CONVERSATIONS [A ROME]

Informations générales
  • TD43.037
  • CONVERSATIONS [A ROME]
  • [Chez le P. Ventura, le 8 novembre]
  • Orig.ms. BJ 1; T.D. 43, pp. 37-39.
Informations détaillées
  • 1 CLERGE FRANCAIS
    1 CLERGE REGULIER
    1 CLERGE SECULIER
    1 EGLISE
    1 EVEQUE
    1 GALLICANISME
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 RELIGIEUX
    1 THEOLOGIE
    1 THOMAS D'AQUIN
    2 BONAPARTE, JEROME
    2 VENTURA, GIOACCHINO
    3 ESPAGNE
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 PORTUGAL
    3 RIO DE JANEIRO
  • 8 novembre 1834
  • Rome
La lettre

8 novembre. Ventura, un prélat.

Le prélat. Il me semble que la chose la plus nécessaire aujourd’hui, c’est l’instruction du clergé, qui ne connaît point assez ce que c’est que la science et ce qu’elle peut faire pour le bien de la religion. Ce qui n’est pas moins nécessaire, c’est l’union entre les membres du clergé. Le clergé séculier est trop prévenu contre les ordres religieux. Si, au contraire, il avait voulu voir dans les moines des auxiliaires, des hommes qui par leur position doivent être consacrés à la défense de la religion, il eût bien plus aisément résisté à l’attaque de l’ennemi commun.

Ventura. En effet, l’on peut dire que le clergé séculier est dans l’Eglise ce que sont dans l’Etat les magistrats et les administrateurs. Le clergé régulier y tient la place de l’armée, et de même que l’armée relève immédiatement du souverain, de même les corps religieux relèvent et doivent relever du Pape, afin de conserver l’unité d’action nécessaire au plan de campagne contre les hérétiques et les incrédules. Mais on n’a pas voulu voir cela et l’on a préféré poursuivre les religieux. Les évêques n’ont pu les souffrir, parce qu’ils ne pliaient pas sous leur joug. Messeigneurs devraient cependant comprendre que les prêtres séculiers, occupés comme ils le sont au ministère des paroisses, n’ont ni le temps ni l’instruction nécessaire pour lutter contre les systèmes du jour.

Le prélat. On ne peut cependant nier que la conduite du clergé français est une de celles qui ont le plus consolé l’Eglise. Le clergé français s’est toujours montré en opposition avec ses maximes, et c’est ce qu’il avait de mieux à faire, dans un moment surtout où l’Eglise d’Espagne et du Portugal se conduisent si mal. Car en Espagne et en Portugal il y a de très mauvais évêques. En Portugal, ceux qui ont été nommés pendant que la cour était à Rio de Janeiro sont détestables. En Espagne, ceux qui ont été nommés sous le règne de Jérôme Bonaparte ne valent guère mieux.

V[entura]. Il faut faire une observation pour la conduite du clergé français, c’est que le gallicanisme est mort dans les rangs inférieurs du clergé, mais qu’il est encore vivant dans les têtes épiscopales. Et il sera nécessairement toujours vivant là où le pouvoir nommera aux évêchés. On ne peut [en] attendre que des choses semblables. La dernière encyclique qui a ruiné complètement les pauvres libertés gallicanes a bien montré la différence. En effet, le bas clergé s’est soumis sans restriction, il a vu en cela une question de droit public; les évêques n’y ont vu qu’un triomphe de parti.

Ce n’est pas tout. Le clergé inférieur en France tend à s’avancer vers un état meilleur. L’épiscopat s’efforce de gêner tant qu’il peut ce développement. Aussi une étude très importante pour les temps actuels, c’est l’étude du droit canon. Les prêtres ne comprennent pas combien de ressources ils trouveraient dans cette étude contre les efforts que l’on fait pour les soumettre à un véritable arbitraire. L’Eglise a des lois qui sont tous les jours violées, [et] il importe que l’on prévienne un pareil abus.

M[oi]. J’ai pensé, mon Père, à ce que vous m’avez dit l’autre jour sur la traduction de la partie psychologique de la Somme de saint Thomas; mais il m’a paru qu’au lieu d’une pareille traduction, ce qui importerait surtout, ce serait de faire un travail dans lequel on exposerait la manière de profiter de l’étude de saint Thomas. Par ce moyen on ne se bornerait [pas] à faciliter l’étude d’une seule partie des ouvrages des grands scolastiques, on donnerait l’amour de l’étude toute entière. Aujourd’hui se réveille partout le besoin de puiser aux sources; il faut donc apprendre aux jeunes gens à ne pas troubler l’eau pure de la fontaine, en remuant le limon qui est au fond. Un français ne peut pas entreprendre un pareil travail, et en Italie il n’y a que vous capable de comprendre un pareil sujet et de le bien traiter.

Notes et post-scriptum