VIE DE MADEMOISELLE EULALIE DE REGIS

Informations générales
  • TD43.306
  • VIE DE MADEMOISELLE EULALIE DE REGIS
  • [Envoi aux Oblates de l'Assomption]
  • Brouillon autogr. CR 21; T.D. 43, pp. 306-307.
Informations détaillées
  • 1 MISSIONNAIRES
    1 OBLATES
    3 ORIENT
  • Oblates de l'Assomption
  • 1867
La lettre

Aux Religieuses Oblates de l’Assomption. –

Mes chères filles,

L’hommage de ces lignes consacrées à raconter quelque chose de la vie de Melle Eulalie de Régis vous appartient à plus d’un titre. Si celle dont je cherche à retracer l’esquisse ne fut pas la première à qui l’on confia d’abord la pensée de votre fondation, personne plus qu’elle ne se consacra avec toute l’énergie de son vigoureux caractère au but, admirable à ses yeux, de préparer des religieuses missionnaires pour l’Orient et les pays où l’évangile réclame des ouvriers. Son amour pour Notre-Seigneur semblait pouvoir se dilater par là jusqu’aux extrémités du monde. Ses dernières et ses plus vives aspirations furent pour vous. Elle voulut mourir sous le joug de votre règle et porter du moins votre costume dans le cercueil. Vos progrès, votre sanctification, étaient sans cesse présents à son coeur, et l’on peut dire que lorsqu’elle vous a quittées, personne plus qu’elle n’était Oblate de l’Assomption par le coeur.

Pourquoi Dieu ne lui a-t-il pas permis de se dévouer sans réserve à une oeuvre, dont la naissance lui fut une si grande préoccupation, qui lui a coûté tant de larmes, causé tant d’émotions, tant de joies intimes? Les desseins de la Providence ne se laissent pas toujours pénétrer. Pourtant lorsque avec son dernier soupir elle exhala ce parfum de sainteté, qui semblait empêcher ceux qui la connurent le mieux de prier pour elle et les poussait à l’invoquer plutôt, il fut possible de supposer qu’une pareille protectrice avait pour vous sa place moins sur la terre que dans le ciel.

Pour moi, les effets de son intercession en votre faveur me sont tous les jours d’une évidence plus féconde, et, quoiqu’il ne soit pas prudent de tout dire ici, je crois bien que si l’on demandait des témoignages de ce que j’affirme, ce n’est [ne serait] pas vous qui refuseriez le vôtre, après ce qui s’est passé depuis.

Ce qui frappe le plus dans les commencements si humbles et pourtant si rapides de votre petite famille, c’est que tout y a réussi au rebours de toutes nos prévisions. Voulant faire pour le mieux, nous échafaudions des plans, qui aussitôt s’en allaient en ruines pour faire place à des arrangements plus sages, plus heureux et auxquels nous n’avions point d’abord songé, comme si Dieu voulait nous montrer que son oeuvre est toute de sa main. Aussi le grand enseignement qui ressort des premiers jours de votre existence, c’est le plus absolu abandon à la Providence divine qui se charge si merveilleusement de la direction de vos affaires.

Que cette confiance sans bornes à l’action d’en-haut soit votre unique force! Des filles qui osent aspirer dans une certaine mesure à l’esprit apostolique doivent mettre leur unique espoir dans la miséricordieuses vigilance de celui qui envoya les apôtres. Aujourd’hui surtout que celle qui semblait devoir être leur mère les a précédées au ciel, (c’est du moins une de nos plus douces convictions) et plaide les [= leurs] intérêts avec toute la tendresse qu’elle portait à cette famille de son choix.

Les détails que j’espère recueillir sur la vie de Melle de Régis vous consoleront de sa perte, ils vous seront un modèle. Ils peuvent l’être aussi pour bien des personnes qui dans une position semblable à la sienne, avec les mêmes désirs, se trouvent retenues loin du centre de leur âme par de très légitimes liens. Dieu parfois permet que l’on désire être ailleurs que là où il a placé, et il veut que l’on reste là où il enchaîne, pour exercer la patience des siens et confondre les vaines combinaisons de notre prudence.

Quoi qu’il en soit, je souhaite aux personnes captives, malgré elles, dans le monde de trouver de pieux encouragements dans la vie de Melle de Régis, et je vous souhaite à vous, mes chères filles, d’acquérir dans la retraite ou sur les futurs théâtres de vos travaux les vertus dont vous trouverez de beaux exemples dans ce travail sur la vie de Soeur Marie-Eulalie.

Recevez, mes chères filles, l’expression de mon paternel attachement en Notre Seigneur.

E. d'Alzon, des Augustins de l'Assomption
Notes et post-scriptum