[Huit conférences données à Saint-Charles de Nîmes, décembre 1868]

Informations générales
  • TD45.239
  • [Huit conférences données à Saint-Charles de Nîmes, décembre 1868]
  • VII - La LIBERTE de l'EGLISE.
  • Orig.ms. CR 158; T.D. 45, pp. 239-242.
Informations détaillées
  • 1 BIENS DE L'EGLISE
    1 CATHOLIQUE
    1 CAUSE DE L'EGLISE
    1 EVEQUE
    1 INSTITUTS RELIGIEUX
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    2 BONAPARTE, EUGENE-LOUIS-NAPOLEON
    2 EUGENIE, IMPERATRICE
    2 NAPOLEON Ier
    2 NAPOLEON III
    2 PIE IX
  • Hommes de Nîmes
  • 9-19 décembre 1868
  • Nîmes
La lettre

Sur cette grave question j’exposerai la théorie, puis je tirerai les conséquences.

Cela posé, je dis: Ou vous êtes catholiques, ou vous ne l’êtes pas. Et si vous ne l’êtes pas, de quoi vous mêlez-vous? Ou vous êtes un ignorant ou un ennemi, je vous récuse. Et à ce point de vue les gouvernements, aujourd’hui, comme gouvernements n’étant pas catholiques, sont les pires conseillers que puissent consulter les catholiques.

Et il ne faut pas dire: L’empereur a posé la première pierre de Sainte-Perpétue, l’impératrice est une sainte, le prince impérial est le filleul du Pape. Pas plus tard que ce soir, une lettre de Pie IX montrait que les cours de jeunes filles, malgré le patronage de l’impératrice, étaient une détestable institution.

Ou vous êtes catholiques, et alors vous devez accepter la direction de l’Eglise en fait de ce qui concerne la liberté. Pourquoi? Parce que si vous êtes catholiques, vous ne l’êtes qu’autant que vous croyez qu’elle est assistée du Saint-Esprit, non seulement pour définir les dogmes, mais aussi pour fixer les lois de la morale et ce qui concerne ses grands intérêts.

Mais si l’Eglise est assistée du Saint-Esprit, elle sait de la part de Dieu ce qui lui est utile, nécessaire en fait de liberté, et jusqu’où s’étendent et son droit de défense et ses autres droits. Et celui qui nie ce droit fondamental [ou] n’est plus catholique, puisqu’il nie l’assistance du Saint-Esprit.

Mais si l’Eglise sait sous l’inspiration du Saint-Esprit tout ce qui lui est nécessaire pour vivre, pour subsister, nous sommes obligés de l’aider à conquérir tout ce qui lui est nécessaire, du moment qu’elle le réclame. Et il ne sert de rien de dire que les gouvernements s’y opposent; quand l’Eglise assistée du Saint-Esprit dit: « J’ai besoin de cela », et qu’un gouvernement, dont aucun ne peut être assisté du Saint-Esprit, lui dit: « Vous ne l’aurez pas », moi, catholique, je suis obligé de croire que les gouvernements ont tort. Et quand tous les catholiques sincères, indépendants, libéraux, modérés, viendront par leurs journaux donner des conseils à l’Eglise, et quand la révolution fera chorus avec ces catholiques, je dirai à tous, sur le point des droits de l’Eglise, vous n’êtes pas plus catholiques les uns que les autres.

Donc ou vous n’êtes pas catholiques, ou vous devez croire que l’Eglise est assistée par le Saint-Esprit. Si l’Eglise est assistée par le Saint-Esprit, personne ne sait mieux qu’elle ce qui lui convient pour sa liberté. Si personne ne sait mieux qu’elle ce qui lui convient pour sa liberté, notre devoir rigoureux à nous catholiques, c’est en matière de liberté de lui donner tout ce qu’elle demande.

Magnifique position que cel:le de combattre, en étant assuré que l’on a raison!

Maintenant, que demande l’Eglise en fait de liberté? Examinons.

2. Quelles libertés réclame l’Eglise?

Je m’arrêterai à quatre principales libertés;

1° La liberté d’enseigner.

2° La liberté du choix de ses évêques.

3° La liberté des ordres religieux.

4° La liberté de posséder.

La liberté d’enseigner, ceci est de l’essence des choses.

La liberté de l’élection des évêques; un concordat l’a donnée, un concordat peut la retirer.

La liberté des ordres religieux, ceci est de la perfection de l’Eglise.

La liberté de posséder; on ne veut faire de l’Eglise qu’une servante salariée, l’Eglise ne peut pas l’accepter.

Revenons à la question.

L’Eglise se trouve aujourd’hui en face de gouvernements, qui comme gouvernements n’ont pas la foi. Moins ils ont la foi, plus ils doivent la laisser libre d’enseigner comme elle l’entend.

L’Eglise se trouve en face de gouvernements qui comme gouvernements n’ont pas la foi, et ce sont ces gouvernements qui lui choisissent des évêques! Mais, direz-vous, et le concordat? Il est possible avec des gouvernements croyants, impossible avec d’autres.

Et voilà ce que nous voyons, – histoire du concordat avec Napoléon, – ses infamies.

L’Eglise a besoin de la plénitude de sa perfection; elle la trouve dans les ordres religieux, on sent quelle force ils lui donnent.

L’Eglise a besoin de vivre; elle a besoin de certains biens et quand elle affirme qu’elle en a besoin, c’est qu’elle en a besoin. Or voici ce qui se passe; On lui dit: « Nous vous payons, et celui qui commande paye ». L’Eglise répond: « Vous ne me payez pas, vous m’indemnisez ».

Mais laissez cette question. Que la révolution ait lieu, voici ce qui arrivera: Violente, elle nous dépouillera tout à coup; – modérée, elle nous dépouillera peu à peu. Violemment ou avec politesse, nous serons dépouillés, voilà à quoi nous pouvons nous attendre.

Que fera-t-on? Permettra-t-on à l’Eglise de posséder? Peut-être pas. Lui permettra-t-on de posséder des capitaux? J’ai lu de magnifiques dissertations sur ces questions-là. Voulez-vous savoir ce que fera le clergé? Vous ne lui permettrez pas des fonds; Il placera ses fonds sur les banques étrangères. Vous ne lui permettrez pas d’être propriétaire du sol français; l’Amérique possède assez de forêts, et le clergé s’est montré asez habile dans les défrichements pour n’avoir pas peur. On ne nous permettra pas d’être propriétaires de nos maisons, nous les louerons. On nous enlèvera nos Eglises; La police sait bien qu’il y a à Nîmes des hangards capables de contenir huit cents personnes, où elle n’a pas la possibilité d’empêcher qu’on y dise des choses fort désagréables. Ces hangards, nous les louerons à notre tour.

Mais quand nous ne serons plus indemnisés, de quel droit nous défendrez-vous les associations religieuses? De quel droit nous empêcherez-vous de choisir nous-mêmes nos évêques? De quel droit nous empêcherez-vous d’enseigner? De quel droit aurez-vous un enseignement, vous qui ne croyez à rien?

Et voyez-vous, mes frères, que si l’Eglise conquiert cette liberté, ce n’est pas qu’elle la considère comme un état préférable; non, c’est un état relativement bon. Il y a trois états: L’union de l’Eglise et de l’état; – l’état de séparation, – et l’état d’oppression. Je préfère l’union à tout, mais entre l’oppression et la séparation, je préfère la séparation. – Exemple du mariage et des relations de l’âme et du corps.

Que conclure? Que l’Eglise assistée du Saint-Esprit réclame la liberté d’enseigner, la liberté des évêques, la liberté des ordres religieux, la liberté de posséder.

Des révolutions nous menacent, dit-on; pour moi, je les redoute. Je tremble, mais ne me décourage pas. J’en conclus qu’il faut nous tenir prêts, et sous la direction infaillible de l’Eglise nous unir et faire notre devoir!

Notes et post-scriptum