CONVERSATIONS [A ROME]

Informations générales
  • TD43.025
  • CONVERSATIONS [A ROME]
  • [Chez le P. Ventura, le 15 mai]
  • Orig.ms. BJ 1; T.D. 43, pp. 25-27.
Informations détaillées
  • 1 CONFESSEUR
    1 DIRECTION SPIRITUELLE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 PARENTS
    1 RELIGIEUSES
    2 ALPHONSE DE LIGUORI, SAINT
    2 CHENAVARD, PAUL
    2 FRANCOIS D'ASSISE, SAINT
    2 GAETAN DE THIENE
    2 PAUL ERMITE, SAINT
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    3 EUROPE
    3 NAPLES
  • 15 mai 1834
  • Rome
La lettre

15 mai. V[entura], Chen[evart].

M[oi]. Mon Père, savez-vous que M. R[ubichon] vous a accusé d’avoir beaucoup parlé contre les Jésuites?

V[entura]. Rien n’est plus faux. J’ai fait l’éloge des Jésuites en mille circonstances. Il est vrai qu’aujourd’hui je ne le ferai plus. C’est à moi qu’ils doivent leur collège à Naples. Dieu sait toutes les cajoleries qu’ils m’ont faites tant que j’ai pu leur être utile, et comme ils ont eu l’air de ne me plus connaître quand je n’ai pu leur être bon à rien.

Du reste, vous observerez que les Jésuites n’ont rien laissé de durable. Les autres corps ont laissé des monuments qui s’adressaient à la société, eux ont voulu s’attacher aux rois. Ils ont dit: « Si nous avons le pouvoir, nous aurons tout ». En effet, ils se sont adressés au pouvoir; mais quand le pouvoir les a abandonnés, ils se sont trouvés sans force.

Ch[enavart]. Je voudrais savoir quel est l’esprit qui préside aux corps religieux.

V[entura]. Le voici. Il faut en distinguer de quatre espèces. Les ermites fondés par saint Paul l’ermite; ils sont venus au temps des persécutions; les moines, qui sont venus lorsque les invasions des barbares ont ravagé l’Europe – ils ont sauvé la vertu qui déjà était affaiblie; l’époque des ordres mendiants, qui sous saint François d’Assise ont ramené les religieux dans les villes; enfin, les clercs réguliers qui ont rendu au clergé sa ferveur perdue. Ce sont moins des ordres que des familles d’ordres. Les Jésuites appartenaient à la quatrième [catégorie], dont saint Gaëtan est le patriarche. Mais je crois qu’à ces quatre couches d’ordres doit en succéder une cinquième, dont les voeux ne seront pas perpétuels [= solennels] et qui travailleront en dehors des gouvernements. Je crois que celui qui en a posé la première pierre est le bienheureux Liguori, par l’ordre des Rédemptoristes.

M[oi]. Vous avez parlé ce soir de la confession. Je voudrais savoir vos principes dans cette partie-là.

V[entura]. Je crois que le confesseur doit imiter le médecin, qu’il doit aider la nature, – rien de plus – mais qu’il doit laisser agir le Saint-Esprit. Sa méthode doit être d’établir l’âme dans une grande humilité, de la forcer à se livrer aux vertus de son état, de ne rien faire sans permission, et puis de laisser agir la grâce. En la maintenant dans l’humilité, il évite toutes les illusions, il purifie son intention, il prépare la voie au Saint-Esprit. En la maintenant dans ces vertus de son état, il l’empêche de se complaire en elle-même, il lui conserve l’humilité et la fait arriver à une grande perfection sans qu’elle s’en doute. En la forçant de ne rien faire sans permission, il la maintient dans l’obéissance et peut juger des progrès qu’elle fait. Du reste, il ne faut pas lui suggérer des pratiques, il faut la mettre sur la voie de les trouver elle-même.

Je confessais une religieuse, qui, toute troublée, me disait qu’elle ne savait si elle pourrait se sauver, car elle aimait trop ses parents. Je lui répondis que rien n’était plus naturel que d’aimer ses parents et que ce serait une ingratitude que de ne pas les aimer. Elle me demanda la permission de les voir tous les quinze jours. Je lui répondis qu’elle ferait bien de les voir toutes les semaines. Tout en lui donnant ces permissions, je lui parlais fortement sur les autres choses, c’est-à-dire sur l’humilité, la pratique des devoirs de son état. Eh bien, au bout de quelque temps, elle-même vint me demander de lui permettre de ne voir ses parents que le plus rarement possible; ce que je lui accordai fort aisément. Par ce moyen on fait un bien durable. Ensuite il est inconcevable toutes les industries que ces saintes âmes trouvent et dont je ne me douterais pas. Elles me demandent les permissions; je leur dis: Faites, et tout est dit.

Notes et post-scriptum