1836-1837 – Dames de Miséricorde

Informations générales
  • TD42.196
  • DES OBSTACLES AU SERVICE DE DIEU PRIS EN NOUS-MEMES
  • Orig.ms. CP 131; T.D. 42, pp. 196-200.
Informations détaillées
  • 1 ABUS DES GRACES
    1 BAPTEME
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 CONTRITION SACRAMENTELLE
    1 DON DE SOI A DIEU
    1 GRACE
    1 LUTTE CONTRE SATAN
    1 MIRACLES DE JESUS-CHRIST
    1 PECHE
    1 PECHE MORTEL
    1 PECHE VENIEL
    1 SACREMENT DE PENITENCE
    1 SAINTE COMMUNION
    1 SOUMISSION DES SUJETS
  • Dames de Miséricorde
  • 1836-1837
La lettre

Nous voyons dans les saints Livres que les Génézaréens, témoins du prodige opéré par notre divin Maître, lorsqu’il chassa les démons du corps de deux possédés, loin de profiter des bienfaits qui leur étaient offerts et de conjurer le Sauveur de continuer sur eux ses miséricordes, le conjurèrent de se retirer de leur pays. Jésus accueillit leur demande, remonta dans la barque qui l’avait apporté, dirigea d’un autre côté ses courses évangéliques. Les saints Pères ont vu dans ce trait de la vie du Sauveur une image de l’âme qui ne sait pas profiter des grâces du Seigneur, soit qu’elle les refuse, soit qu’elle les néglige.

Or, mes dames, de tous les obstacles au salut un des plus grands, à coup sûr, c’est l’abus des grâces. Je viens vous en parler.

La première de toutes, et la plus méconnue, est certainement la grâce du baptême. Je ne vous rappellerai pas le jour où l’eau du baptême coulant sur votre front, la vertu que le sang de Jésus-Christ avait donnée à l’onde régénératrice brisait sur votre tête le joug de Satan et vous marquait du caractère ineffaçable d’enfant du Seigneur. A peine étiez-vous née; votre raison n’était pas assez développée pour comprendre les bienfaits que Dieu répandait à flots sur votre âme, et que ce même Dieu avait hâte de vous enrichir des privilèges les plus précieux. Mais je vous rappellerai l’époque où vous fûtes jugées capables d’approcher de la sainte Table. En ce beau jour où un Dieu s’était donné à vous, vous jurâtes de vous donner à lui. Vous ne faisiez que ratifier des engagements consentis en votre nom et dont tout l’avantage était pour vous. Oh! qui dira ce qui se passait alors dans votre coeur? Il était bien réellement tout à Dieu, car je repousse avec horreur la pensée que le premier acte solennel de votre volonté ait été un parjure et en même temps un prodige d’ingratitude. Quelle paix, dès lors, ne régnait pas dans votre âme! Votre coeur était plein d’une douce joie: c’était comme un vase rempli d’une liqueur précieuse, dont le parfum se répand dans tout le temple où il est offert à la divinité. Rien ne vous manquait alors. Vous disiez à Jésus: « A vous, mon Dieu, pour la vie; à vous pour l’éternité! » Et Jésus vous répondait par la bouche du prophète: « Mon enfant, vous pouvez m’aimer, car moi je vous ai chéri d’un amour éternel; et c’est pour cela que dans ce moment je vous attire à moi sur mon coeur, là où vous trouverez un remède et une consolation à toutes vos faiblesses et à toutes vos misères. In charitate perpetua dilexi te: ideo attraxi te miserans. Ou plutôt le Seigneur faisait entendre au-dedans de vous-mêmes ces paroles mystérieuses et ineffables, que l’âme entend et qu’elle ne saurait redire, des paroles qui frappent et font vibrer le coeur, mais qui ne peuvent passer par des lèvres mortelles.

Oh! alors, comme vous disiez anathème à Satan, à ses pompes et à ses oeuvres! A Satan, à l’ennemi de Jésus, à lui dont les conseils perfides avaient précipité votre âme dans l’esclavage du péché; en attendant qu’il la plongeât dans les gouffres éternels, si l’amour de Dieu n’avait été plus grand que la haine du prince des ténèbres, si là où avait abondé le péché, n’avait surabondé la grâce de Jésus-Christ. Vous dîtes anathème à ses pompes. Dites-moi, mes dames, aimiez-vous le monde alors, mentîtes-[vous] à votre Dieu, et vos engagements ne furent-ils qu’une dérision? Vous dîtes anathème aux oeuvres de Satan; vous renonçâtes, par conséquent, à l’esprit d’orgueil et de haine qui forme comme le double caractère des sectateurs du monde. En disant anathème aux oeuvres de Satan, vous disiez anathème à l’orgueil, à l’amour-propre, à la susceptibilité, à l’égoïsme, à la vanité. En renonçant aux oeuvres du monde, vous renonciez à l’esprit de haine, de vengeance, d’animosité, de rancune; vous juriez de marcher dans la simplicité des enfants de Dieu, d’aimer vos frères comme Jésus les avait aimés, comme il vous avait recommandé lui-même de les chérir.

Encore une fois, mes dames, étiez-vous sincères? Et celui qui aujourd’hui chercherait à vous reconnaître à vos promesses passées, pourrait-il en venir à bout? Ah! s’écriait le prophète, comment l’or le plus pur a-t-il été obscurci? Comment l’or pur de la charité a-t-il été souillé par un pur alliage? Et cependant, mes dames, en même temps que vous vous donniez à Jésus-Christ, Jésus-Christ se donnait de nouveau à vous et vous garantissait tous les secours qui pouvaient vous être nécessaires pour former votre carrière. Il savait que le chrétien est un guerrier, dont les ennemis sont redoutables et puissants; il vous préparait des armes et ces armes, disent les Pères, c’était lui-même. Il voulait être une cuirasse autour de votre corps, un glaive puissant entre vos mains. Il savait que le chrétien est un exilé voyageur qui n’a point de patrie ici-bas et qui cherche une cité permanente, et que pour soutenir sa faiblesse il lui faut une nourriture, – et Jésus-Christ devait être cette nourriture, – qu’il lui faut un guide et une lumière, pour diriger ses pas au travers des mille sentiers du monde où il peut s’égarer, – et Jésus-Christ voulait être cette lumière et ce guide; que dis-je? il voulait être la voie elle-même par laquelle vous deviez marcher.

Comment avez-vous tenu vos promesses et quelle estime avez-vous fait de ses dons? Où est la robe de votre innocence, et pourriez-vous la porter pour entrer dans la salle du festin? Cette robe, elle avait été lavée dans le sang de l’agneau. Les fanges impures n’en ont-elles pas terni et souillé la blancheur? C’était à cette robe que le Christ devait pourtant reconnaître dans votre âme son épouse et sa bien-aimée. Il vous l’avait donnée comme un gage de son alliance; en quel état la lui présenterez-vous, lorsqu’il vous la demandera?

Abus des grâces du baptême. Abus des grâces de la pénitence.

Jésus-Christ connaissait votre faiblesse. Il savait bien que vous ne pouviez marcher sans tomber; il avait prévu vos chutes, et, dans sa paternelle prévoyance, il avait, lui, préparé, un moyen de vous relever. Quel était ce moyen? La pénitence. Cette planche, comme disent les saints Pères, elle vous avait été préparée contre le naufrage. Pauvre passagère, votre âme lancée sur un frêle esquif a dû affronter les dangers et les périls du monde. Les flots vous ont entourée, ils ont couvert votre tête: inundaverunt aquae super caput meum. Votre perte au milieu des vents déchaînés de la mer soulevée, était inévitable; les nuages avaient obscurci la lumière du jour, le ciel était sans étoiles pour vous guider au milieu de votre course: sur votre tête les ténèbres, et sur les flots des ténèbres encore. Enfin, vous êtes venue vous briser contre un écueil, et lorsque vous cherchiez à vous prendre à quelque appui, tout a manqué autour de vous, vous avez étendu la main et vous n’avez saisi qu’une eau fugitive. La mort étendait sur vous sa main de squelette, votre perte était achevée. Et c’est alors que Jésus vous a offert cette planche de salut, sur laquelle portant sans doute les traces de votre naufrage vous avez regagné le port.

N’est-ce pas, mes dames, ce qui est arrivé à quelques-unes, peut-être à plusieurs d’entre vous? Remontez, remontez un instant le cours de vos années écoulées. Lancées au milieu du monde et de ses dangers, n’en avez-vous pas subi les tristes atteintes? Votre coeur s’y est-il toujours conservé pur? Y avez-vous conservé le souvenir des promesses faites à votre Dieu? Et si le souvenir vous en a été présent, était-ce comme un préservatif contre le mal ou comme un remords, après l’avoir commis? Oui, ces promesses, vous les avez violées. Ce contrat, par lequel vous promettiez fidélité à Jésus-Christ et Jésus-Christ vous promettait sa grâce, vous l’avez rompu. Ce pacte solennel, vous l’avez foulé aux pieds, et au milieu de vos ingratitudes Jésus-Christ s’est encore souvenu de vous. Il vous a offert le pardon, à la condition du repentir; et vous êtes venue apporter votre repentir et recevoir ce pardon dans les tribunaux sacrés.

Ah! mes dames, avec quelles dispositions les avez-vous abordés, et que faut-il penser des sentiments que vous exprimiez au ministre de Dieu, chargé de recevoir l’aveu de vos fautes et de prononcer sur vos têtes la sentence de l’absolution, de vous appliquer les mérites du sang de Jésus-Christ? Que faut-il penser de ces dispositions et de ces sentiments, si l’on en juge par les résultats? Comme l’enfant prodigue, vous avez dit à Dieu: « Mon père, j’ai péché contre le ciel et contre vous », et dans cet aveu se trouvaient renfermées l’horreur, la détestation de vos fautes et la résolution de ne plus les commettre. En les prononçant, vous déclariez haïr le péché, autant que le Dieu mort sur la croix pour l’expier. Vous déclariez vouloir profiter des fruits de ses souffrances. Qu’avons-nous vu? Aux fautes passées ont succédé des fautes nouvelles.

Non pas que je prétende établir qu’une rechute est une preuve de l’absence de contrition; mais ce qui est certain, c’est que l’habitude des rechutes est un indice de mauvaises dispositions; ce qui est certain encore, c’est que si vous n’aviez pas la contrition, la confession était sinon sacrilège, au moins nulle. Vous ne faisiez pas sans doute un péché mortel, mais ayant confessé des péchés véniels sans contrition, vous commettiez un nouveau péché véniel en recevant l’absolution, et vous anéantissiez ainsi toutes les grâces que la sentence du prêtre vous aurait communiquées. Et ces grâces vous étaient cependant nécessaires pour triompher des fautes mêmes, dont vous veniez de faire l’aveu(1).

Notes et post-scriptum
1. Inachevé.