1852

Informations générales
  • TD43.093
  • [Note sur le protestantisme]
  • Orig.ms. CQ 234; T.D. 43, pp. 93-94.
Informations détaillées
  • 1 ABSOLUTISME
    1 ANARCHISTES
    1 EGLISE ET ETAT
    1 LEGISLATION
    1 LIBERTE DE CONSCIENCE
    1 LOI CIVILE
    1 POUVOIR
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 SAINT-SIEGE
    1 SOUVERAIN PROFANE
    2 LOUIS, SAINT
    2 LUTHER, MARTIN
    2 PHILIPPE LE BEL
    2 PROUDHON, PIERRE-JOSEPH
    3 ALLEMAGNE
    3 EUROPE
    3 ROME
    3 WESTPHALIE
  • 1852
La lettre

L’influence des doctrines protestantes sur l’état présent des esprits est malheureusement des plus défavorables. Sans doute, avant Luther, le droit césarien avait fait ses protestations. Comme successeurs des empereurs romains, les empereurs d’Allemagne prétendaient à la propriété du monde entier. De son côté, Philippe le Bel, aidé de son triste chancelier et d’une armée de légistes, avait signalé par ses attentats contre le Saint-Siège l’introduction en France de principes bien différents de ceux de saint Louis, quoi que Rome ait dit sur la Pragmatique prétendue sanction du saint roi. Mais jamais on [n’] avait osé poser les principes de l’envahissement de l’Eglise par l’état comme un dogme religieux.

La Réforme, au contraire, qui avait besoin des princes et du pouvoir civil, déclara que la conscience seule était un sanctuaire impénétrable, mais que, du reste, c’était aux magistrats à régler les affaires de la discipline ecclésiastique. Et ceci était conséquent. Le libre examen ne décide rien que pour chaque individu; la grâce de la révolution personnelle ne peut aller au-delà de chaque membre de l’Eglise. Pour grouper tous ces atomes, il faut une puissance, et elle ne saurait venir que de Dieu: elle viendra de l’homme. Voilà pourquoi le pouvoir civil domine les Eglises réformées.

Mais une fois le principe posé, il parut essentiellement commode aux souverains qui l’adoptèrent avec empressement, et, peu à peu, le firent passer dans les lois et dans le droit européen. Il fut solennellement inauguré au traité de Westphalie, et, depuis lors, les conséquences de cette doctrine anticatholique n’ont cessé de se développer avec fatale et irrésistible persévérance. Le droit public s’en est emparé; on en a fait une arme, à l’aide de laquelle on a espéré battre en brèche toutes les prétentions ultramontaines, et, du train dont on y va, on peut espérer le succès.

Mais voici ce qu’il est facile de prévoir. Quand le dernier terme aura été atteint et que l’on ne reconnaîtra plus aucune règle extérieure, que le pouvoir civil sera maître parce qu’il est pouvoir civil, les peuples ne reconnaîtront plus que le droit du plus fort. Et qui peut fixer la barrière de séparation entre la force et la violence, entre la violence et l’anarchie? Pour moi, je n’en connais qu’une, c’est la tyrannie la plus implacable. Anarchie et tyrannie, voilà les deux pôles, entre lesquels la révolution commence à balancer les sociétés modernes, jusqu’à ce qu’elle les ait replongées dans le chaos.

On a beaucoup crié contre les extrémités, auxquelles un des plus rigoureux logiciens du temps présent, M. Proudhon, était arrivé. Pour moi, je voudrais bien faire un livre sur la rigueur de toutes ses conclusions. Il n’avait qu’à prendre les prémisses données par ses prédécesseurs et en extraire ce qu’elles renferment. Sans doute, le terme où il arrive est terrible, impie, mais il n’est pas le premier, le plus grand coupable. Les vrais coupables ce sont eux.

Notes et post-scriptum