[Notes diverses 1834]

Informations générales
  • TD43.212
  • [Notes diverses 1834]
  • [I. Sur son voyage en Italie]
  • Orig.ms. CR 1; T.D. 43, pp. 212-214.
Informations détaillées
  • 1 ENSEIGNEMENT SUPERIEUR
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    1 VOYAGES
    2 CALIGULA
    2 MALHERBE, FRANCOIS DE
    2 MARIUS
    2 NERON
    2 SYLLA
    2 TACITE
    2 TIBERE
    3 BASSANO
    3 CIVITA CASTELLANA
    3 GOETTINGEN
    3 ITALIE
    3 ROME
  • 4 septembre 1834
  • Civitta Castellana
La lettre

Préface.

Donc, je me mets à faire un journal; voyons comment je m’y prendrai. D’abord, il me semble que je m’y prends un peu tard. Je veux faire mon voyage par chapitres qui commenceront tous par quelque chose de drôle. Excellent moyen pour me mettre dans l’impossibilité de dire des drôleries. Aussi je veux être sérieux, et sur ce je commence.

Chapitre 1er.

Comme quoi, après avoir été réveillé deux heures plus tôt que besoin n’était, je montai en voiture pour aller visiter des pays que je ne connaissais pas. D’abord, la veille, j’avais fait une bêtise. Je m’étais endormi à minuit passé pour me réveiller à 3 h. du matin. Sottise grande pour quelqu’un qui a eu ou croit avoir eu la fièvre la nuit suivante, mais je voulais lire la Revue des deux mondes. Grande sottise de ma part! Car elle ne disait rien de bon, sinon qu’elle apprenait que l’université de Goettingue, qui comptait autrefois 1500 élèves, n’en compte tout au plus que 900. C’est là un aveu d’une franchise remarquable, car le but évident de l’auteur est de relever la supériorité des universités protestantes sur les universités catholiques. Avouer que les universités protestantes diminuent à un pareil point est au moins reconnaître un signe de décadence, qui, lorsque d’autres universités surgissent, peut révéler quel sera l’avenir des unes et des autres.

Il avait dans cette même Revue un autre article sur Malherbe, qui me paraissait un peu le peindre sous des couleurs vraies. C’est un mal, ce me semble, de vouloir trouver dans les grands hommes qui ne sont plus des intentions qu’ils n’eurent jamais.

Bref, je m’endormis et fus bientôt réveillé. J’errai quelque temps dans cette vieille ville, moitié vivante et moitié morte, paralytique dont aucune puissance ne doit réchauffer les membres refroidis. Je la quittai pour la seconde fois. Que de sentiments un départ de Rome n’inspire-t-il pas cependant! Je dois être bien prosaïque, car il ne m’en inspirait aucun, au moins de bien distinct. J’était bien impressionné par cette idée: Je quitte Rome. C’était comme une terreur venue après coup; c’était…; en vérité, je ne sais pas trop ce que c’était, mais enfin c’était quelque chose.

Rome, et [= avec] les collines et les plaines arides qui l’entourent, me semble commencer à partager la solitude de la ville des désolations. Pourquoi le mouvement ne se fait-il pas autour d’elle? Pourquoi le soleil ne verra-t-il pas sur ces belles et tristes contrées la vie avec les flots de sa lumière? C’est bien mal à lui. C’est aussi peut-être bien mal à d’autres. Que fait cette pauvre Rome pour être privée de ses bijoux? Les bijoux d’une grande ville, ce sont les châteaux, bastides, belvédères et jardins qui l’entourent. Rome n’a rien de tout cela. Otez quelques villas aristocratiques, qui croirait que ces déserts furent le théâtre de tout le luxe de l’ancienne Rome?

J’arrive à Bassano avec ces tristes idées, et, pour les assombrir encore plus, je lis quelques pages de Tacite. Que de choses à dire sur ces pages et que je ne dirai pourtant pas! Pauvre Rome! Quelles mains t’ont conduite! Tu l’as voulu cependant et tu méritais Tibère, Caligula, Néron, puisque tu avais accepté Marius et Sylla, et que tu avais permis que tes légions te donnassent la loi. La force brutale t’asservit, et cela d’autant plus tôt que tu te hâtes de déchirer le titre de tes droits, ton ancienne constitution. Tu te ruas sur la liberté, et la liberté te jeta entre les bras du despotisme. Une fois tes droits compromis, tu n’avais pas en toi la vérité, à l’abri de laquelle le droit renaît toujours, malgré les coups de force.

Vu à Bassano un bain. – Détails curieux sur l’université. – Civitta…, triste endroit.

Notes et post-scriptum