vers 1851

Informations générales
  • TD43.086
  • Des examens à faire subir aux jeunes gens qui veulent être admis au grand-séminaire.
  • Orig.ms. CQ 230 et 231; T.D. 43, pp. 86-90.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 BACCALAUREAT
    1 CONCILE DE TRENTE
    1 ENSEIGNEMENT CATHOLIQUE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA PATROLOGIE
    1 ENSEIGNEMENT DES LANGUES
    1 ENSEIGNEMENT OFFICIEL
    1 ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
    1 ETUDES ECCLESIASTIQUES
    1 EXAMEN
    1 GRANDS SEMINAIRES
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 JEUNESSE
    1 LATIN LITURGIQUE
    1 MATIERES DE L'ENSEIGNEMENT ECCLESIASTIQUE
    1 PERES DE L'EGLISE
    1 PETITS SEMINAIRES
    1 PROGRAMME SCOLAIRE
    2 BASILE, SAINT
    2 CAHOUR, ARSENE
    2 CICERON
    2 GREGOIRE DE NAZIANCE, SAINT
    2 HOMERE
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 JEROME, SAINT
    2 PLATON
    2 TACITE
    2 TERTULLIEN
    2 VIRGILE
  • vers 1851
La lettre

L’influence exercée par le baccalauréat sur les études est un fait si évident qu’on ne le conteste plus. Les partisans de l’enseignement officiel en font leur palladium, les amis de la liberté le représentent comme le grand obstacle aux améliorations qu’ils voudraient apporter dans les établissements particuliers. C’est au programme du baccalauréat tel qu’il subsiste depuis vingt ans qu’on attribue l’affaiblissement des études, c’est par un nouveau programme qu’on prétend les relever, en changer même assez profondément la direction.

Evidemment le programme a une immense portée. Nous avons besoin d’ajouter que l’on a peut-être tort d’en faire l’unique cause du dépérissement des études classiques. Autrefois on étudiait pour faire usage toute sa vie des connaissances instrumentales acquises sur les bancs [de l’école]. Aujourd’hui l’on n’a rien de plus pressé que d’oublier ce qu’on [a] rigoureusement appris pour l’examen. Consultez tous les bacheliers de vingt-quatre heures, et, à l’exception de ceux qui se destinent à l’enseignement, vous jugerez par leurs réponses.

Or, il est une autre catégorie de jeunes gens qui a ou qui devrait avoir besoin toute sa vie de conserver le fruit de ses études classiques, la connaissance du latin et du grec, c’est la catégorie des jeunes aspirants au sacerdoce. Pour eux il faut, d’une part, avoir des connaissances fugitives que quelques mois de travail forcé procurent, que quelques jours de dissipation font évanouir. Ceux qui ont mission d’examiner les jeunes gens qui se présentent au seuil des grands séminaires, ne doivent-ils pas se préoccuper de l’espèce de connaissances qu’ils sont obligés d’exiger? Et déjà à ce point de vue ce serait peut-être un grand problème que celui de savoir si les études des petits séminaires doivent être dirigées dans le même sens que les études des autres établissements, et si affranchies, comme le sont les écoles ecclésiastiques, du joug des programmes, il n’y aurait pas à en profiter pour faciliter aux jeunes élèves, l’espoir du clergé, des études plus lentes peut-être, mais plus fécondes à coup sûr pour l’avenir. Nous n’osons pas aborder aujourd’hui un aussi grave sujet, nous y reviendrons probablement plus tard. Ce que nous désirerions aujourd’hui, ce serait de fixer l’attention de Messieurs les supérieurs des grands-séminaires sur l’influence qu’ils doivent [avoir] à l’égard des études des petits séminaristes. N’ont-ils pas le droit d’exiger qu’on leur donne pour leur communauté des jeunes gens préparés comme ils le désirent, pour en faire de bons théologiens? Et n’y a-t-il pas certaines connaissances instrumentales qui s’acquièrent au petit séminaire, et dont ils ont le droit d’exiger que leurs futurs élèves soient munis?

Si les établissements libres ont un but qui est le baccalauréat ès-lettres ou le baccalauréat ès-sciences, selon la carrière à laquelle on se destine, les études des petits séminaires n’auront-elles pas leur but spécial? Et tandis que les écoles de l’Etat exigent tant d’années d’une préparation toute spéciale, la science sacerdotale n’aura-t-elle à réclamer aucune préparation, et, pourvu que l’on sache expliquer tant bien que mal quelques lambeaux d’auteurs grecs ou latins, cela suffira-t-il pour être jugé apte à entrer en logique ou en théologie?

Un savant Jésuite, dans un beau livre dont nous n’adoptons pourtant ni tous les principes ni toutes les conclusions, le P. Cahours, disait tout récemment avec une grande justesse que l’Eglise avait tout intérêt à ce que l’on sût bien le latin théologique. Or qui doute que le latin théologique ne doive être surtout l’objet des travaux des aspirants au sanctuaire?

Il est donc évident que c’est dans les petits séminaires surtout que le latin théologique doit être le plus et le mieux cultivé. Mais par l’effet de combinaisons qu’il ne nous appartient pas d’apprécier ici, l’on ne se préoccupe guère dans bien des établissements de ce genre de latin. Là aussi l’on veut préparer des bacheliers. Qu’arrivera-t-il? C’est que passant du petit séminaire au grand, soit que les études sur le latin ou sur le grec aient été faibles, soit que l’on n’ait pas initié à la lecture des grands écrivains ecclésiastiques, trop souvent on se borne à ce qu’il faut savoir(?) seulement de sa théologie dans l’auteur ou dans le cahier, et le reste du temps s’emploie à des lectures dans des auteurs plus faciles, c’est-à-dire dans des auteurs français. Le grec est bien vite oublié; quant au latin il est toujours pénible à suivre. Les théologiens français sont bien plus commodes. Quand on débute ainsi, on se ferme à tout jamais les portes de la science, on renonce à aller puiser aux sources.

Cependant les rangs du clergé commencent à se garnir, l’on n’a plus hâte de précipiter les jeunes prêtres dans le ministère pastoral, où les ravages de la Révolution les rendai[en]t indispensables. Les études peuvent être relevées, elles doivent l’être.

Mais si un homme dans un diocèse est plus spécialement chargé de cette mission, c’est surtout au supérieur du grand séminaire qu’elle appartient. En effet, dans la première pensée du Concile de Trente, les grands et les petits séminaires ne devaient former qu’un seul établissement, et les classes de grammaire n’étaient que le prélude des cours de théologie. Le concile de Trente semble donc confier aux supérieurs des grands séminaires le soin de veiller à ce que les études préparatoires permettent aux jeunes théologiens des travaux que semble réclamer leur ministère qui leur sera confié un jour, et l’instrument littéraire le plus important est un cours de ce que nous appellerions avec le R.P. Cahours du latin et du grec théologiques. Mais le latin et le grec théologiques se trouvent dans les grands théologiens de l’Eglise. Ne serait-il pas possible à Messieurs les Supérieurs des grands- séminaires d’obtenir de Nos Seigneurs les évêques que les jeunes gens qui se présentent à la porte de leur communauté eussent à subir un examen qui pût constater leur capacité à comprendre le grec et le latin qui leur sera nécessaire, et que cet examen portât sur des ouvrages des Pères?

Je m’attends qu’on va me répondre: Mais c’est tuer Cicéron et Virgile, Homère et Platon. Nullement. On expliquera ces auteurs dans les classes. Mais comme ce n’est ni Virgile, ni Cicéron, ni Platon, ni Homère que ces jeunes théologiens ont surtout besoin de connaître, ils étudieront ces grands génies comme moyens de mieux apprécier d’autres génies, qui ont une bien autre valeur pour eux. Et qu’on ne dise pas, quand on connaît bien Cicéron on peut parfaitement étudier saint Augustin, le latin de Tacite est une excellente préparation à l’intelligence de Tertullien. D’abord, si le fait est vrai, les jeunes examinés n’auront aucune difficulté à répondre sur les auteurs proposés et l’objection tombera par cela même.

Mais nous sommes convaincus, nous, et par de nombreuses expériences que le fait n’est pas vrai, qu’on peut très bien saisir les beautés de Cicéron et de Tacite, et ne comprendre qu’avec beaucoup de peine le style de saint Augustin. Si notre témoignage est mis en doute, que l’on fasse des essais. Que résulte- t-il? C’est que rebutés en ouvrant les pages de ces grands auteurs les jeunes gens les ferment bien vite. Les difficultés ne sont pas surmontées, ils n’en reviendront jamais, et c’est ainsi que les grandes études théologiques s’en vont. On fait de la théologie en français pour le besoin de l’examiné et quelquefois de l’examinateur. Evidemment si l’on veut que les études théologiques reprennent, il faut une nouvelle préparation dans les petits séminaires.

Pour nous, nous sommes persuadés que ce que l’Université a pu, ce que le gouvernement peut encore par les programmes du baccalauréat sur les études secondaires, Messieurs les Supérieurs des grands séminaires le peuvent sur toutes les écoles ecclésiastiques. Qu’ils proposent leur programme, qu’ils soient sévères à l’exiger, et bientôt les études théologiques reprendront leur éclat, appuyées qu’elles seront sur des études préliminaires en rapport avec ce que l’on a le droit de réclamer des jeunes théologiens.

Nous n’avons pas la prétention de donner un modèle parfait de programme. Cependant s’il nous était permis de soumettre humblement notre avis, voici de quoi il se composerait:

1° Trois Pères de l’Eglise latine, la Cité de Dieu ou le livre De doctrina christiana de saint Augustin, les lettres de saint Jérôme, l’Apologétique et les Prescriptions de Tertullien.

2° Trois Pères de l’Eglise grecque: le traité du sacerdoce de saint Chrysostome, l’Hexaéméron de saint Basile et quelques poésies de saint Grégoire de Nazianze.

3° Une rédaction en latin sur l’histoire ecclésiastique.

La rédaction latine est indispensable pour des jeunes gens qui vont faire leur philosophie et qui, s’ils ne la font pas en latin, n’argumenteront jamais en latin quand ils seront en théologie. Le sujet de cette rédaction devrait être pris dans l’histoire ecclésiastique, soit parce qu’un des moyens de rendre intéressante l’étude de la religion est un cours élémentaire d’histoire ecclésiastique, soit parce que des premiers jalons jetés dans le petit séminaire sont toujours, selon, nous, une excellente préparation pour le grand.

Nous soumettons cette pensée à Messieurs les Supérieurs des grands séminaires et nous pensons que, forcés pour rendre utiles les études préparatoires de nous rendre compte du but que nous nous proposons, ils nous pardonneront de leur présenter des considérations qui sembleraient empiéter sur leur domaine, si de nos jours les besoins de la grande cause généreuse(?) n’autorisaient tous ceux qui croient connaître un remède aux maux de l’Eglise, à l’indiquer à ceux qui ont la mission plus spéciale de lui préparer des défenseurs et des ouvriers.

Notes et post-scriptum