds ». Et il fallut que Jésus lui déclarât que s’il ne les lui lavait point, il n’aurait pas de part avec lui, pour le déterminer à souffrir que son maître s’humiliât de la sorte.

Sur le Thabor, cet amour se montre d’une autre manière. Il savait, dit un Père de l’Eglise, ce que le fils de Dieu devait souffrir, et, le voyant environné de gloire, il veut le déterminer à ne plus redescendre parmi les hommes. « Seigneur, il fait bon d’être ici; ne descendez plus parmi les hommes qui ont soif de votre sang; restez ici, nous vous bâtirons une demeure. Tel était le langage de cet homme, en qui l’excès de l’amour semblait presque s’opposer à la volonté divine.

Que cet excès, aujourd’hui, est rare! Et que de chrétiens lâches laissent crucifier leur maître sans lui offrir un asile! Et pourtant qu’il est nécessaire, pour résister aux fureurs de ceux qui sapent sans cesse la religion! Car que peut-on opposer de plus efficace que l’amour pour arrêter les tristes résultats de la haine la plus violente? Rentrons sérieusement en nous-mêmes, voyons si nous avons cet amour, principe de la vie. Hélas! qu’il est à craindre que nous ne le trouvions faible, languissant! Que s’il est tel, prenons la ferme, l’inébranlable résolution de faire avec la grâce d’en haut tous nos efforts pour le ranimer. La religion n’a certes pas besoin des hommes; mais s’il est vrai, comme on l’a dit tant de fois, comme il n’est que trop prouvé par la funeste expérience dont nous sommes les victimes, que les hommes ont besoin de la religion, nous serions bien coupables, nous chrétiens à qui est encore confié ce précieux dépôt, nous serions bien coupables envers Dieu qui nous l’a confié, envers nos frères à qui c’est pour nous un devoir de le communiquer, si nous le laissions se perdre entre nos mains. Imitons donc l’amour de saint Pierre, et, à son exemple, livrons-nous sans réserve à la charité de Jésus qui nous presse. Par cet amour, et par cet amour seul, nous obtiendrons les grâces nécessaires pour remplir dignement notre mission.

Prière. – O Dieu qui avez aimé le monde jusqu’à donner votre fils unique, afin que celui qui croit en lui ne périsse pas, mais ait la vie éternelle, daignez donner à nos coeurs un amour capable de reconnaître un si grand bienfait. Qu’avons-nous que nous n’ayons reçu de vous, ô Dieu des miséricordes? Nous vous devons tout, tout jusqu’à la faculté de connaître et d’aimer. Que cette faculté vous soit donc à jamais consacrée et que nous n’en retirions rien pour le rapporter aux créatures! Mettez un terme à cette lutte cruelle que nous sentons au-dedans de nous-même! Ne méritez-vous pas nos coeurs sans partage? Venez donc les remplir, les remplir de l’amour de votre fils. Cet amour est le seul bien qui puisse satisfaire le besoin immense d’aimer que nous éprouvons sans cesse; forcez-nous donc à trouver le bonheur, ô Dieu de toute félicité, en nous rendant vainqueurs de l’amour désordonné de nous-même. Faites que, dépouillant cet égoïsme avilissant qui souille toutes nos actions, notre intention en rapportant tout à vous s’épure tous les jours davantage. Donnez-nous un amour ardent pour cette Eglise, que votre amour a payée de la mort la plus douloureuse; pour cette Eglise dont saint Pierre, à cause de son amour, mérita de recevoir la direction, alors que vous alliez quitter cette Eglise. Faites que nous nous rappelions comment cet amour porta le prince des apôtres à vous sacrifier tout ce qui était en son pouvoir, en sorte que la vie qu’il consacra à publier votre évangile lui fut à charge jusqu’à la mort, après laquelle il soupirait pour vous témoigner l’étendue de sa tendresse. Donnez-nous cet amour qui triomphe de tout, afin que par vous nous fassions triompher cette vérité, malgré les insolentes attaques des impies.

Notes et post-scriptum