[Huit conférences données à Saint-Charles de Nîmes, décembre 1868]

Informations générales
  • TD45.225
  • [Huit conférences données à Saint-Charles de Nîmes, décembre 1868]
  • III - La REVOLUTION. [autre canevas]
  • Orig.ms. CR 154; T.D. 45, pp. 225-226.
Informations détaillées
  • 1 DEMOCRATIE
    1 EGLISE
    1 REPUBLIQUE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
  • Hommes de Nîmes
  • 9-19 décembre 1868
  • Nîmes
La lettre

Il y a donc une démocratie acceptable. Toute démocratie l’est-elle? Non. Je repousse de toutes mes forces la démocratie révolutionnaire. Je demande pour m’expliquer à poser quelques principes:

1° L’Eglise ne se mêle des individus et des sociétés qu’au point de vue des règles de justice, dont elle a le dépôt.

2° Aux yeux de l’Eglise le pouvoir appartient à la société qui le confie, d’une manière permanente, à telle personne morale que la société juge convenable.

3° L’Eglise accepte, encourage la forme de l’hérédité, mais n’en fait pas un principe absolu, puisque cette forme elle ne l’a pas prise pour elle. L’Eglise préfère l’élection.

4° L’Eglise approuve, encourage dans son sein une foule de républiques qui sont sa troisième force; la papauté étant la première, l’épiscopat et le sacerdoce la seconde, les ordres religieux forment la troisième, républiques dans toute la force du mot, avec toutes les forces de la démocratie.

Cela dit, j’ajoute: Les rois n’ont pas voulu dépendre des Papes, mais les peuples qui n’avaient plus d’arbitres, se sont faits arbitres eux-mêmes et ont renversé les rois.

Mais quand cela a-t-il eu lieu? Quand les sociétés ont cessé d’être chrétiennes. Alors on a vu la notion de la justice méconnue et l’insurrection proclamée le plus saint des devoirs. Entendons-nous. Est-ce l’insurrection qui en elle-même est mauvaise? Nullement, puisque tous les théologiens du moyen âge ont reconnu qu’il était des circonstances où l’on pouvait se défaire des tyrans.

Qu’est-ce donc que j’appelle la révolution? C’est l’état d’une société qui au nom de la force du peuple brise ses liens en se faisant lui-même l’arbitre de sa destinée, sans autre principe que celui du plus fort. J’appelle la révolution l’état d’un peuple qui ne veut plus du joug de Dieu. Et dans ce sens, les rois ont été les premiers révolutionnaires, puisqu’ils ont donné l’exemple aux peuples.

L’Eglise est la grande dépositaire de la justice et de ses lois. On la consulte, elle les indique et c’est ce que l’on ne veut pas. Les hommes ont dit: nous nous passerons de Dieu, et à proprement parler, la révolution c’est la haine de Dieu. Non, répondra-t-on, ce n’est que la haine des prêtres. Mais que sont les prêtres?

Posons catégoriquement la question. – Dieu existe-t-il? Dieu a-t-Il parlé? S’il a parlé, par qui si ce n’est par son Fils et l’Eglise fondée par Lui? Pourquoi ne l’écoute-t-on pas? Or j’appelle révolutionnaire quiconque ne reconnaît pas ce royaume de Dieu, l’Eglise; révolutionnaire à deux degrés: ceux qui attaquent directement, ceux qui prétendent agir au point de vue social, comme s’Il n’existait pas.

Mais en ce sens tous les hérétiques sont révolutionnaires évidemment, et les libres-penseurs. Seulement les plus conséquents ce sont les terroristes, oui, les terroristes. Qu’est-ce qu’un terroriste? C’est un homme qui d’abord veut du pouvoir, comptant bien quand il aura le pouvoir pour lui, imposer la justice aux autres; justice quelconque, vous le… [pensez bien].

Le terroriste est un homme qui au nom de la libre-pensée et de la morale indépendante se fait sa vérité à lui, et cherche à faire triompher ses idées par les moyens les plus efficaces, par la conspiration d’abord, plus tard par la force, par la violence, par la terreur. Or après la guillotine, je ne connais rien de plus efficace que les noyades et la mitraille. Et cela est très logique et très rigoureux; nous y reviendrons.

Quant aux révolutionnaires à l’eau de rose, ils ne m’inspirent, je l’avoue que le plus profond mépris.

Notes et post-scriptum