1838-1839

Informations générales
  • TD42.239
  • [Sermon de] NOEL
  • Orig.ms. CP 136; T.D. 42, pp. 239-242.
Informations détaillées
  • 1 CONVERSION SPIRITUELLE
    1 CRECHE DE JESUS-CHRIST
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DIEU
    1 DIEU LE FILS
    1 EGLISE
    1 ENFANCE DE JESUS-CHRIST
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 JESUS-CHRIST MEDIATEUR
    1 MERE DE DIEU
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 NOEL
    1 SATAN
    1 VERBE INCARNE
    2 LEON I LE GRAND, SAINT
    3 BETHLEEM
    3 GAULE
    3 GRECE
    3 INDE
    3 ROME
  • 1838-1839
La lettre

Et hoc vobis signum: invenietis infantem, pannis involutum et positum in praesepio. – Que pensèrent les bergers en entendant ces paroles? Dieu seul le sait. Ce devait être pour eux un sujet merveilleux d’étonnement d’entendre annoncer les miséricordes de Dieu, et donner pour preuve de cette miséricorde un enfant dans une crèche. Là était le prodige. Il y a trop à dire. Je veux me borner à la crèche, et pour faire comprendre ma pensée, j’y vois la réunion de trois grands extrêmes. Saint Léon: Salva igitur utriusque proprietate substantiae, et in unam coeunte personam, suscipitur a majestate humilitas, a virtute infirmitas, ab aeternitate mortalitas.

L’extrême de la gloire et de l’abaissement, de la puissance et de la faiblesse, de l’éternelle vie et de la mort. Or, pour considérer ceci seulement du côté de la crèche, je dis que la crèche est le trône de Dieu fait homme, le premier autel de Dieu médiateur, le berceau du Dieu qui s’unit à l’humanité pour la régénérer.

1. Trône.

Satan avait dit: je poserai mon trône en face du Tout-Puissant et je serai semblable au Très-Haut. Satan précipité sur le trône des enfers. Quand il s’y est assez tordu, Dieu le délie pour un temps: il le place en face de l’homme, l’homme est vaincu. Satan se veut faire un trône sur la terre: temples de Rome, de la Grèce, de l’Inde, de la Gaule.

Quand il en a assez, Dieu a son tour. Quel trône prendra-t-il? Rien de ce qu’a souillé Satan. Donc, pour commencer, point de grandeur, mais abaissement. Une étable pour palais, des langes empruntés peut-être à la charité pour manteau royal, une crèche pour trône. C’est en cet appareil que le Fils de Dieu revient prendre possession de son empire, afin qu’il soit bien évident que dans sa puissance et ses droits Dieu est tout et l’homme n’est rien, afin de confondre son ennemi dans sa grandeur. Satan ne pourra jamais atteindre la majesté du trône de Dieu dans les cieux, ni l’abaissement du trône de Dieu sur la terre. O anéantissement et condamnation des pensées des hommes!

Mais que prêche cette crèche? La pauvreté, l’humilité, le dépouillement. Sujets d’un roi dont le trône est une crèche, où êtes-vous? Oh! reconnaissez-le. [De lui] à la crèche, la distance du trône du ciel est-elle assez grande? Et c’est là cependant ce qui lui convient au plus haut des cieux ou au plus bas sur la terre, et partout il est Dieu.

La crèche, premier autel de Dieu médiateur.

Qu’est-ce que l’homme déchu? Qui dira ses douloureuses destinées? Dieu veut le refaire, venez voir comme il s’y prendra. Voyez-vous cet enfant? Ses mains sont si faibles qu’elles ne sont pas capables de supporter encore un hochet, et cependant il étend sa petite main droite et il saisit la chaîne brisée qui unissait le ciel à la terre, il va dans les profondeurs de l’humanité et il la relève. Comment a-t-il fait ce prodige? Ah! c’est qu’il est Dieu et homme tout à la fois. Il a réuni la divinité et l’humanité dans sa personne, et il a forcé ces deux natures ennemies à se donner dans sa personne le baiser de paix. Pour accomplir ce premier acte de réconciliation qui plus tard sera scellé au Calvaire, il convoque des témoins du ciel et de la terre. Au ciel les anges. Entendez-les célébrer le fruit du sacrifice offert sur ce premier autel: Gloria in altissimis. Par-delà toutes les profondeurs gloire, gloire! L’immuable majesté de Dieu a tressailli au-dedans d’elle-même, à la vue de la jeune victime. Gloire de la part de cet enfant, au nom de l’amour qui consume son coeur! Gloire pour la victoire sur Satan! Gloire pour la liberté, la vertu et le bonheur rendus aux hommes!

Mais il faut des courtisans d’une autre espèce: voici les bergers, pauvres, grossiers, ignorants. C’est bien là ce qui convient aux représentants de l’humanité: les anges dans les cieux, les bergers à la crèche. Mais pourquoi une crèche pour autel? Pourquoi? L’homme n’a pas compris sa destinée. Homo cum in honore esset, non intellexit. L’homme est descendu par les ténèbres de son intelligence, les passions et les crimes de son coeur, au-dessous des animaux. C’est là que le fils de Dieu doit aller le chercher; c’est dans cet abîme, au fond, là-bas, qu’il doit aller placer son autel. Le signe est certain, et c’est pour cela qu’il est donné par un ange: et hoc vobis signum.

O crèche, premier autel d’où partira désormais la notion du dévouement, je vous vénère! L’égoïsme a ravalé les hommes au rang des animaux; vous les élèverez par les dévouements que vous leur inspirerez jusques à la hauteur de Dieu! Sa puissance sur cet autel se revêt de notre faiblesse, afin que notre faiblesse se revête de sa puissance. Suscipitur a virtute infirmitas.

La crèche, berceau de l’humanité régénérée par un Dieu.

Si vous ne voyez dans la crèche que le berceau du Dieu fait homme, vous n’avez rien compris au mystère. Avec Jésus-Christ naît toute l’Eglise. Dum salvatoris nostri adoramus ortum, invenimur nostrum celebrare principium. Generatio enim Christi, origo est populi christiani et natalis capitis natalis est corporis. Habeant licet singuli quique vocatorum ordinem suum, et omnes Ecclesiae filii temporum sint successione distincti, universa tamen summa fidelium, fonte orto baptismatis, sicut cum Christo in passione crucifixi, in resurrectione ressuscitati, in ascensione ad dexteram Patris collocati, ita cum ipso sumus in ista nativitate congeniti. S. Léon.

Deux naissances: celle de l’Eglise et celle de chaque fidèle. Bonheur pour l’Eglise de penser à ses commencements, au milieu des persécutions. Celui qui lui a donné pour berceau une crèche, lui donnera pour appui la croix de son Fils. Toujours elle marchera ainsi entre l’extrême misère et l’extrême grandeur.

Et nous aussi nous naissons, et la crèche, si nous le voulons, sera notre berceau. Et si nous voulons renaître, il faut y aller; car nous étions morts par le péché, et celui qui a la vie éternelle en se faisant mortel dans le berceau nous donne l’éternelle vie. Suscipitur ab aeternitate mortalitas. Il la prend; il fait plus, il l’absorbe, il l’engloutit en lui-même: Deglutiens mortem, et nous donne la vie qu’il a en lui, qu’il est lui-même. Hic est verus Deus, et vita aeterna. Il l’a en lui, il la communique, il la répand. La voulez-vous? Allez dans ce berceau, allez à la crèche, anéantissez-vous à côté de Jésus.

Ne voulez-vous pas y venir avec moi, mes frères, et comme les bergers ne dirons-nous pas tous: Transeamus usque Bethleem. Ah, venez jurer fidélité à votre roi, accepter la réconciliation de la part du médiateur, vous retremper dans la vie divine du Dieu enfant et sauveur. Oui, nous irons à Bethléem nous donner à Jésus pour le servir, nous faire purifier par lui, nous unir à lui dans le temps et l’éternité, et la crèche sera le premier degré où nous poserons le pied pour nous élever vers les cieux.

O Marie, laissez-[nous] vous féliciter, dans toute l’effusion de notre amour filial, de votre maternité divine! O Marie, laissez-nous vous demander que, de même que le Fils de Dieu sortit comme un pur rayon de [vos] chastes entrailles pour aller reposer dans la crèche, de même ce même Verbe éternel incarné, quoique d’une autre manière, dans mes paroles, s’écoule de mes lèvres dans le coeur de tous ceux qui m’écoutent. Ave, Maria.

Notes et post-scriptum