11 février 1867

Informations générales
  • TD45.295
  • DEVOIRS des CATHOLIQUES dans les temps présents.
  • Orig.ms. CR 176; T.D. 45, pp. 295-298.
Informations détaillées
  • 1 CATHOLIQUE
    1 DEVOIRS DE CHRETIENS
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 SOCIETE
    1 VERITE
    2 GUIZOT, FRANCOIS
    3 FRANCE
    3 JERUSALEM
  • 11 février 1867
  • Cathédrale de Nîmes
La lettre

Mes frères, pourquoi donc êtes-vous si nombreux ce soir? Est-ce une preuve de votre sympathie pour mes paroles d’il y a quinze jours? Mais on m’assure que j’ai eu le malheur de déplaire à tant de personnes! On dit, paraît-il, que j’avais attaqué l’ordre de choses qui nous gouverne, comme si le prêtre catholique n’était pas l’homme de l’autorité et du respect, et s’il ne devait pas soutenir les pouvoirs établis, excepté lorsqu’ils attaquent le plus grand de tous les pouvoirs, le pouvoir de Dieu et de l’Eglise.

Mais j’ai signalé au nom de l’Histoire les fautes de la royauté et celles de la noblesse, la décadence des classes moyennes et les dangers de la démocratie socialiste, et j’ai montré comment tous plus ou moins nous étions coupables de cet esprit révolutionnaire qui nous menace de toutes parts.

Avertir du danger afin qu’on l’évite, c’est être bien téméraire, et appeler l’expérience du passé pour prévenir les tempêtes d’un avenir profondément sombre, c’est donc être bien criminel?

Après tout je n’ai prêché ni le découragement, ni le désespoir, j’ai au contraire prêché l’espérance; Oui, sans doute, j’ai de graves appréhensions, mais j’espère!

J’étais, huit jours avant le vingt-quatre février, dans le cabinet de M. Guizot, il me rendait un service pour lequel je lui conserve une impérissable reconnaissance, et comme ce premier ministre d’alors me parlait des dangers imminents, il m’assurait aussi qu’il était loin de désespérer. Mais lui, servait un pouvoir humain, et quel pouvoir humain n’est pas exposé à périr? Moi, je sers un pouvoir dont les destinées sont éternelles, et c’est pour cela que j’espère! Et c’est avec ce sentiment d’espérance que je viens vous parler, c’est cette confiance que j’ai au fond du coeur que je vous ai communiquée déjà qui vous attire, sinon tous du moins presque tous, autour de cette chaire. Et quant aux autres, je me persuade que ce qui me reste à dire aujourd’hui, leur prouvera que si je laisse tomber quelquefois des vérités sévères, ce n’est pas avec le sentiment de l’ennemi qui accuse pour nuire, mais du médecin qui avertit pour guérir.

Nous avons établi la nature des luttes livrées à l’Eglise, et nous en avons conclu qu’aujourd’hui, les positions intermédiaires étaient de plus en plus impossibles, qu’il fallait être ou catholique ou révolutionnaire, ou clérical ou athée.

Nous avons cherché à pénétrer l’avenir, et le passé nous apprend que toute attaque contre les dogmes de l’Eglise, toute persécution s’était terminée par une expansion plus grande de son empire.

Reste la question que j’ai indiquée pour ce soir: Quels sont les devoirs des catholiques dans les temps présents? La réponse est bien simple. Ils sont de deux sortes, selon que nous nous plaçons au point de vue de la doctrine ou de la société, et c’est cette double face du problème que je veux envisager ce soir.

1. Devoirs au point de vue de la Doctrine.

J’aurai tout dit quand j’aurai affirmé que les devoirs des catholiques sous ce rapport se résument en un seulement: Le culte de la vérité. – La vérité – Dieu!

Ce culte implique trois conditions: Le respect de la vérité; – L’étude de la vérité; – La propagation de la vérité.

Grandeur – beauté – force de la vérité!

Prendre la vérité et la placer au-dessus des opinions!

Révélation – Agrandissement de l’homme par la révélation. – Perpétuelle assistance de Dieu pour conserver la révélation. Et voilà l’avantage immense des catholiques! Nous croyons au Saint-Esprit! à la communication du Saint-Esprit!

Nous ne respectons pas seulement la vérité, nous l’adorons!

Etude de la vérité. – Immensité du champ de la science catholique, partant d’une base inébranlable. – Mais dans les temps présents, au milieu des attaques? Nous pourrions vous dire: Nous vous répondrons quand vous vous entendrez entre vous! Mais non, les objections suscitent des réponses.

Beauté des études modernes; – Beauté des triomphes obtenus.

Mais il ne s’agit pas d’étudier, il s’agit de faire étudier. – Crime des catholiques qui laissent empoisonner leurs enfants.

L’étude de la vérité à un point de vue plus général, est nécessaire à tous, pour la défendre. – Intelligence populaire.

Propagation de la vérité. – Caractère de l’Eglise catholique. – Praedicate Evangelium omni creaturae. Non possumus non loqui. – A temps et à contretemps!

Magnificence de l’apostolat. – Les fruits de l’apostolat catholique! Oui, il faut respecter, prêcher par l’étude, la vérité!

Appel aux âmes fatiguées!

Appel aux âmes ardentes pour la vérité!

2. Devoirs au point de vue social.

Les reconstructeurs de Jérusalem avaient la truelle d’une main, l’épée de l’autre. Je crois qu’il nous faut plus la truelle que l’épée. L’Evangile s’empare de certaines choses et les sanctifie; ainsi la matière des Sacrements; ainsi dans le mariage le contrat; ainsi dans une proportion inférieure la société. Aujourd’hui elle n’est plus chrétienne, il faut la rendre au christianisme. Or pour cela, il y a certaines vertus:

– 1° La Charité. – Le mal universel c’est la haine, la division. La haine causée par le choc des ambitions, pas les intérêts matériels.

La charité dans l’unité. La charité intelligente, l’amour des âmes, qui subordonne à tout les reste cet amour.

Mais, me direz-vous, l’Eglise n’a pas toujours tenu ce langage. Et l’Inquisition? – Je réponds: Il y a toujours des inquisiteurs. L’Eglise a usé de son droit, elle en usera toujours. Seulement elle emploie tantôt un moyen, tantôt un autre.

– 2° Le Désintéressement. – L’amour du lucre.

Grandeur du désintéressement. – Puissance de l’homme qui ne veut rien et veut n’être rien! Voilà pourquoi vous les aimez.

– 3° La Chasteté. – Je n’en dirai qu’un mot, laissant la chasteté du prêtre et de la vierge.

J’examine une des causes de l’émotion publique en France. – Si la chasteté régnait dans le mariage, nous aurions quelques millions de jeunes gens de plus à lancer, comme nos ancêtres les Francs et les Gaulois, aux quatre vents du monde, et nous n’aurions pas à trembler pour nos frontières de l’accroissement de certaines puissances!

– 4° Le Sacrifice. – Puissance du sacrifice de Jésus-Christ. – Deux pôles: La haine de Satan, – le sacrifice de Jésus-Christ.

Le sacrifice des martyrs. – Formation par le sacrifice de la conscience religieuse. – Moeurs basées sur la notion du sacrifice, et moeurs basées sur la notion du don de soi.

– 5° Le Respect de l’autorité. – Enfin, devoirs sociaux au point de vue des temps présents. – La société par excellence c’est l’Eglise. Eh bien, il faut défendre l’Eglise! Autrefois nous eussions prêché une croisade; ceci n’est plus de notre temps, mais nous pouvons venir en aide à notre Père, par le denier de Saint Pierre.

Notes et post-scriptum