février-mars 1863

Informations générales
  • TD43.168
  • NOTES SUR LA QUESTION D'ORIENT, 1863.
  • Orig.ms. CQ 271; T.D. 43, pp. 168-174.
Informations détaillées
  • 1 ACHAT DE TERRAINS
    1 ANGLAIS
    1 ARMENIENS
    1 BULGARES
    1 EGLISE NATIONALE
    1 FRANCAIS
    1 GRECS
    1 MISSION DE BULGARIE
    1 POLONAIS
    1 RELIGIEUSES
    1 RUSSES
    1 SCHISME GREC
    1 SCHISME SLAVE
    1 TURCS
    1 UNITE DE L'EGLISE
    1 VOYAGES
    2 ALI-PACHA
    2 ALLEON, ANTOINE
    2 ARABADZIJSKI, PIERRE
    2 BARAGNON, PIERRE
    2 BENJAMIN, MONSEIGNEUR
    2 BRUNONI, PAOLO
    2 CANKOV, DRAGAN
    2 DAVID, BIBLE
    2 FAVEYRIAL, JEAN-CLAUDE
    2 FERRIERI, INNOCENZO
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 GARIBALDI, GIUSEPPE
    2 HASSOUN, ANTOINE
    2 JAFER PACHA
    2 LE GENISSEL, COMMANDANT
    2 MAISTRE, JOSEPH DE
    2 MALCZYNSKI, FRANCOIS
    2 MARANGO, ABBE
    2 MELETIOS, MONSEIGNEUR
    2 POPOV, RAPHAEL
    2 STANCO
    2 STARAVEROS, EMMANUEL
    2 STEFANO, ABBE
    2 TESTA, CARLO
    2 THEMISTOCLE
    2 TRULLE
    3 ATHENES
    3 ATHENES, PARTHENON
    3 CEPHALONIE
    3 CERIGO
    3 CONSTANTINOPLE
    3 DARDANELLES
    3 EUROPE
    3 FRANCE
    3 HYMETTE, MONT
    3 ITALIE
    3 JERUSALEM
    3 JERUSALEM, CENACLE
    3 KADI-KOY
    3 MESSINE
    3 MOLDAVIE
    3 MONTENEGRO
    3 ORIENT
    3 PENTELIQUE
    3 ROME
    3 RUSSIE
    3 SLIVEN
    3 SVISTOV
    3 SYRIE
    3 TAYGETE, MONT
    3 TURQUIE
    3 VALACHIE
    3 ZANTHE
  • février-mars 1863
La lettre

17 fév[rier 18]63. En pleine mer. Neige à Messine. Victor Emmanuel échoué. Un âne à côté, un prêtre dessus. C’est là que Garibaldi fit sa première descente en Italie. L’Etna derrière. Nuit calme.

18. – Vu Céphalonie, Zanthe, Cérigo.

Athènes – Foulé la neige au Parthénon. – Les successeurs de Thémistocle se battent avec des boules d’idem [= neige], près du temple de Thésée. Les chevaux athéniens trottent bien, mais boivent beaucoup. Le Taygète, le Pentélique, l’Hymette couverts de neige. Les Grecs lavent leur linge sale.

19-20. – Décidément les Turcs ont peu d’enfants; ils font avorter leurs femmes et l’on peut prévoir la cessation de leur empire par la diminution de la population turque, (fait grave).

Les Grecs ne s’entendent pas. (Comme M. de Maistre dit que tout peuple a le gouvernemet qu’il mérite, il paraît que les Grecs n’en méritent aucun). – L’influence russe baisse beaucoup. Fait à constater.

Les Anglais sont très bien avec les Turcs; ils sont très bien avec les Grecs, qui sont mal avec les Turcs. Qui trompe-t-on?

Les Dardanelles ont d’excellentes huîtres, je ne sais ce que sont les habitants. La malhonnêteté et l’improbité des Français en Syrie [est un] fait lamentable. Des gens qui n’avaient rien se sont trouvés avoir perdu, aux massacres des Syriens, (ils étaient Français) 300.000 francs. On les leur a donnés, je n’ose pas dire rendus.

21. – Les Bulgares, pressés d’avoir un évêque. – Véritable état de la question. Les obstacles renversés.

Disposition des deux patriarches arméniens schismatiques à se rapprocher de Rome, et conférence proposée par Mgr Brunoni, empêchée par l’ambassadeur de Russie.

Visite du patriarche grec à Mgr Brunoni. La manière protestante dont il lui parle. Les gémissements sur les usurpations du Comité national.

Ce que Mgr Brunoni entend par la lutte contre tout le schisme photien.

22. – L’abbé Testa pense qu’il faut aller doucement; il approuve mon plan, sauf le point central des études.

Le P. Marango, avec ses prêtres et ses religieuses, cherche à préparer l’union. On pense qu’il peut beaucoup comme enfant perdu. C’est lui qui a préparé le retour de Mgr de Drama. C’est lui qui a reçu quelque temps chez lui Mgr Benjamin. Ses religieuses sont de très saintes filles, mais on n’ose les approuver, à cause de leur fondateur, qui, quoique saint, paraît avoir peu de tête.

L’abbé Arabajiski sort de chez moi. Les Bulgares voulaient, ce matin même, le forcer à donner sa démission d’administrateur de l’Eglise bulgare unie. Il s’est sauvé de chez lui, afin qu’on ne vînt pas l’y chercher. Les Bulgares sont aujourd’hui échauffés par les libations du carnaval, qui finit ce soir ou demain. Puis, leur chancelier Zankoff voudrait beaucoup que l’évêché bulgare fût donné à un prêtre de cette nation, dont il a épousé la fille.

23. – Visité les religieuses du P. Marango, saintes filles, sous la direction du bon prêtre, un peu fou. Il a nui considérablement à la réunion des Grecs, disent quelques personnes, par la manière dont il a reçu une foule de gens véreux, sont il semblait n’avoir l’abjuration que parce qu’il payait leurs dettes.

Le soir, chez les Lazaristes. M. Faveyrial, protecteur du journal bulgare, qui, par parenthèse, n’a que 300 abonnés, m’a expliqué comment ce journal, en séparant les Bulgares par la nationalité des Russes, fait un vrai bien. C’est pour cela que la Russie a présenté, ces jours-ci, une réclamation contre la publication de cette revue.

La supérieure des Soeurs de Saint-Vincent de Paul. Leurs orphelines, leurs écoles, c’est là l’avenir de l’Eglise, et il nous vient par la langue française. De même pour les Frères.

Visite à l’église et à l’administrateur bulgares. L’abbé Arabajiski, pauvre homme. Malczinski paraît avoir plus de valeur. Zankoff, assez triste; il n’a pu faire donner un évêché à son beau-père, qui est là, avec sa physionomie respirant la plus merveilleuse stupidité.

Longuement causé avec Pierre [Baragnon]. Je m’explique, à sa façon, les Turcs dont la lenteur lui semble merveilleuse; les vieillards aussi sont fort lents. L’Europe, dit Aali-Pacha, nous protègera toujours contre les Russes; mais si nous laissons l’Europe venir chez nous, qui nous protègera contre l’Europe? Hélas! C’est que vous l’y avez appelée par la vapeur, le télégraphe, les journaux, le français. Reposez-vous longtemps sur vous-mêmes et vous verrez ce qui arrivera.

24. – Causerie avec le P. Marango. Pauvre tête, qui se place à un triste point de vue exclusif. Rien à faire avec lui.

Le soir, Mgr Brunoni est encore monté chez moi. Il m’engage à acheter un terrain de 15.000 à 20.000 francs. Il pense que, dès que la liberté d’acheter sera donnée aux Européens, il se fera des colonies européennes qui absorberont l’élément grec. Rome a établi en principe l’érection d’un patriarcat latin. C’est la France qui s’y oppose.

26 février. – Le commandant Le Génissel me fixe d’une manière positive sur le tombeau de David et sur le Cénacle.

Dîner chez Pierre. – Vu Aléon. – Renseignements sur la nomination de Mgr Ferrieri, sur les causes qui ont produit un très mauvais effet, de sa part.

Dispositions de la Porte. – Les Bulgares se sont réunis et menacent de se donner une constitution à part.

27. – Reçu la visite de Mgr Hassoun. Il a vu Aali-pacha, qui lui a dit qu’il voulait maintenir l’union bulgare, et que pour cela il était résolu à s’entendre pour accepter la démission d’Arabajiski et à accepter Malczinski. Jamais la Porte n’acceptera pour administrateur des Bulgares un Bulgare.

Conversation entre Mgr Brunoni, son grand-vicaire et moi, sur l’achat d’un terrain à Kadi-Keui.

1er mars. – Assisté à la messe de Mgr Benjamin. Rites très beaux, cérémonies mal faites. Il faudrait relever les cérémonies par la manière dont on les ferait.

Visite de M. Trullé, qui demande une église pour les Grecs et qui croit qu’avec une église exclusivement gréco-catholique le mouvement vers l’union se ferait plus sûrement du côté des Grecs que du côté des Bulgares.

Deux visites des Bulgares. La première, à 11 heures. Ils demandent une hiérarchie nationale, et ils ne veulent pas de Polonais. Je leur réponds que je crois qu’on veut faire une hiérarchie bulgare, mais que pour cela il faut qu’ils aient un clergé instruit. Ils s’en vont mécontents.

Zankoff m’écrit pour me demander un entretien particulier avec deux de ses compatriotes. Ils viennent à 8 heures. L’un d’eux m’apprend que l’éparchie de Slimno veut se faire catholique, mais qu’on désire savoir si la question de la hiérarchie bulgare sera traitée dans leur sens? Je leur réponds qu’on leur a fait assez de concessions et que je ne pense pas qu’on leur en fasse plus désormais. Ils se soumettront au droit commun ou bien ils se sépareront. L’union sera retardée, mais elle sera plus solide. Qu’ont-ils fait pour mériter d’être traités autrement que les autres peuples? On connaît leur projet: c’est de faire une Eglise nationale, d’avoir des évêques et puis de se séparer de nouveau; et c’est ce à quoi il faut s’opposer.

2. – Visite à Chalcédoine; j’en ai parlé ailleurs.

Le soir, Baragnon vient me parler de l’effet de mes sermons. Il paraît qu’ils font parler.

3. – Comité qui a duré trois heures. Discussion mal dirigée. Cependant il en résulte: 1° que M. Arabajiski mettra à l’abri les objets donnés à l’Eglise bulgare; 2° qu’il renverra le sceau à la Porte avec sa démission; 3° que pendant quelque temps Mgr Hassoun se chargera de l’affaire; 4° que M. Malczinski sera chargé de la direction, quand le moment sera venu; 5° qu’on verra plus tard si l’on doit présenter Dom Raphaël pour l’Episcopat; 6° que l’on éloignera Dom Stancio; 7° que Zankoff sera encore ménagé; 8° que le journal la Bulgarie continuera sous la protection de Mgr Hassoun, à qui M. Faveyrial donnera les renseignements nécessaires.

J’ai fait dire à Faveyrial que je suis très mécontent de lui, parce qu’ayant fait tout ce que j’ai pu pour protéger et maintenir la Bulgarie, il m’a lâché de la plus sotte manière.

4 mars. – M. B[runoni] me fait appeler pour me parler de Faveyrial; nous le jugeons tous les deux de la même façon. Je lui dis les craintes de Malczinski d’aller en Bulgarie; il ne les approuve pas et tient à être tenu au courant de ce qui s’y passe.

Je lui parle des Polonais, de leur dégoût de la mission pour le moment. Il s’engage à les laisser faire, soit qu’ils viennent, soit qu’ils ne viennent pas. Je lui parle du séminaire patriarcal. Il m’est évident que cette idée le ravit et que peu à peu on y viendra. Rome le soutiendrait et fournissant les premières dépenses, les choses réussiraient peu à peu admirablement.

11 mars. – J’apprends que les Bulgares dénaturant ma conversation avec eux, ont publié un Mémoire où me désignant sous le titre de un prêtre remarquable, ils se plaignent de ce que je les ai comparés aux chinois.

12 mars. – Mgr de Drama vient voir Mgr Brunoni. Je lui parle contre Z[ankoff], lui disant que c’est là l’auteur de tout le mal, que plusieurs chefs lui sont opposés. Il eût voulu son beau-père pour évêque. Que tout s’arrangerait, si l’on renvoyait Dom Stancio et si l’on faisait venir Dom Raphaël, si on lui donnait l’espoir qu’au bout de cinq ou six mois d’examen on le consacrerait évêque uniquement pour les cérémonies, tout en laissant l’administration civile à Dom Malczinski. J’avoue que je préférerais qu’on leur donnât Mgr Meletios ou Mgr Benjamin pour officier, et que Malczinski fût chargé de tout le reste.

J’avais vu le matin Mgr de Drama et je lui avais promis de faire tout mon possible pour obtenir une école et une église pour les Grecs.

22 mars. – Les lettres du P. Galabert nous permettent de constater les intrigues de Zankoff. Il est le boute-feu de toutes les intrigues. Les Bulgares de Constantinople nous semblent des agitateurs que leurs populations ne suivent pas. La protestation en faveur de Malczinski en est la preuve la plus évidente.

On m’apporte un projet de réunion des habitants de Sistovo. Il est évident que ces braves gens ne se doutent pas de ce qu’ils demandent, et qu’ils peuvent être parfaitement hérétiques en admettant ces choses-là.

Mgr Brunoni a été incommodé, et son mal s’est développé sous le poids des obsessions de gens qui viennent le trouver pour en obtenir de l’argent qu’il n’a pas, en faveur des Grecs et des Bulgares.

27. – Chose extraordinaire: les Grecs ont voulu faire dépendre la puissance de leur Eglise de l’empire byzantin. Or, voici ce qui se passe. A mesure que les Grecs, la Moldavie, la Valachie, etc., se sont séparés de l’empire turc, les séparations d’Eglises se sont faites, le patriarche de Constantinople n’a guère plus sous lui que 2 millions de Grecs.

27. – Visite Jafer-Pacha, qui me parle de tout le bonheur qu’il a eu de voir un grand nombre de schismatiques venir à mes sermons. Il croit y voir un grand fait, que jamais les schismatiques n’étaient venus à l’église catholique comme pendant ce carême.

27. – Visite de l’abbé Stefano, catholique arménien, qui me dit des choses très curieuses sur le Monténégro. Mais ce qu’il y a de plus intéressant, c’est que jamais les chrétiens ne secoueront l’esclavage, tant qu’ils seront divisés: que le seul moyen de conquérir des droits, c’est de s’unir afin de créer une pression morale.

Notes et post-scriptum
Malgré le titre autographe, ce document est un journal de voyage.