PANEGYRIQUE DE SAINTE ELISABETH

Informations générales
  • TD42.228
  • PANEGYRIQUE DE SAINTE ELISABETH
  • [Exorde. Dieu est amour]
  • Orig.ms. CP 135; T.D. 42, pp. 228-230.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DIVIN
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 CREATURES
    1 DIEU
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 MONDE CREE
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 SAINTS
    1 VERITE
    2 ELISABETH DE HONGRIE, SAINTE
    2 PAUL, SAINT
    3 HONGRIE
    3 THURINGE
    3 WARTBOURG
  • 1836-1837
La lettre

Deus charitas est. Dieu est amour. Ière Ep. de saint Jean.

Dieu, principe de tous les êtres, possédant en lui-même toutes les perfections, se plaît à les faire briller à des degrés différents sur les productions de sa toute-puissance, en sorte que l’univers n’est en quelque sorte que le reflet de la beauté éternelle. Si chaque créature a vu briller sur elle la lumière du visage de Dieu, il est très certain que l’homme est appelé à montrer l’image de son auteur d’une manière bien plus frappante. Doué d’une intelligence, il connaît, il juge, il veut, et ses trois facultés sont une représentation de l’adorable Trinité. Mais ce n’est pas tout, et Dieu en créant l’homme à son image et à sa ressemblance, confie à ceux de ses serviteurs qu’il veut combler de ses faveurs, de faire briller en particulier quelques-unes des vertus qui forment son essence infinie: comme on voit le soleil, foyer de la lumière créée, varier selon les divers objets qu’il éclaire les accidents de ses rayons et les couleurs qu’il leur exprime, ou comme un monarque dans une marche triompphe fait porter autour de lui par ses officiers principaux ses armes et les insignes de sa royauté. Considérez, en effet, les saints que l’Eglise honore d’une manière spéciale, vous les verrez [ornés] sans doute de toutes les vertus, mais cependant briller plus spécialement les uns par une humilité profonde, les autres par une foi ardente; ceux-ci par le désir de la gloire de Dieu, ceux-là par une mortification effrayante.

Mes frères, les paroles de mon texte vous apprennent quelle vertu je me propose de vous présenter comme fondement de toutes les autres, dans la grande sainte dont vous célébrez aujourd’hui la fête. Dieu est amour, et je veux vous faire voir jusqu’à quel point l’âme pure et brûlante d’Elisabeth réfléchit comme un cristal brillant les flammes de l’amour divin. Oui, l’amour fut pour Elisabeth le principe et la source d’où toutes les vertus découlèrent pour elle, et en entreprenant de vous tracer rapidement quelque chose de son admirable vie, je me propose de vous faire voir comment c’est la charité qui en a été comme le régulateur. Si vingt-quatre ans ont suffi à notre sainte pour parvenir au plus haut degré de sainteté, c’est que pendant vingt-quatre ans son coeur fut un autel constamment allumé, sur lequel elle vint offrir à Dieu les sacrifices les plus pénibles.

Mais admirez avec moi, mes frères, comment Dieu qui voulait en faire la patronne d’une association qui devait vivre dans le monde et chercher la retraite, partagea pour ainsi dire sa vie en deux moitiés pour en faire un modèle et pour les personnes du monde, et pour celles, qui selon le conseil de l’Apôtre, vivent dans le monde comme n’en étant pas. Vous verrez une princesse puissante, parée de tous les agréments enviés par les hommes, la joie d’un époux pieux et puissant, mère d’une jeune famille qui lui faisait goûter les plus douces ivresses, entourée de tout ce que les hommes envient le plus: le pouvoir, l’admiration, la reconnaissance, précipitée tout à coup de si haut, chassée de ses palais, n’ayant pour abri que le réduit d’animaux immondes, traînant « au milieu des états de son fils ce même fils, pour qui elle ne put obtenir un asile », et forcée de remercier les murs d’une masure qui la protège contre le froid et la pluie, dans l’impossibilité où elle est de rendre des actions de grâces aux hommes. Vous la verrez encore, lorsque les choses ayant changé de place elle peut reprendre son ancien rang, le refuser par humilité et embrasser volontairement la volonté [= la pauvreté] la plus rebutante, afin que dégagé de toutes choses ici-bas son coeur se perdît plus librement dans la charité de son Dieu.

J’aurai donc deux tableaux à vous présenter: d’abord Elisabeth, jeune fiancée et bientôt épouse et duchesse de Thuringe, vous offrira un modèle parfait de nos rapports avec les hommes; ensuite Elisabeth, veuve et dénuée de toute protection, en renonçant à tous les honneurs qu’elle peut recevoir de nouveau, nous apprendra par quelles voies nous devons être prêts à marcher, si nous voulons consommer l’union complète avec Dieu. Tel est le sujet de ce discours. Ave, Maria.

Notes et post-scriptum