NEUVAINE A SAINT PIERRE POUR DEMANDER A DIEU DE VENIR AU SECOURS DE SON EGLISE

Informations générales
  • TD42.120
  • NEUVAINE A SAINT PIERRE POUR DEMANDER A DIEU DE VENIR AU SECOURS DE SON EGLISE
  • QUATRIEME(1) JOUR: DEVOUEMENT DE SAINT PIERRE
  • Orig.ms. CP 124; T.D. 42, pp. 120-127.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CHARITE ENVERS LE PROCHAIN
    1 DETACHEMENT
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 HUMILITE
    1 OUBLI DE SOI
    1 PASSION DE JESUS-CHRIST
    1 PHILOSOPHIE MODERNE
    1 REGNE
    1 SALUT DES AMES
    1 SOUFFRANCE ACCEPTEE
    1 VERTU DE PAUVRETE
    1 VIE DE SACRIFICE
    2 ANDRE, SAINT
    2 JACQUES, SAINT
    2 JEAN, SAINT
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 TERTULLIEN
  • 1838-1839
La lettre

Tunc respondens Simon Petrus, dixit ei: Domine, ecce nos reliquimus omnia, et secuti sumus te. Matth. XIX, 27. Alors Pierre lui répondant dit: Seigneur, voilà que nous avons tout quitté pour vous suivre.

Lorsque saint Paul recommande aux Romains de ne rien devoir à personne, si ce n’est une charité mutuelle, parce que celui qui aime son prochain accomplit la loi, il voulait dire sans doute que nous sommes, pour ainsi dire, débiteurs du salut du prochain et que nous ne pouvions satisfaire à la loi, c’est-à-dire aimer Dieu et lui prouver notre amour, qu’en ayant pour nos frères une charité active qui nous porte à leur vouloir du bien, à le leur procurer selon nos forces et la position où nous a placés la Providence, mais surtout le plus grand de tous les biens, le bien du salut, l’héritage du ciel auquel Jésus- Christ par son amour nous a rendus dignes de participer. Nous sommes donc redevables envers nos frères d’une charité mutuelle, d’une charité qui nous porte à les aider dans la voie du salut, s’ils y vont, à les y faire entrer, s’ils s’en sont écartés. N’avons-nous aucun reproche à nous faire, et, quelle que soit notre position dans le monde, n’avons-nous pas par défaut de zèle entravé le retour du prochain à la vérité, à une vie meilleure? Et cependant non seulement nous ne devons pas arrêter la marche des brebis égarées qui retournent au bercail, mais par cela même que nous sommes chrétiens, nous sommes obligés d’employer toutes nos forces à les ramener partout où nous les rencontrerons. Tout chrétien doit se dévouer pour ses frères, s’il veut être l’imitateur de Jésus-Christ. Et quoique tous par leur vocation ne soient pas appelés au même degré de dévouement, tous doivent échauffer dans leur âme le zèle du salut des âmes et de la gloire que procure à Dieu la conversion des pécheurs.

Qui pourrait dire la grandeur du dévouement de saint Pierre? A peine connaissait-il Jésus-Christ et pour le suivre il quitta tout. La gloire de Dieu l’embrasait, et, pour la répandre dans le monde, il ne craignit pas de s’exposer à tous les périls, portant sans cesse dans son coeur une sollicitude immense pour toutes les Eglises. « Il n’avait, dit saint Chrysostome, qu’une pensée, qu’un désir, son maître; et comme son maître avait répandu son sang pour les hommes, lui aussi répandit le sien pour le salut de ses frères ».

Méditons sur le dévouement de saint Pierre et voyons quelles sont les qualités de ce dévouement, et les rapports de ce dévouement avec Dieu et les hommes.

Premier point: Qualités du dévouement de saint Pierre.

Tunc respondens Petrus dixit ei: Domine, ecce nos reliquimus omnia, et secuti sumus te. Celui-là seul est capable de se dévouer, qui est capable de comprendre que rien n’est plus fort que lui, tant que Dieu seul est son secours. Aussi le dévouement suit naturellement l’humilité et la confiance en Dieu. Qui peut arrêter celui qui ne voit dans son être que la victime d’un sacrifice, qui sait que l’anéantissement seul peut le ramener à sa dignité primitive, qui en un mot désire d’être dissous pour être avec Jésus-Christ?

En méditant sur l’humilité de saint Pierre, nous avons pu apprécier jusqu’où il poussait cette vertu, et, par conséquent, combien son dévouement fut sublime, si on le compare à la bassesse des sentiments qu’il avait de lui-même. Sa confiance en Jésus-Christ ne lui donna pas moins de force. Assuré qu’il accomplissait la volonté de son maître, il ne douta jamais du secours de la grâce, et avec le même zèle qu’il mit à tout quitter pour le suivre, on le vit, dit un Père de l’Eglise, comme un habile général, parcourir les rangs, examiner quelles parties étaient bien défendues, celles qui avaient besoin de sa présence; présent partout, le premier élu lorsque les apôtres sont choisis, le premier à répondre aux Juifs que les disciples n’étaient point ivres; guérir les infirmes, évangéliser, se présenter à la tête des autres devant les magistrats.

Mais pour porter dans son corps un pareil courage, il en avait banni tout amour, de son corps et de son âme toute pensée de la terre. Il haïssait son âme, comme le lui avait enseigné Jésus-Christ, et, suivant les mêmes leçons, il marcha à la conquête du monde, sans besace, sans bâton, sans autre arme que le glaive de la parole, et encore cette parole était celle d’un ignorant. Oh! qu’il est fort, puissant, invincible, celui qui se dépouilla ainsi de tout, pour mieux recevoir toutes les influences célestes et les répandre dans toute leur pureté sur les hommes qui demandent le pain de l’esprit!

Ici saint Augustin se fait une objection et y répond en même temps. Pierre que nous avons vu simple pêcheur, que pouvait-il abandonner pour suivre le Seigneur, lui aussi bien que son frère André, les fils de Zébédée, Jean et Jacques, tous également pêcheurs? Et cependant ils disent: « Voilà que nous avons tout quitté pour vous suivre ». Le Seigneur ne leur répond point: « Tu as oublié ta pauvreté; qu’as-tu abandonné pour recevoir ainsi le monde entier? » Il a beaucoup abandonné celui qui non seulement a abandonné tout ce qu’il possédait, mais encore ce qu’il désirait posséder. Car quel est le pauvre qui ne s’enfle pas par des espérances de fortune, qui chaque jour ne désire pas augmenter ce qu’il possède? Cette cupidité a été extirpée. Elle allait à l’infini, Pierre lui impose un terme. C’est pourquoi Pierre abandonne le monde entier et reçoit le monde entier en partage.

Ainsi Pierre dans sa pauvreté, dans le peu qu’il abandonne, nous est un modèle des dispositions avec lesquelles nous devons tout sacrifier aux intérêts de Dieu. Et qui que nous soyons, n’avons-nous aucun reproche à nous faire? N’avons-nous pas à regretter que des considérations trop humaines nous aient imposé silence, quand il fallait parler et quand l’honneur de la religion voulait que nous rendissions témoignage à la foi? La rougeur n’a-t-elle jamais couvert notre front? Avons-nous toujours pu dire: « Seigneur, voilà que nous avons tout abandonné »? Car si Dieu n’exige pas de tous les chrétiens un abandon absolu de nos biens, de notre famille, de toute affection, il veut une disposition vraie de lui sacrifier tout, dès qu’il nous le demandera. Interrogeons-nous sur les torts que tous les jours nous faisons à la religion par notre lâcheté.

Second point: Dévouement de saint Pierre par rapport aux hommes.

Depuis que Jésus-Christ par un grand sacrifice a réparé les ruines que le péché avait faites dans l’homme, je ne sais quelle puissance a été attachée à l’action de tout homme qui se dévoue pour ses frères. Partout se fait sentir le dogme terrible et consolant à la fois de la réparation par l’anéantissement de celui qui s’immole, et cet anéantissement, ce dévouement se présente sous diverses formes. C’est le sacrifice des biens, de la réputation – la plus précieuse de toutes les richesses -, de la santé, de la vie même. Et ces sacrifices de tous les genres faits pour l’amour de nos frères, et offerts à celui qui voulut mourir pour le salut de tous, ont une vertu infinie.

Ces sacrifices, la raison humaine ne saurait les concevoir. Souvent on l’entend les traiter de démence, non pas qu’ils soient contraires à la vraie raison, à la raison divine, mais c’est que leur principe est trop au-dessus de nos faibles esprits, si souvent faussés par la passion, pour qu’ils puissent en saisir toute la portée. Et cependant telle est la marche de la nature. C’est le grain de blé confié à la terre qui se décompose, meurt et germe bientôt pour produire au centuple. C’était ce que Tertullien exprimait si énergiquement, lorsqu’il disait: « Le sang des martyrs est une semence de chrétiens ». On ne nous demande pas encore notre sang, mais n’avons-nous aucun moyen de nous transformer en semence qui dédommage l’Eglise des pertes qu’elle fait tous les jours? N’avons-nous rien en nous que nous lui puissions sacrifier, afin de la rendre de nouveau féconde? N’avons-nous pas le sacrifice de notre volonté, de nos passions, et s’il le faut, de notre honneur?

Saint Pierre n’hésita pas, lui qui avait tout donné, à faire même ce sacrifice. Le Saint-Esprit venait de descendre sur les Apôtres. Ils sortent du Cénacle et commencent à parler diverses langues. « Ces gens sont pleins de vin », disait la multitude. – « Mes frères, s’écrie saint Pierre, nous ne sommes point pleins de vin, nous sommes remplis du Saint-Esprit que Dieu a promis de répandre sur toute la terre ». Et les peuples s’étonnent, et, malgré les sarcasmes des Juifs, trois mille hommes sont frappés et suivent la doctrine de Pierre.

Telle doit être la réponse des chrétiens que l’impiété viendra accuser de folie. Oui, les chrétiens sont pleins de folie, depuis qu’ils ont embrassé la folie de la croix, et cependant cette folie a subjugué le monde. Nous avons vu saint Pierre quittant tout pour suivre son maître; il s’est dévoué à lui. Suivez-le au milieu des nations qu’il évangélise, vous verrez toujours le même zèle, le même esprit de sacrifice, et toujours le même succès. Mais cet esprit de sacrifice où a-t-il donc son principe? Nous le trouvons dans l’immolation que saint Pierre fit à Dieu de tout lui-même par amour.

Troisième point: Dévouement de saint Pierre par rapport à Dieu.

Bonus pastor animam suam dat pro ovibus suis. Admirons par quel mystère d’amour Jésus-Christ non seulement a voulu mourir pour les hommes, mais a voulu les faire concourir à sa passion, en les chargeant de se communiquer ses mérites les uns aux autres. Il a voulu être seul, lorsque à la fois prêtre et victime il offrait comme Dieu à son Père le sacrifice de son humanité; mais depuis que le mystère d’amour a été rempli, il a permis à d’autres hommes de souffrir comme lui, donnant à leurs souffrances le mérite des siennes propres et permettant ainsi à la créature de réparer elle-même une partie de ses maux. Sous ce point de vue nous ne saurions trop bénir Dieu de la hauteur à laquelle il nous élève par le dévouement. Par cette vertu nous devenons, de plus, semblables à lui; car nous lui aidons, pour ainsi dire, à compléter le grand acte de notre réconciliation, dont nos propres forces n’eussent jamais pu venir à bout, et nous comprenons la profondeur des paroles de saint Paul, lorsqu’il exhortait les fidèles à accomplir ce qui manquait en eux à la passion de Jésus-Christ. L’homme par le dévouement devient le coopérateur du Fils de Dieu.

Un tel prodige serait inexplicable, si nous ne savions combien le dévouement est agréable à l’homme. Le dévouement, c’est la victoire que l’âme remporte par le sacrifice, surtout de ce qui dans l’homme déplaît à Dieu. Par le dévouement nous renonçons à toute propriété sur nous-mêmes, nous ne voulons que le règne de Dieu en nous, et ce règne que nous accordons à Dieu est une conquête sur l’esprit mauvais, dont nous étions les esclaves. Le dévouement nous affranchit, nous rend tous nos droits, et nous ne les recouvrons que pour les consacrer à Dieu. C’est ce retour pénible mais glorieux d’une âme vers son créateur qui forme le plus bel hommage, le plus agréable qu’elle soit en état de lui offrir.

Or sous ce rapport le dévouement de saint Pierre est parfait. Il se dépouille de tout ce qui est humain en lui; il se dépouille de lui-même, pour ainsi dire, ne voulant retenir de ses facultés que ce qui peut être un instrument de la gloire de son maître, et, rapportant tout à Dieu, il ne retient rien pour lui. Que ce genre de dévouement est rare et merveilleux! La philosophie a bien peint son prétendu sage, fort contre l’adversité et le mépris; mais elle n’apprenait pas à trouver la joie dans les injures, les calomnies, les larmes. Jamais un criminel n’a trouvé de joie dans son supplice, et pourtant voilà le triomphe du christianisme. Les sentiments qu’elle [= la philosophie] inspire aux chrétiens sont si divins qu’elle les porte à remplacer la justice de Dieu. Eux-mêmes se chargent du soin de l’apaiser, et regardant la croix, ne se glorifiant que dans la croix, ils s’élancent avec transport vers tous les sacrifices.

Jerusalem, Jerusalem, quae occidis prophetas… Malheur au peuple qui tue ses prophètes. – A développer.

Prière. – O Dieu qui, pour réparer notre nature déchue et nous apprendre à lui rendre sa dignité première, avez voulu naître dans une crèche et mourir sur une croix; et qui toujours pauvre, souffrant, n’ayant pas où reposer votre tête, trahi par vos amis; en butte à toutes les calomnies, non seulement subîtes avec joie les supplices que vous infligea la haine de vos ennemis, mais par amour pour nous voulûtes ajouter à tant de douleurs des douleurs encore plus cruelles; mettez dans nos âmes cet amour du dévouement et du sacrifice qui nous porte à tout donner pour votre gloire et pour le salut de nos frères; faites-nous voir directement combien les biens de ce monde sont peu dignes de fixer notre coeur, en comparaison de ce que vous lui donnez quand vous-même voulez être sa récompense; faites-nous sentir aussi quel est le prix des âmes, afin qu’à votre exemple nous nous exposions avec joie pour le salut des âmes de nos frères; donnez, donnez de plus en plus cet esprit de dévouement à tous les membres de votre Eglise, afin qu’ils se soutiennent mutuellement les uns les autres; donnez-le principalement à nos maîtres chargés de nous conduire dans les voies du salut, afin que germant dans leur coeur il devienne fécond, et qu’ils nous aident à ramener au bercail les brebis égarées; donnez-leur cet esprit qui distingue le bon pasteur du mercenaire, et l’Eglise n’aura rien à craindre, se reposant sur le sein de gardiens disposés à la mort plutôt que de la laisser ravager par l’ennemi(2).

Caetera desunt*.

Notes et post-scriptum
1. Le ms a "second".
2. La neuvaine s'interrompt ici.