- TD46.170
- [Notes de sermons divers]
- Mystères. Nécessité et utilité des mystères(1).
- Orig.ms. CS 79; T.D. 46, pp. 170-171.
- 1 MYSTERE
- mars 1844
- Alès
I. Nécessité.
1° Qu’est-ce que nous comprenons en nous dans nore nature, dans notre coeur, dans notre âme, dans notre corps? De quoi avons-nous l’intelligence? Le mystère est partout, à chaque instant il nous arrête. Que savons-nous? Que pouvons-nous affirmer? Des faits. Mais l’explication des faits? Jamais.
Elevons-nous plus haut et convenons qu’à proprement parler il est des choses que nous ne comprenons pas et que nous pourrions comprendre, à peu près comme le savant qui comprend ce qui est un mystère pour le paysan. Mais il y a plus, il y a l’objet du mystère, et il est lui-même impénétrable. En venir à bout est impossible; car sa nature, c’est l’infini. Si vous le compreniez, ce ne serait plus la vérité. Le cachet de la religion vraie, c’est d’avoir des mystères.
Les mystères donc nous seront chers, puisqu’ils nous prouveront que Dieu est là et qu’il faut approcher de la vérité comme d’un fait et non pas d’un système. En effet, étant donné que Dieu peut quelque chose que nous ne pouvons [pas] comprendre, tout est dit, mais il reste pour nous ceci:
1° Que la religion veut être étudiée comme un fait,
2° Qu’étant donnée la possibilité d’un rapport entre Dieu et la créature, aucun mystère ne peut être repoussé sous le prétexte de son incompréhensibilité. Le protestant dit: « Je ne crois pas à l’eucharistie »; le socinien: « Je ne crois pas à l’incarnation »; le déiste: « Je ne crois pas à la Providence »; le panthéiste: « Je ne crois pas à la création »; le matérialiste: « Je ne crois pas à l’âme »; d’autres: « Je ne crois pas à la matière ». Tous [ont]raison. Une seule question: « Croyez-vous à l’être? » Si vous ne croyez pas, impossible de raisonner avec vous. Si vous y croyez, le comprenez-vous? Comprenez-vous l’idée de substance? Si vous y croyez, vous y croyez sans la comprendre. Je vous porte le défi de la comprendre jamais.
Si vous croyez à l’être, pourquoi ne pas croire à la perfection de l’être, ce qui est Dieu. Si vous en croyez en Dieu, pour ne pas croire sa toute-puissance, attribut essentiel de sa perfection? Si vous croyez [à] sa toute-puissance, pourquoi pas à son indépendance, pourquoi pas à la création, pourquoi pas à la Providence, pourquoi pas à l’incarnation, pourquoi pas à l’eucharistie? Une seule question: il faut savoir si Dieu, source de tout mystère, a parlé. Oui, Seigneur, vous avez parlé.
II. Utilité des mystères.
Hâtons-nous de nous replacer à un point de vue chrétien.
[1°] Les mystères sont nécessaires, ils sont utiles dans l’ordre de la science. L’homme poursuit la vérité, il poursuit l’infini. Il faut qu’il commence par croire. Quicumque vult accedere ad Deum, oportet credere quia ipse est. Mais cet infini va le placer dans un double embarras. S’il perce à jour la science, ce ne sera plus rien de divin; s’il ne la perce pas, c’est un mystère. Que fera-t-il? Il avancera, il croira, il commencera à comprendre; mais il comprendra surtout qu’il ne peut pas tout comprendre. Le mineur est arrêté, quand il a trouvé le fond de la mine; de même l’homme, la mine religieuse, n’a pas de terme [sic].
2° L’homme veut le bonheur. Or si le mystère n’est pas la condition du bonheur, il faut qu’il renonce à le posséder jamais. L’homme n’est pas heureux sur la terre; c’est, je pense, assez évident. Il lui faut le mystère de l’avenir, le mystère de l’éternité pour que son espérance s’y réfugie.
3° L’homme veut la beauté, une beauté qui sera la splendeur du vrai; et si le vrai, c’est l’infini, la beauté qui en sera la splendeur sera infinie. Et voilà ce qui convient à son coeur.