- TD43.013
- CONVERSATIONS [A ROME]
- [Chez le cardinal Micara, le 17 avril]
- Orig.ms. BJ 1; T.D. 43, pp. 13-15.
- 1 CLERGE
1 CONGREGATIONS ROMAINES
1 CONSTITUTIONS
1 DEFENSE DE L'EGLISE
1 EGLISE
1 ERREURS MENAISIENNES
1 EVEQUE
1 INSTITUTS RELIGIEUX
1 PRETRE
1 REGLES DES RELIGIEUX
1 RELIGIEUSES
1 REVOLUTION
1 SACERDOCE
1 SEPARATION DE L'EGLISE ET DE L'ETAT
1 UNITE DE L'EGLISE
1 VIE DE SACRIFICE
1 VOEUX DE RELIGION
2 GABRIEL, JEAN-LOUIS
2 LAMENNAIS, FELICITE DE
2 MICARA, LODOVICO
2 PAUL, SAINT
2 PIERRE, SAINT
3 FRANCE
3 ROME - 17 avril 1834
- Rome
17 avril.
Mic[ara]. L’abbé Gabriel m’avait demandé si les religieuses étaient tenues maintenant par leurs voeux aussi rigoureusement qu’avant la Révolution. Cette question a besoin d’un long examen. Les évêques l’ont souvent faite, mais comme ces Messieurs, après avoir consulté, ne s’occupent pas toujours de faire exécuter les réponses, la cour romaine s’exempte de répondre. Car une règle de prudence très importante est de ne pas exposer à être méconnue une autorité qu’on craint de ne pas voir assez respectée. Ainsi, par exemple, la cour de Rome sait que sur une décision elle ne sera pas écoutée, elle ne décide pas. Par là elle conserve son autorité intacte.
Pour en revenir aux religieuses, je crois qu’il faut distinguer entre ce qui est de pure discipline de ce qui est de l’essence du voeu. Ce qui est de discipline ou de règlement, il faut le faire quand on le peut, mais la règle n’oblige pas la conscience ou des cas pareils. Qu’on ne me dise donc point que les voeux doivent être simples et le reste considéré comme peu de chose, parce qu’il ne faut pas trop enchaîner les religieuses, de peur d’une révolution. Si une révolution vient, les religieuses ne seront tenues d’observer leurs constitutions qu’autant qu’elles le pourront. La règle souffrira, mais rien ne l’empêchera (la religieuse) d’observer ses voeux. Elle sera pauvre, chaste, obéissante, mais elle ne fera pas tout ce qu’elle aurait fait dans son couvent. Pour cela donc j’examinerai bien la vocation des personnes, ensuite je les ferai avancer; car, par parenthèse, il faut prendre garde à ne pas se laisser prendre par de faux dévots. Ces faux dévots sont la plus grande peste que l’on puisse voir, parce qu’il est plus difficile de corriger un faux dévot qu’un mauvais religieux. Un religieux est puni, on dit: c’est un exemple. Un faux dévot veut faire sa volonté. Si on le punit, on criera à l’arbitraire.
Pour conclure, je dis que mon opinion est que la règle doit être observée dans toute sa rigueur, mais que la réponse officielle, pour être faite, a besoin d’être longuement examinée. Vos évêques, mon ami, ont un principe qui fait le malheur de l’Eglise, parce que là où il n’y a pas un seul coeur, une seule âme, on ne peut rien faire. Si le corps n’est pas uni, il tombe en ruines. Si le bras veut faire ce que la tête ne veut pas, tout s’ébranle. Et puis l’Eglise est un corps si bien organisé que tout s’y tient. Si vous ébranlez une pierre, tout l’édifice est menacé. Ce qu’il faut donc faire, c’est de travailler le plus possible à l’unité. Mais vos évêques veulent se mêler de décider de toute chose. Ainsi, par exemple, pour ce qui a rapport à l’abbé de la Mennais, un évêque a déclaré ne vouloir pas ordonner celui qui partagerait les doctrines de l’Avenir. Scélératesse! C’est faire elle-même ce que l’Eglise ne fait pas, c’est descendre au fond des coeurs. Jamais fait semblable ne s’était vu. Non, on n’avait jamais vu de pareilles horreurs. Qu’une erreur s’élève, l’Eglise dresse des symboles et les fait signer; rien de plus naturel. Mais avant la décision de l’Eglise! Mais oser de pareil[les choses], oui, c’est une scélératesse.
Du reste, tous les évêques de France viendraient me dire que l’abbé de la Mennais a tort, que je prouverais le contraire. L’abbé de la Mennais est parti d’un principe faux et il n’a pu en disconvenir. Il a supposé un clergé qui défendrait les intérêts de l’Eglise. Or, l’histoire à la main, je lui ai prouvé que les ecclésiastiques avaient toujours été la cause des maux de l’Eglise et le plus grand obstacle à sa régénération. Voyez, Jésus-Christ a dit: « Allez dans besace, sans argent, sans bâton; n’ayez pas deux tuniques ». L’Eglise se forme, et les voilà qui veulent se faire puissants, riches. Ils se font appeler ducs. Et saint Paul aussi était duc, quand il arrivait à Rome prisonnier et obligé de gagner sa vie. Ils veulent se faire princes; et voyez, saint Pierre aussi sans doute était prince, lorsqu’il entrait à Rome pieds nus, sans savoir où reposer. L’abbé de la Mennais n’a rien dit de nouveau. Il n’a fait [que] répéter ce que les apôtres, ce que Jésus-Christ, ce que les prophètes avaient dit. L’esprit de sacrifice est l’esprit du sacerdoce. Le prêtre, le jour de don ordination, le prêtre va au-devant du danger. Bonus pastor animam suam dat pro ovibus suis. Et s’il donne sa vie, il doit donner ses habits, son argent. Donc l’abbé de la Mennais n’a rien dit de nouveau quant à l’indépendance de l’Eglise. C’est un malheur que Messieurs vos évêques ne veuillent pas voir que la religion ne sera heureuse que lorsque cette séparation aura lieu.
Les corps religieux sont venus quand le clergé s’est corrompu, par exemple les Bénédictins, les Jésuites, qui les uns et les autres ont fait tant de bien et tant de mal à la religion; les ordres mendiants qui ont exécuté encore plus strictement les conseils de Jésus-Christ.