CONVERSATIONS [A ROME]

Informations générales
  • TD43.016
  • CONVERSATIONS [A ROME]
  • [Chez le P. Ventura, le 18 avril]
  • Orig.ms. BJ 1; T.D. 43, pp. 16-17.
Informations détaillées
  • 1 CHRISTIANISME
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 EGLISE
    1 ERREURS MENAISIENNES
    1 LAICAT
    1 PRESSE
    1 PRETRE
    1 TRANSFORMATION SOCIALE
    2 LACORDAIRE, HENRI
    2 LAMENNAIS, FELICITE DE
    2 MONTALEMBERT, CHARLES DE
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    3 FRANCE
    3 ROME
  • 18 avril 1834
  • Rome
La lettre

18 avril. V[entura].

M[oi]. Voici une lettre qui vous fera plaisir.

V[entura]. Lit: « Je ne crois plus qu’il soit possible de défendre l’Eglise. Je dois des actions de grâces à mes adversaires, dont la haine stupide et hébétée m’a enfin montré qu’il fallait laisser faire la Providence… ». Je ne croyais pas qu’il eût fait tant de chemin.

M[oi]. Je viens d’entendre lire une lettre de lui qui est plus forte encore; il est évidemment exaspéré. Ainsi, par exemple, il dit: « Le monde évidemment marche à de nouvelles destinées. La vieille enveloppe crève de toute part, quoique l’on ne découvre pas bien la forme de la chrysalide ». Plus tard, il dit encore: « Malheureusement, je n’aperçois pas la place que Rome occupe dans le système nouveau. Le grand problème de l’union de la science et de la foi appelle une solution que l’Eglise ne donnera pas. Il y a dans les âmes un mouvement plutôt chrétien que catholique: ce n’est pas le protestantisme qui ne satisfait pas, ce n’est pas le catholicisme qui ne satisfait plus ».

V[entura]. Tout cela m’étonne, il a fait bien du chemin.

M[oi]. Ne pourrait-on pas dire que le monde aujourd’hui se formule d’une façon toute nouvelle? Ainsi il est certain qu’aujourd’hui la voix du prêtre a perdu beaucoup de son importance comme prêtre. Par exemple, que l’abbé de la M[ennais] fût prêtre ou laïque, il n’eût pas produit un moindre effet. Les articles de Montalembert laïque faisaient autant d’impression que les articles de Lacordaire prêtre. La presse aujourd’hui absorbant toutes les pensées, c’est par la parole écrite bien plus que par la parole parlée que l’on peut opérer. Or dans ce genre il faut avouer que les laïques ont autant d’avantages que les prêtres.

V[entura]. Vous avez raison, car il arrivera aujourd’hui ce qui est arrivé du temps des premiers chrétiens, qui firent par leur constance à confesser la foi bien plus que les prêtres. Car, proportion gardée, il y eut plus de simples fidèles que de prêtres qui subirent le martyre. Cependant les prêtres étaient toujours là pour diriger les démarches des chrétiens. De même aujourd’hui faut-il plus de travail de la part des laïques. Mais il faut toujours qu’ils reçoivent une direction, qu’ils n’aillent pas croire que seuls ils atteindront le but; sans quoi ils se fourvoieront et n’avanceront pas l’oeuvre de la vérité. Quand l’abbé de la Mennais a produit tant d’effet, ce n’était pas parce qu’il était prêtre ou catholique, mais parce qu’il était homme de conviction. Aujourd’hui avant tout on veut des hommes de conviction.

M[oi]. Et comme malheureusement en France il s’en trouve peut-être moins chez les prêtres que chez les laïques, ce seront les laïques qui auront la plus grande part à l’oeuvre.

Notes et post-scriptum