CAREME prêché à Saint-Charles, 1861.

Informations générales
  • TD45.265
  • CAREME prêché à Saint-Charles, 1861.
  • III - La PAROLE de DIEU non Ecrite.
  • Orig.ms. CR 165; T.D. 45, pp. 265-270.
Informations détaillées
  • 1 AUGUSTIN
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 EGLISE
    1 HISTOIRE DE L'EGLISE
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 TRADITION
    2 BOSSUET
    2 MANNING, HENRY-EDWARD
    2 PAPIN
    2 PAUL, SAINT
  • février-mars 1861
  • Nîmes
La lettre

Non in solo pane vivit homo, sed in omni verbo quod procedit de ore Dei.

La Bible ne suffit pas. Si elle suffit, pourquoi ces incertitudes sur son canon? car si vous l’avez changé au seizième siècle, il reste toujours que pendant quinze cents ans on avait été ou incertain ou trompé sur les livres qui composent la révélation. Et alors à quoi bon dire: La Bible! Rien que la Bible! Toute la Bible! Vous ne pouvez dire « Rien que la Bible », car il vous a fallu des savants pour vous montrer que des livres y avaient été ajoutés. Vous ne pouvez dire « Toute la Bible », car ces savants ne sont pas infaillibles, et ils ont retranché des livres qui pouvaient être inspirés et qui avaient une possession incontestée de mille à douze cents ans, ce qui est bien quelque chose.

Aussi des esprits logiques ont imité l’exemple de vos pères, et, comme nous l’avons vu mardi dernier, procédant par retranchement, ils ont fini par ne plus laisser rien d’intact dans les livres saints.

C’est pour cela que nous venons poser une autre base, et nous disons: Oui, la Bible est la parole de Dieu, mais elle n’est pas la seule parole de Dieu. La Bible seule ne tient point, si on ne l’appuie sur la Tradition. Qu’est-ce que la Tradition? Voilà le sujet de cet entretien.

Or j’établis que la Tradition divine se compose de deux éléments: L’élélment humain et l’élément divin. – Développer. – Ce principe posé, tout s’illumine!

L’élément humain, insuffisant, mais nécessaire.

L’élément divin nous arrivant par la voix humaine et donnant son cachet infaillible à l’enseignement. J’appellerai le premier Histoire, le second Autorité.

S’il se trouve dans cet auditoire quelque bel esprit, il ne manque pas de dire: Voilà un sermon qui passera par-dessus la tête de l’auditoire! Il n’y passera pas du tout, je sais comment les premiers entretiens ont été compris, je serai aussi clair qu’il dépendra de moi, et l’homme au bel esprit en sera pour vous avoir calomniés.

Je le répète, la parole de Dieu est manifestée par la Bible et par la Tradition, sans laquelle la Bible est insuffisante. J’examine la Tradition; je dis qu’elle se compose de deux éléments: L’histoire et l’Autorité, et ces deux éléments unis entre eux forment la base de toute vérité. Considérée à ce point de vue, cette instruction s’adresse non seulement aux Protestants, mais à tous les incrédules. Ecoutez donc bien, mes chers frères catholiques, je vais vous fournir des arguments contre ceux qui tous les jours viennent attaquer votre foi.

1. Elément historique de la Tradition.

L’histoire est le premier élément de la Tradition. Mais avant d’aller plus loin, établissons que toute science finie est une science définie. Ainsi les mathématiques, l’astronomie, la jurisprudence. Là où il n’y a que du vague, il n’y a plus [de] science. Qu’est-ce que la science religieuse du protestant? Qu’est-ce que la science religieuse su libre-penseur moderne? Rien de défini; chez les Protestants, l’horreur du Symbole de la foi; chez les Libres-penseurs, impossibilité d’un Symbole. Par là ils se donnent la main! « Croyez vous, s’écrie un ministre converti, traduisez votre foi par vos paroles ».

Nous autres catholiques, nous voulons quelque chose de clair et de défini, surtout quand notre croyance est attaquée. Le dépôt en a été confié aux Apôtres qui l’ont transmis aux Evêques. Depositum custodi, dit Paul à Timothée. Or voici qu’à partir des Apôtres, l’histoire commence. Jésus-Christ [a dit]: Euntes, docete omnes gentes.

L’Histoire, ce sont les annales des enseignements divins, des interprétations fausses repoussées par l’Eglise.

L’Histoire, c’est le récit des hérésies et des sentences de l’Eglise.

L’Histoire, c’est le témoignage de tous les docteurs.

L’Histoire, c’est le témoignage se corroborant de siècle en siècle.

L’Eglise de Manning, c’est l’histoire vivante du passé. Effacez-la, quel souvenir reste? Et, en effet, si vous n’admettez pas le témoignage historique de l’Eglise, où en trouverez-vous un plus grand? Et toutefois remarquez ceci, il n’y a pas de peuple, pas de société sans histoire. La Réforme a détruit l’histoire de l’Eglise. Que lui importe? La Bible lui suffit. Quand les révolutionnaires ont voulu préparer 93, ils ont détruit l’histoire de la France; tout y passa: archives, institutions.

Je livre ces réflexions aux esprits sages. Renversez l’histoire, tout croule. C’est que dans la pensée de Dieu, l’humanité est un tout moral qui se soutient pas l’histoire.

Or le dogme a son histoire, histoire de toutes la plus belle, histoire des guerres de la vérité et de ses triomphes. Toutefois, ceci n’est point un fait divin, mais le plus grand fait humain, l’obligation de l’humanité ou de rompre avec son passé ou d’accepter l’histoire de l’Eglise.

Ce que l’Eglise croit, elle le croyait à Trente; elle le croyait dans les écoles dont S. Thomas fut « l’ange »; elle [le] croyait avec les Pères dont le docteur angélique résume la doctrine; elle le croyait avec les martyrs, elle le croyait avec les Apôtres qui avaient jeté par le monde la semence des martyrs! Et les Apôtres eux-mêmes le croyaient par Jésus, auteur et consommateur de la foi, époux de l’Eglise et son âme.

De l’autre côté, – du maradis, l’histoire nous montre les Patriarches, les Prophètes, le sacerdoce judaïque descendant jusqu’à Jésus-Christ. Fide intelligimus aptata esse saecula verbo Dei.

Voilà la vraie philosophie de l’histoire, et sous les événements extérieurs, la marche de l’Eglise vers le ciel, le témoignage historique des vérités!

Mais cela ne suffit pas, il faut l’autorité.

2. L’élément divin de la Tradition.

Quand Dieu créa l’homme, Il lui donna le spiraculum vitae. Ainsi pour l’Eglise et pour son autorité! Quelque grand que soit le fait historique, il ne constitue qu’une foi humaine; il faut quelque chose de plus, l’élément divin!

Or cet élément peut se considérer à deux points de vue: La foi que Dieu met dans mon âme, soit au baptême, soit par une préparation de grâce chez ceux qui ne sont pas baptisés et sans laquelle je ne puis aller à Dieu, selon la parole du Sauveur: Nemo venit ad Patrem nisi per me. Mais ici je n’ai pas tant à m’occuper de l’élément divin à ce point de vue que sous sa forme sociale, si je puis dire ainsi.

Je veux parler de la forme divine extérieure qui s’unissant à l’Eglise, établit la société de Dieu avec les hommes. Je me servirai des paroles mêmes de l’Ecriture pour donner une certaine satisfaction aux Protestants, et pour exposer avec plus de facilité la doctrine catholique aux yeux mêmes de ceux qui ne croient pas.

Jésus-Christ a dit: Pater omne judicium dedit Filio. Pouvoir de tout juger, de juger les âmes, de juger les crimes, de juger les erreurs, de juger dans l’éternité, mais aussi dans le temps! Omne judicium. Ce pouvoir, Il le transmet. Qui vos audit, me audit.

Autre élément. Cum autem venerit ille Spiritus veritatis, docebit vos omnem veritatem [Joan. 16-13]. Sicut misit me Pater, et ego mitto vos [Joan. 20- 21]. Euntes ergo, docete omnes gentes, baptizantes eos in nomine Patris, et Filii, et Spiritus sancti. Docentes eos servare omnia quaecumque mandavi vobis. Et ecce ego vobiscum sum omnibus diebus, usque ad consummationem saeculi [Matth. 28-19&20].

Si le Saint-Esprit enseigne toute vérité, pourquoi ces affaiblissements de la vérité? Si l’Eglise n’est pas infaillible, il faut doute de tout!

Mais l’Eglise, c’est un câble, dit Papin. Son enseignement se poursuit et se mêle aux générations. Prenons le temps présent. Nous croyons comme au concile de Trente, alors comme au temps de saint Thomas, qui croyait comme tous les Pères, qui croyaient comme les martyrs, qui croyaient comme les Apôtres, qui croyaient à ce qu’avait enseigné Jésus, l’auteur et le consommateur de la foi.

Or Jésus a bâti son Eglise sur deux ordres de faits: Ses miracles et ses prophéties. Et comme le remarque Bossuet, après S. Augustin, « les Apôtres, témoins des miracles, ne furent pas témoins de l’accomplissement des prophéties, mais ils crurent les prophéties à cause des miracles. Nous ne voyons pas les miracles de Jésus, mais à travers dix-huit siècles, nous voyons les prophéties accomplies, et les prophéties font croire aux miracles. Ainsi les prophéties et les miracles se soutiennent réciproquement. Mais il faut être catholique pour entendre ce témoignage [Bossuet].

Mes frères qui contestez avec nous, vous basez votre foi sur la raison humaine, non sur le Saint-Esprit. Pour nous, nous basons notre foi, non sur l’Eglise, mais par l’Eglise sur la parole de Dieu.

Parole de Dieu non écrite(1).

Dieu avant d’écrire avait parlé par les prophètes. Deux mille ans s’écoulèrent avant que Dieu n’écrivît. Samuel n’écrivit pas et beaucoup de livres indiqués dans l’Ancien Testament ne sont pas parvenus jusqu’à nous.

Jésus-Christ vient, il n’écrit point. Sa doctrine n’est mise en corps par aucun de ses apôtres. Tous, il est vrai, forment le symbole de leur nom, mais ils ne le rangent point dans les saintes Ecritures.

Si les écrivains sacrés étaient nos seules sources, pourquoi saint Jean, le dernier d’entre eux, n’en a-t-il pas dressé le canon? Que de temps écoulé avant que ce canon n’ait été fixé! Et encore, quand l’Eglise l’a accepté pendant mille ans au moins, voilà que les Protestants modernes viennent et disent: Vous vous êtes trompés! En d’autres termes, la seule manière de connaître la vérité, c’est la Bible! Or pendant cinq cents ans on a été incertain sur plusieurs ouvrages, pendant les mille ans qui ont suivi, on s’est positivement trompé, ce n’est qu’au commencement du seizième siècle que la vérité s’est faite! Pendant les quinze premiers siècles, on avait été dans l’incertitude ou l’erreur. Il faut accepter ces monstruosités pour déclarer que la Bible seule suffit!

Aussi laisserai-je nos chers frères séparés pour m’attaquer aujourd’hui à cet…(2).

Notes et post-scriptum
1. Ceci est un autre exorde du même sermon.
2. Le reste manque.