PANEGYRIQUE DE SAINTE ELISABETH

Informations générales
  • TD42.236
  • PANEGYRIQUE DE SAINTE ELISABETH
  • Deuxième Partie. [L'union à Dieu dans l'adversité]
  • Orig.ms. CP 135; T.D. 42, pp. 236-238.
Informations détaillées
  • 1 CONTRARIETES
    1 EPREUVES
    1 LUTTE CONTRE SOI-MEME
    1 MAHOMETANISME
    1 MALADES
    1 TOMBEAU
    3 ASIE
    3 EUROPE
    3 JERUSALEM
  • 1836-1837
La lettre

A ces tableaux de paix, de calme et de bonheur, à cette douce rosée qui se répandait avec un mystérieux silence sur les souffrances de l’humanité et rafraîchissait les coeurs épuisés par les angoisses, en même temps qu’elle guérissait les peines du corps, vont succéder des jours mauvais et un spectacle effrayant. [A] une âme que Dieu jaloux veut pour lui seul, à qui il arrache successivement toutes les affections terrestres, époux, parents, amis, richesses, gloire, tout va lui être enlevé.

L’Europe se précipitait alors sur l’Asie pour affranchir le tombeau du Sauveur de la servitude mahométane. Tout ce qui avait la foi à cette époque ne respirait que pour voler à cette glorieuse entreprise. On pouvait combattre en héros et expirer en mystique, et réunir ainsi la double couronne de la gloire du monde et des récompenses célestes. Le duc de Thuringe s’était croisé à l’exemple de tous les princes de son temps. Je ne sais quel pressentiment avertissait Elisabeth que son adieu était le dernier qu’elle lui adressait. Aussi ne fit-elle rien pour déguiser sa douleur, et si l’on est surpris de quelque chose en lisant les détails de cette cruelle séparation, c’est de voir la violence des regrets auxquels se livrait une âme entièrement soumise aux desseins de la Providence. Mais, mes frères, gardons-nous de porter sur une pareille conduite un jugement imprudent. Cette douleur était légitime, et plus elle était vive, plus elle était pour Elisabeth le sujet d’un grand sacrifice.

Celui qui oppose une digue au torrent impétueux et le force à se resserrer dans son lit montre bien plus de force qu’en détournant le cours d’un faible ruisseau. Elisabeth en surmontant sa violente douleur eut aux yeux du Seigneur de bien plus grands mérites que [si] son coeur n’eût eu pour son époux que des sentiments d’une affection ordinaire. Il fallait que sa tendresse fût extrême, afin d’être plus violemment tourmentée quand Dieu l’aurait privée de celui qui avait une si grande part dans son coeur. En effet, le prince Louis ne put jouir du bonheur de saluer la terre des miracles, une maladie imprévue l’arrêta au milieu de sa course. Mais les seigneurs qui l’avaient accompagné, recueillirent sa dépouille.

Elisabeth venait de mettre au monde un enfant, lorsqu’on apporta au château de Wartbourg la nouvelle de la mort du duc. On crut devoir ménager à notre sainte cette nouvelle, mais par une cruauté montrer dans le même temps une machin[ation] contre elle et contre son fils. En même temps qu’on lui apprend que son mari n’est plus, on lui apprend aussi qu’elle n’est plus rien. La voilà guidant trois enfants en bas âge, obligée de porter celui qu’elle venait de mettre au monde et à qui elle semblait n’avoir donné la vie que pour le plonger dans la souffrance, demandant partout un asile dans la ville où elle avait répandu le plus de charités, rebutée de toute part. Pauvre Elisabeth, que vous recevez une cruelle leçon de l’ingratitude des hommes! Si en contemplant les souffrances que vous aviez soulagées, les larmes que vous aviez séchées, un sentiment de satisfaction trop naturelle s’était formé dans votre coeur en contemplant votre ouvrage, que Dieu vous le fait payer chèrement, en même temps qu’il vous montre combien est grande la folie de ceux qui font du bien aux hommes et qui attendent leur récompense de la reconnaissance des hommes.

A peine vers le soir veut-on lui accorder dans une hôtellerie un réduit infect, d’où l’on chasse pour lui faire place des animaux immondes. Est-ce assez, mes frères, et Elisabeth, cette fervente adoratrice de Jésus naissant dans une crèche, imite-t-elle assez son Sauveur en se retirant avec ses enfants dans une étable de pourceaux. Et c’est alors que vous pouviez dire avec le prophète: Vide, Domine, quoniam tribulor; conturbatus est me venter meus.

Notes et post-scriptum