7 novembre 1869 – 15 février 1870

Informations générales
  • TD43.324
  • LE CONCILE DU VATICAN
  • Orig.ms. BU 1; T.D. 43, pp. 324-328.
Informations détaillées
  • 1 ACTES PONTIFICAUX
    1 CONCILE DU VATICAN
    1 CONCORDATS
    1 EGLISE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 OBLATES
    1 PAPE
    1 ZOUAVES PONTIFICAUX
    2 AGAPIT, PERE
    2 ALLET, EUGENE-JOSEPH
    2 ANTONELLI, GIACOMO
    2 ARNAUD, JEAN
    2 BANNEVILLE, GASTON MORIN DE
    2 BARNABO, ALESSANDRO
    2 BERARDI, GIUSEPPE
    2 BILIO, LUIGI
    2 CAPALTI, ANNIBALE
    2 CATERINI, PROSPERO
    2 CHARETTE, ATHANASE DE
    2 DARBOY, GEORGES
    2 DECHAMPS, VICTOR
    2 DOELLINGER, IGNAZ VON
    2 DREUX-BREZE, PIERRE-SIMON DE
    2 DUPANLOUP, FELIX
    2 FREPPEL, CHARLES-EMILE
    2 FREYD, MELCHIOR
    2 GALABERT, VICTORIN
    2 GERIN, CHARLES
    2 KANZLER, HERMANN
    2 LA BOUILLERIE, FRANCOIS DE
    2 LA TOUR D'AUVERGNE, CHARLES-AMABLE DE
    2 LOYSON, HYACINTHE
    2 MANICQ
    2 MANNING, HENRY-EDWARD
    2 MARET, HENRI
    2 MARTIN, KONRAD
    2 MERMILLOD, GASPARD
    2 MERODE, XAVIER DE
    2 MOLITOR, WILHELM
    2 MORENO, LUIGI
    2 MOUFFANG
    2 PACIFICI, LUCA
    2 PECOUL, AUGUSTE
    2 PIE IX
    2 PITRA, JEAN-BAPTISTE
    2 PLANTIER, CLAUDE-HENRI
    2 REISACH, CHARLES-AUGUSTE
    2 THIBON, LOUIS
    2 VISCONTI
    3 ROME
    3 ROME, EGLISE DE L'ARA COELI
  • 7 novembre 1869 - 15 février 1870
La lettre

Ce que je vais voir, Dieu seul le sait. Pourtant, je suis plein d’espérances. Les hommes seront là, comme partout où il y a des hommes. Mais le Saint-Esprit y sera aussi. Mon Dieu, faites que j’y sois comme vous désirez que je m’y trouve, ne cherchant que vous et votre gloire.

On m’assure qu’il n’est pas dans le caractère romain de profiter du Concile. Ils ont une telle confiance en la Providence, ils sont si fort convaincus que Dieu fait tout, qu’ils ne voient pas pourquoi eux chercheraient à faire quelque chose. A quoi bon?

Un des premiers prédicateurs de Rome disait, l’autre jour: « Du matin au soir, nous nous escrimons à faire des trous dans la barque de Pierre, et Dieu passe son temps à la raccommoder ». Et une pauvre femme exhortait son fils à l’agonie à se recommander à la Sainte Vierge, à saint Joseph. « Oui, ajouta le petit moribond, et puis j’invoquerai saint Pierre et saint Paul. » « Oh, pour ceux-là, reprit la mère, c’est inutile, attendu qu’ils sont obligés de rôder toute la nuit, pour réparer les sottises que le gouvernement fait pendant le jour. » Avec cette conviction, pourquoi voulez-vous que le peuple se tourmente? Maintenant, qu’est la foi dans ce peuple?

Le card[inal] Reisach se meurt. Les plus remarquables sont Caterini, Bilio, Capalti, Barnabo. Le bon Pitra est un savant et puis voilà. Je compte voir venir tout ce monde. On m’engage à aller voir Antonelli; nous verrons.

J’ai vu la future salle du Concile. Ce sera très beau, supposé qu’il y ait assez de place, ce dont il est permis de douter.

Les Congrégations ne sont pas obligées de s’unir ni entre elles ni aux anciennes; voilà ce qui est très certain. Vraiment, c’eût été aussi par trop extraordinaire.

7 nov[embre]. – Nous sommes allés visiter l’Ara caeli. Nous avons prié pour les Oblates à sainte Françoise Romaine; puis, nous avons entendu grand-messe à Saint-Jean de Latran, vu le P. Agapit, Sainte-Marie Majeure.

Le soir, Arnaud vint nous conter son affaire. L’évêque manifesta son vif mécontentement contre M. de Charette; il m’envoya chez M. de Mérode, que je ne trouvai pas. J’en profitai pour entendre les Vêpres à Saint-Pierre.

Le 8. – Dit la Messe à Saint Philippe de Néri, promené l’abbé Tibon, acheté des livres, vu Mgr de Mérode, furieux contre la gentilhommerie des zouaves, qui s’engage de parler à Kanzler et à Allète.

Le 9. – Je suis souffrant. Je reste chez moi toute la matinée. Le soir, je vais voir l’emporium. J’y trouve Bilio, qui est fort aimable pour l’évêque. Visconti, par un bonheur véritable, se trouve là et nous explique toutes les merveilles de ses découvertes. Il est sûr qu’il y a une vraie chance à tomber si juste et à pouvoir découvrir des blocs aussi admirables. Nous finissons notre course en assistant aux derniers versets du Magnificat, à Saint-Jean de Latran, où l’on célébrait la dédicace de la basilique.

L’évêque de Moulins était venu nous voir et porter ses plaintes à l’évêque de Nîmes de ce que toutes les faveurs étaient pour les gallicans et tous les refus pour les Romains de France.

Le 10. – Longue conversation avec le P. Freyd, d’où il résulte: 1° que le Pape veut absolument dispenser lui-même des voeux simples pour les Congrégations approuvées par lui; 2° que l’on se tient parfaitement en garde contre l’envahissement de certaines dévotions; 3° que Freppel a produit ici un pitoyable effet sur tous, mais en particulier sur Molitor et sur Mouffang; 4° que Pacifici, l’auteur de la bulle de l’Immaculée Conception, parle très énergiquement contre Maret. J’étudie le reste de la matinée.

Le soir, nous sommes allés à l’audience du Pape. Celle de l’évêque a duré trois quarts d’heure; ce qui s’est dit ne se répétera pas. Il résulte pourtant que le Pape ne savait absolument rien de la suppression de deux propositions du Syllabus, la 77° et la 82°. La 77° porte que c’est une erreur de croire que le mouvement italien soit autre chose qu’un mouvement politique, et la 82° que c’est une erreur de croire que, dans les gouvernements modernes, il n’y ait rien contre les principes de l’Eglise. (Je ne cite que le sens). Ces deux propositions auraient été supprimées à l’insu de Pie IX.

Il paraît certain que le pape tient avant tout à la définition de l’infaillibilité; mais on ne commencera pas par là, mais par des projets de décrets qui seront de nature à obtenir l’unanimité. Il est probable que, pour dégager le terrain, Maret sera mis à l’Index.

L’Osservatore Romano publie le compte rendu des adieux du clergé d’Orléans à son évêque et de la réponse de l’évêque à son clergé, d’une manière un peu différente du récit que nous en a envoyé M. Peltier.

13 nov[embre] 1869]. – L’archevêque de Paris sera définitivement cardinal, mais il viendra d’abord comme simple archevêque, verra le card. Moreno préconisé avant lui, et ne le sera qu’après la démission de Manicq (?) et Gérin. La préconisation de Latour d’Auvergne à Lyon est la preuve que personne ne sera plus nommé aux évêchés sans que Rome ait été consultée.

Une vilaine petite brochure que Pécoul m’a remise est très positivement de Doellinger; elle est si mauvaise que je la croyais d’un protestant.

C’est aujourd’hui que Mgr de Nîmes a mis Berardi sur le gril à propos des propositions supprimées dans le Syllabus sans que le Pape s’en doutât. Je suis allé à la Propagande et j’ai pu parler des Oblates tout à mon aise.

17 [novembre]. – Quelle interruption! Hier, je me rendis chez le card. Pitra, tout préoccupé d’Ordres missionnaires ayant par jour cinq heures de choeur. Rien que cela! Quand les missionnaires auront pris des angines à force de chanter, ils prêcheront. Heureuse idée! Mais ce que j’ai approuvé, c’est sa campagne à propos des exemptions. Je lui ai parlé de la lettre de Pie IX à Mgr de Paris, comme d’un excellent point de départ pour fixer la discipline du Concile, au moins celle des Réguliers. Il a trouvé l’idée heureuse et je la crois bonne en effet.

L’affaire du Syllabus s’explique. C’est Bilio qui aurait supprimé deux propositions sans prévenir le Saint-Père. Enfin, c’est une explication.

Aujourd’hui, nous avons vu l’ambassadeur. Quand je dis que nous l’avons vu, il faut dire: je l’ai aperçu. Ce qui est sûr c’est que l’évêque lui a parlé assez carrément sur l’impossibilité où sont les évêques de laisser sans protestations les invasions de l’Etat sur le terrain de l’Eglise, et sur la confusion perpétuelle que l’Etat s’obstine à faire entre le concordat et les articles organiques.

23 nov[embre]. – Le scandale de la lettre d’Orléans passe toute idée, mais enfin c’est bien. L’on saura à qui l’on a à faire et les bons Romains connaîtront mieux leur monde. Acte Ier le P. Hyacinthe; acte IIe l’évêque de Sura; acte IIIe, l’évêque d’Orléans.

Et le P. Galabert qui, sur le vapeur qui le porta de Corfou à Rome, entend dire aux évêques et prêtres malchites et arméniens qui sont sur le bateau que l’évêque d’Orléans les pousse à soutenir leurs droits contre Rome et à ne pas voter pour l’infaillibilité du Pape.

Et l’archevêque de Paris qui veut demander un concile national, qui l’annonce à ses prêtres. Le concile rendra plus concrets les décrets du concile général et les rendra plus adaptés aux temps et institutions modernes.

De tout ce que je vois, il résulte pourtant que l’infaillibilité du Pape pourra être proclamée, malgré tout ce que l’on fera contre. L’évêque d’orléans en sera pour sa courte honte.

Je prends la résolution de me faire ermite. Impossible. J’ai vu le Pape, qui nous a bénis deux fois. Quant au frère bulgare, rien de divertissant comme ce grand enfant.

15 février [1870]. – Dîné au séminaire belge. Dechamps ne peut accepter de se mêler de la Correspondance. Les évêques belges ont l’impression que les gallicans se sentent enfoncés.

La séance a été bonne. Les honneurs à La Bouillerie et à l’évêque de Concha. Comment se fait-il que Dup[anloup] ait poussé Maret à publier son ouvrage, où il demande de traiter la question, et ensuite comment se fait-il qu’il publie ses Observations, pour que la question ne soit pas traitée?

Je vais chez Mer[millod]. Le Pape autorise Manning, Dechamps, Martin de Pader[born] et Mermillod à juger de l’opportunité de rompre ou de ne pas rompre le secret. Mermillod accepte. Je pose à Mermillod cette difficulté: après la manière dont Dupanloup a escamoté le Syllabus, si le Concile n’est pas très explicite, Orléans escamotera encore l’infaillilité. Mermillod, une demi-heure après, avait déjà transmis cette idée à Bilio, qui l’avait acceptée.

Un théologien propose que, après la citation du Concile de Florence, on établisse ceci: Impossibile est Deum permittere posse errorem in Summo Pontifice docente circa fidem seu mores publicos vel privatos omnes Christi fideles. Et le canon serait: Si quis dixerit Summum Pontificem errare posse cum docet omnes Christi fideles circa fidem seu mores tam publicos quam privatos, anathema sit*.

On propose un canon sur la supériorité de juridiction des évêques par rapport aux prêtres. On affirme le droit de l’Eglise à la propriété, l’indépendance de l’Eglise dans la nomination des évêques. On est résolu de commencer par la question de l’infaillibilité. On voudrait un projet sur les classes pauvres, sur les ouvriers.

Notes et post-scriptum