1844-1854

Informations générales
  • TD44.144
  • SUR LA SAINTETE
  • Orig.ms. CQ 40; T.D. 44, pp. 144-148.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 CHARITE THEOLOGALE
    1 DIEU LE PERE
    1 DIVIN MAITRE
    1 ESPERANCE
    1 FOI
    1 IMITATION DE DIEU
    1 LIBERTE
    1 LUTTE CONTRE LE PECHE
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 SAINTETE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TOUSSAINT
    1 VOLONTE DE DIEU
  • 1844-1854
La lettre

Haec est voluntas Dei sanctificatio vestra.

La sainteté est l’essence même de Dieu, puisque la sainteté absolue est la réunion des perfections divines. C’est son bien; il en est jaloux. Sur la tiare du grand-prêtre, je lis ces mots: sanctum Domino.

Cette sainteté il la communique, il veut la communiquer; c’est sa volonté, c’est son dessein. Haec est voluntas…

Volonté très simple en Dieu, mais qui pour nous doit se présenter à divers points de vue, à cause de notre faiblesse.

Dieu veut que nous soyons saints, soit que je considère cette volonté en lui, soit que je la voie manifestée dans les hommes. Il veut que nous soyons saints, parce que tout-puissant il veut dans notre sainteté manifester sa puissance. Il veut que nous soyons saints, parce que plein d’amour pour ses créatures il ne veut que leur bien, et cette double considération d’un plan, où se résument la puissance et l’amour de Dieu, est la plus haute manifestation de sa sagesse.

Pouvais-je trouver un sujet plus convenable pour une solennité où l’Eglise invite ses enfants de la terre à célébrer la sainteté de ses enfants du ciel et [= où] elle cherche à nous consoler des tristesses et des douleurs de ce temps qui passe en nous présentant les joies de l’immuable éternité.

Parlons donc de la volonté de Dieu par rapport à notre sainteté et disons qu’il veut que nous soyons saints, qu’infiniment puissant il le veut en maître et qu’infiniment bon il le veut en Père.

1. Dieu veut notre sainteté en maître.

Dieu veut être notre sainteté, parce qu’il veut être servi par ses créatures libres et parfaites. Dieu est infiniment puissant, et dans sa puissance infinie il puise la raison de son infinie indépendance. S’il est indépendant, il est souverainement libre. Qui pourrait arrêter sa liberté? D’autre part, il est incapable de faire quoi que ce soit de mal. Libre, il ne pouvait faire le mal, parce qu’il est parfait et que les limites de sa liberté sont ses perfections mêmes.

Il en est de même de l’homme. La condition de sa liberté se trouve dans sa force, [dans] son indépendance. Il ne sera libre qu’autant qu’il pourra être fort et indépendant. Cela posé, je dis que Dieu veut que l’homme soit libre. Pourquoi? Parce que rien ne lui rend hommage comme la liberté. A la différence des hommes qui abaissent leurs semblables pour s’élever sur leurs têtes, Dieu trouve la distance entre la créature finie et son infinie grandeur assez grande pour ne pas craindre d’élever l’homme jusqu’à lui. Il veut donc que l’homme soit fort, bon et indépendant. Indépendant vis-à-vis des créatures, bon en opposition au péché, fort vis-à-vis de lui-même. Dieu veut que l’homme soit bon, indépendant, fort. Bon contre le péché, indépendant vis-à-vis des créatures, fort, vis-à-vis de lui-même. Triple lutte. Or Dieu seul réclame et donne cette liberté. Il la réclame, parce qu’il y a droit. Il a droit que Dieu [= l’homme] le préfère à la créature, au péché, à lui-même; il la donne, car c’est en servant Dieu qu’on s’élève au-dessus de ces choses et qu’on devient libre. Haec sola libertas Christo servire, et in ipso omnibus esse supra. Haec enim voluntas libera tanto erit liberior quanto sanior, et tanto sanior quanto divinae misericordiae gratiaeque subjectior. St Augustin.

Dieu veut notre sainteté en maître infiniment saint.Il veut que nous lui ressemblions, il veut que nous portions son cachet. Signasti super nos lumen vultus tui Domine. N’a-t-il pas droit à être servi d’une manière digne de lui? Dieu seul sans doute est parfait d’une perfection absolue, mais il a droit à vouloir que sa créature ait une perfection relative.

Deux perfections pour l’homme, selon saint Thomas: celle du temps et celle de l’éternité. L’une viendra après l’autre. Pour cela il faut des efforts. Oui, sans doute; mais voyez, il y a un Dieu pour vous montrer ce que vous devez être, il y a un modèle, il y a un secours qui vous est donné. Perfection de la sainteté du chrétien à laquelle Dieu veut mettre la main, perfection dans les détails, perfection dans l’ensemble.

Mais il faut que cette perfection qui découle de Dieu remonte à son principe, et c’est encore par ce côté que je dis que Dieu veut notre sainteté en maître, car notre sainteté est à lui. Soyez saints, parce que je suis saint, et je veux que vous m’honoriez en me ressemblant.

Mais voyez la conclusion. La volonté de Dieu est toute puissante; laissez-la faire, vous serez bientôt saints. – Pourquoi lui opposez-vous des obstacles? Pourquoi retombez-vous sur vous-même?

Il met son intérêt, sa gloire à ce que vous soyez saints. Ne vous aidera-t-il pas si vous le voulez, ô chrétiens? Que vous êtes coupables, si vous n’êtes pas saints! Il est le maître, il combine la perfection de chacun avec la perfection de tous. Merveilleux ensemble de l’assemblée des saints, dans lesquels Dieu est principe de toute sainteté. Donc sanctus, sanctus, sanctus Deus.

2° Dieu veut notre sainteté en père.

Dieu est notre père. Ne veut-il pas que nous lui donnions ce nom et pour nous montrer que s’il veut notre sainteté, parce qu’il est saint, il la veut aussi parce qu’il est père?

Du haut du Sinaï cette voix Sancti estote; du haut de la montagne cette autre voix: Estote perfecti.

Mais un père, il s’oublie en quelque sorte, soit pour nous donner les moyens d’arriver à cette sainteté, soit pour nous donner le bonheur qui sera l’encouragement et la récompense. Aussi j’entends saint Paul dire qu’il fléchit les genoux devant Dieu, le père de Notre-Seigneur. Ex quo omnis paternitas in coelis et in terra nominatur. Pourquoi? Ut det vobis secundum divitias gloriae ejus. Les richesses du père sont mises à la disposition des enfants et pensez, je [vous] prie, ce que doivent être les richesses de la gloire de Dieu.

Ce qu’elles sont ces richesses? Les voici dans leur principe. C’est la foi qui nous éclaire, l’espérance qui nous soutient et nous console, la charité qui nous unit à Dieu et nous fait trouver en lui le bonheur.

1° La foi qui nous éclaire.

Sans doute Dieu a créé le monde pour lui, mais il l’a créé pour lui en ce sens qu’il a voulu que tout y fût aussi pour les élus, omnia propter electos. Expliquons ceci. Dieu dans l’univers prend pour la lui la portion la plus noble et laisse le reste comme moyen, omnia vestra sunt.

Mais ce que je viens de dire, n’est-il pas résumé dans les paroles de saint Paul? Haec est voluntas Dei… Quelle lumière explicative du monde, de l’action des anges, de la lutte du péché, même en ce sens qu’il est permis. Haec est voluntas Dei sanctificatio vestra.

O amour de Dieu qui nous éclaire aussi, – car c’est Dieu seul qui agit et nous meut – lumière anticipée de la céleste Jérusalem! Requiescet super eum Spiritus sapientiae et intellectus.

Plus la lumière est vive, plus l’homme voit, et plus la foi est vive, plus l’homme comprend. Omnia fiunt facilia veritati. St Augustin.

2° L’Espérance.

2. La conséquence du péché, c’est la douleur. Dieu n’a pas voulu l’enlever de la terre. A côté de la douleur, la tentation. Omnis creatura ingemiscit, et parturit. Nous-mêmes. Nam exspectatio creaturae revelationem filiorum Dei exspectat. Per patientiam exspectamus. – Oui, il y a épreuve, mais: non sunt condignae passiones hujus temporis ad futuram gloriam, quae revelabitur in nobis. Voilà le but. Id enim quod in praesenti est, momentaneum et leve tribulationis nostrae supra modum in sublimitate, aeternum gloriae pondus operatur in nobis. – Quae autem non videntur, aeterna sunt.

Non seulement le but, mais la force de l’atteindre. Filii autem hominum in tegmine alarum tuarum sperabunt. Attendamus ad indicem dilectionis promissionis Dei, tales arrhas accepimus, tenemus mortem Christi, tenemus sanguinem Christi. En spes, lactat nos, nutrit nos, confirmat nos, et in ista laboriosa vita consolatur nos.

3° La charité qui rend heureux.

La foi nous fait adhérer à Dieu comme principe de vérité, l’espérance comme principe de tout bien, la charité pour Dieu même.

La charité principe et couronnement de toute perfection, de toute vertu, de toute sainteté.

La puissance d’aimer Dieu. Mais toute grâce, tout bien est au-dessous de celui-là. La charité dont les deux ailes, l’amour de Dieu et l’amour du prochain nous élèvent vers les cieux. St Augustin.

La charité qui donne la jouissance dès ici-bas, la charité qui la consomme dans les cieux, la charité qui nous unit à Dieu, et qui empêche que les saints perdent leur bonheur dans l’éternité.

La charité qui consomme l’oeuvre de Dieu dans l’éternité.

Lege quadam civitas continetur, lex ipsa eorum charitas est, et ipsa charitas Deus est. Aperte enim scriptum est, Deus charitas est; qui ergo plenus est charitate, plenus est Deo, et multi pleni charitate faciunt civitatem Dei. St Augustin.

Bonheur de l’Eglise, de l’éternité; foi à ce bonheur, espérance de le posséder, amour à celui qui le donne.

Les richesses de la gloire de Dieu sont la lumière par la foi, la force et la consolation par l’espérance, la pure union de Dieu et le bonheur par la charité.

Notes et post-scriptum