CONVERSATIONS [A ROME]

Informations générales
  • TD43.039
  • CONVERSATIONS [A ROME]
  • [Chez le cardinal Micara, le 11 novembre]
  • Orig.ms. BJ 1; T.D. 43, pp. 39-41.
Informations détaillées
  • 1 ADULTERE
    1 CHANOINES
    1 CLERGE FRANCAIS
    1 CONFESSEUR
    1 CONFESSION SACRAMENTELLE
    1 CONGREGATIONS ROMAINES
    1 EGLISE
    1 EVEQUE
    1 FEMMES
    1 HERITAGES
    1 LUXURE
    1 MARIAGE
    1 MISSIONNAIRES
    1 MOINES
    1 OPINION PUBLIQUE
    1 PIETE
    1 PRETRE
    1 PROPRIETES FONCIERES
    1 RELIGIEUX
    1 SEMINAIRES
    1 THEOLOGIE
    1 VERTUS SACERDOTALES
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    1 VOCATION SACERDOTALE
    2 ALPHONSE DE LIGUORI, SAINT
    2 MICARA, LODOVICO
    3 FRANCE
    3 THEBAIDE
  • 11 novembre 1834
  • Rome
La lettre

11 novembre. Mic[ara].

(Moi). Je ne puis vous dire, Eminence, combien je souffre en pensant à la manière dont se font les évêques en France. Quelques femmes font tout, distribuant les places, et quand un homme ne leur convient pas, elles vont disant dans les salons qu’un tel prêtre est un homme indépendant, qu’il faut l’écarter, et ainsi se traitent les affaires de Dieu. Un défaut non moins grand, c’est la manière dont on forme les prêtres, on ne veut que la piété et on laisse entièrement de côté la science.

Mic[ara]. Je ne crains pas de dire que dans un prêtre catholique il faut la science d’abord, ensuite la piété. Un prêtre qui n’est que pieux fait un mal immense. Voyez aussi la conduite de l’Eglise. Elle dit aux prêtres qui ne veulent que la piété: Va dans un cloître, fais-toi chartreux, trappiste, ermite; à ceux qui ne se sentent pas le courage d’aller s’enfermer dans un désert, elle leur dit: fais-toi chanoine, chante les louanges de Dieu, édifie le peuple par ton assiduité au choeur, et, pourvu que tu aies la piété et une bonne voix, tu iras tout droit en paradis. Au contraire, si tu veux être prêtre-administrateur, si tu veux exercer tes fonctions de prêtre, tu dois être savant afin de pouvoir conduire les âmes. Si caecus caeco ducatum praestet, nonne ambo in foveam cadent. Il faut dire, à la vérité, que le propre caractère du prêtre est d’être à la fois savant et pieux. Un prêtre catholique qui n’est pas pieux est un monstre. L’esprit primitif de l’Eglise a été qu’ils fussent savants, car au commencement tous les religieux d’un couvent n’étaient pas prêtres. Dans la Thébaïde, sur une immense population de religieux, à peine trouvait-on un ou deux prêtres qui pourvoyaient aux besoins spirituels de la communauté; les autres s’occupaient à la méditation, à la psalmodie, au travail des mains, mais ne recevaient pas le sacerdoce.

… Voilà le papier du prêtre français. Parmi les cas qu’il m’a présentés, il en est de très difficiles et sur lesquels la Sacrée Pénitencerie ne répond pas. Cependant j’ai examiné, j’ai fait consulter et voici la réponse.

1er cas. Un homme possédait de bonne foi un bien, etc. Le fils obligé à restituer, car il y a fraude de sa part.

2e cas. Une femme adultère, qui a un enfant fruit de son crime, qui héritera des biens du mari, est-elle tenue à découvrir sa honte? Le cas est très difficile, il y a une foule de circonstances qui doivent modifier la décision. Il faut d’abord savoir si le mari a des héritiers, car dans le cas où il n’en aurait pas, la thèse changerait. En second lieu le mari est-il tellement brutal que la femme puisse craindre de graves suites d’une pareille révélation. Il est évident que dans un pareil cas elle n’est pas tenue, quoique cependant en principe elle y soit obligée. Autrefois, en de pareilles circonstances, l’Eglise conseillait à l’enfant adultère d’entrer dans un couvent. La femme pourrait encore, si le mari est honnête, l’engager à donner son bien à une église ou à un hôpital, et, pour le dire en passant, c’est par ce moyen-là que tant de biens ont été donnés à l’Eglise, sans qu’on en sût le véritable motif. Dans tous les cas on peut retarder l’aveu, jusqu’à ce que le mari étant arrivé à un certain âge puisse entendre un pareil aveu avec moins d’emportement.

3e cas. Le missionnaire peut-il donner l’absolution à un pénitent après huit jours seulement d’épreuves, lorsqu’il n’a pas le temps de rester plus longtemps sur les lieux? – Oui, parce que après tout ce temps est suffisant, quoique je déclare terrible la conduite de ceux qui donnent l’absolution à un homme, dès qu’il la demande, sous prétexte qu’il doit être disposé par cela même qu’il se présente au tribunal de la pénitence.

4e cas. Une femme peut-elle être en sûreté de conscience, lorsqu’elle reste passive dans le cas du péché d’Onan? Non, absolument non, et c’est une des horreurs [= erreurs?] avancées par Liguori. C’est une des raisons qui peuvent faire accorder la séparation quoad torum. La femme doit refuser jusqu’au dernier moment et être, s’il le faut, victime de la chasteté. Que si elle est opprimée, c’est pour elle une gloire dans un pareil cas.

5e cas. Le pénitent doit-il être cru sur parole? Le confesseur doit-il lui refuser l’absolution d’après une rumeur publique?

Il y a rumeur et rumeur. Vous savez qu’on fait courir souvent le bruit qu’une chose est et qu’elle n’est pas, que l’on accuse faussement un homme de crimes dont il n’est pas coupable. Il faut donc faire attention si la rumeur publique est certaine. Il est des théologiens qui pensent que l’on doit croire le pénitent dans ce en quoi il s’accuse, mais qu’il ne faut pas le presser sur cette question. Pour moi, je sais fort bien qu’étant chargé de confesser les galériens, parmi lesquels j’ai fait une excellente étude sur les maux de l’humanité, je sais très bien que ces malheureux que j’entendais blasphémer sous mes fenêtres venaient quelquefois demander à se confesser, et que lorsque je leur demandais s’ils avaient blasphémé, ils me niaient l’avoir fait. Comment alors ne pas les mettre à la porte du confessionnal? Et, pour le dire en passant, ces malheureux ne se confessaient que pour obtenir leur grâce, preuve que l’on n’est pas toujours préparé par cela seul que l’on se présente au tribunal de la pénitence.

6e cas. La maxime pour refuser les sacrements à quelqu’un. Il faut être moralement certain de ses mauvaises dispositions. Peut-elle être constamment suivie en pratique? Oui.

Notes et post-scriptum