[Huit conférences données à Saint-Charles de Nîmes, décembre 1868]

Informations générales
  • TD45.221
  • [Huit conférences données à Saint-Charles de Nîmes, décembre 1868]
  • II - La DEMOCRATIE.
  • Orig.ms. CR 152; T.D. 45, pp. 221-222.
Informations détaillées
  • 1 DEMOCRATIE
    2 PAUL, SAINT
    3 ETATS-UNIS
    3 GENEVE
  • Hommes de Nîmes
  • 9-19 décembre 1868
  • Nîmes
La lettre

Pour examiner avec fruit les devoirs qui nous sont imposés, il importe d’étudier la situation de la société présente. Je n’ai pas à parler de sa forme ce serait entrer sur le terrain politique, d’où je veux, ce soir du moins, me tenir éloigné.

Mais je veux étudier le fond même de la société. Or s’il est un fait qui frappe les yeux, c’est que nous avançons tous les jours vers une démocratie plus complète. Est-ce un bien? Est-ce un mal? c’est ce que je veux examiner au point de vue catholique. Or la question est complexe.

Il y a une fausse, une détestable démocratie, que nous ne saurions trop anathématiser. Nous en parlerons demain. Il y a une autre démocratie, je dis qu’elle est parfaitement acceptable. C’est celle dont je veux parler ce soir.

Qu’est-ce que la démocratie? Je réponds que c’est une société où le peuple a la plus grande part possible aux affaires. Cela est-il mauvais en soi? Evidemment non; du moment que vous établissez qu’il y a une monarchie, une aristocratie, il peut se trouver une démocratie.

Il faut l’unité dans la manifestation du pouvoir, il faut de la suite. Mais de même que le caprice est l’inconvénient de l’absolutisme, l’oscillation est l’inconvénient de la démocratie.

Qu’y a-t-il de mauvais dans la démocratie? L’Eglise l’accepte aux Etats-Unis, l’accepte à Genève, et préfère cet état au despotisme. Ceci est connu de tous. Donc la démocratie est acceptée par l’Eglise catholique.

Mais je vais plus loin. Peut-on espérer d’avoir une démocratie chrétienne? Si par démocratie on entend un état où l’Egalité prédomine, je n’en vois pas de plus démocratique que l’Eglise.

Egalité d’origine: Adam et non pas les champignons. – Egalité de crime. – Egalité d’affranchissement. – Egalité d’adoption. – Egalité devant la loi. – Egalité de secours. – Egalité de banquet. – Egalité d’espérance.

Inégalité dans le ciel et pour l’éternité, mais chacun selon ses oeuvres. Reddet unicuique secundum opera ejus. [Matt. 16-27].

L’Eglise est monarchique. Elle n’a qu’un chef. L’Eglise est aristocratique – les évêques. Mais l’Eglise est en même temps démocratique en ce sens qu’il n’y a pas d’hérédité; que tous peuvent parvenir et que parmi les plus grands Papes, elle a compté un grand nombre d’enfants du peuple, de fils des plus simples artisans.

Du reste ce que je dis, S. Paul l’a exprimé avec son énergie inspirée, il y a dix-huit siècles. Quicumque enim in Christo baptizati estis, Christus induistis. Non est Iudaeus, neque Graecus; non est servus, neque liber; non est masculus, neque femina: omnes enim vos unum estis in Christo Jesu. [Galat. 3-27]. Voilà l’Egalité catholique.

Et Jésus-Christ: Pater noster! cette égalité plonge ses racines dans la substance même de Dieu.

Donc il y a une égalité acceptable, bonne, sainte. Donc par ce côté la démocratie peut s’unir parfaitement au christianisme!

Mais quelles sont les conditions de cette démocratie chrétienne?

– 1° Le respect; au lieu du dénigrement, le respect essentiellement catholique.

– 2° L’amour; ce qui m’épouvante, c’est la haine, que j’aperçois dans certaines aspirations démocratiques. – Ce qui m’effraie, c’est qu’on s’unit pour détruire, mais non pour édifier.

– 3° L’obéissance à la loi; et je vois partout la révolte.

– 4° Le sacrifice.

Catholiques, vous n’avez pas fait la démocratie, mais les premiers chrétiens n’avaient pas fait l’invasion des Barbares; pourtant quand leurs flots se furent arrêtés, les Evêques refirent le monde avec la barbarie. Vous n’avez pas précipité la démocratie sur le vieux monde, mais si Dieu ne veut pas perdre la société, croyez-le, c’est vous, catholiques, qui referez la démocratie par le respect, l’obéissance, le sacrifice et l’amour!

Notes et post-scriptum