[Autres notes et fragments de sermons et de conférences]

Informations générales
  • TD46.330
  • [Autres notes et fragments de sermons et de conférences]
  • Saint Pierre et saint Paul.
  • Orig.ms. CS 149; T.D. 46, pp. 330-337.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT
    1 AUTORITE DE L'EGLISE
    1 DOCTRINE CATHOLIQUE
    1 EGLISE
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 LIBERTE
    1 MENSONGE
    1 PRETRE
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 UNITE DE L'EGLISE
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 PLATON
    3 ALEXANDRIE, EGYPTE
    3 ANTIOCHE DE SYRIE
    3 ROME
    3 TARSE
  • 1838-1839
La lettre

(p. 51)

Quid sunt duo olivae istae, ad dexteram candelabri et ad sinistram ejus?

Vision du prophète. Les deux colonnes de l’Eglise Pierre et Paul. Mais n’est-ce pas à Pierre seul que les promesses ont été faites? Paul est-il le seul disciple martyrisé à Rome? Est-ce le même jour qui les a vus souffrir? Il y a une pensée plus profonde et qu’il importe de vous faire comprendre: la double pensée d’autorité et de prédication confiée à l’Eglise et qui nous est représentée par les deux grandes figures de Pierre, le pêcheur de Tibériade, et de Paul, le corroyeur de Tarse, pris un jour par l’esprit de Dieu et envoyés pour annoncer la voie du salut.

Pour rendre insupportable le joug de l’autorité, déjà bien assez dur pour lui-même à l’orgueil de l’homme, les ennemis de l’Eglise se sont plu depuis quelque temps à en exagérer la pesanteur, refusant à l’homme courbé sous son poids toute espèce de liberté. Or je dis que l’Eglise, en associant dans ses hommages les deux noms de Pierre et de Paul, et en nous rappelant par conséquent les deux grandes missions qu’ils ont été chargés d’accomplir sur la terre, s’est proposée depuis longtemps déjà de prouver aux hommes que l’autorité qu’elle exige n’est point insupportable, en second lieu que loin de gêner la liberté de l’homme, elle la fortifie au contraire. D’où je conclus naturellement, contre les adversaires de l’Eglise: 1° que le principe de la vérité se trouve dans son sein; 2° que la connaissance de la vérité portant l’homme au plus haut degré de liberté, le conduit dès lors au plus haut degré de perfection.

Et vous, mes frères, vous conclurez que si l’Eglise est si riche en enseignements dans la simple associaton du nom de ses premiers fondateurs, avant de la proclamer impuissante à développer la pensée de l’homme il serait bon de pénétrer dans le sanctuaire de sa doctrine.

Autorité et commencement est la même chose. In principio erat Verbum peut se traduire dans la puissance était la vérité. Et de même que dans le Père tout-puissant était le Verbe éternel, de même sur la terre c’est dans la puissance que doit résider la vérité. Pouvoir confié à Pierre: Tu es Pierre. – Puissance de Pierre à Antioche, Rome, Alexandrie.

Pierre fonde à Rome. Union du pouvoir et de la société et de la vérité. Les grandes questions ramenées à l’autorité. L’esprit s’irrite, mais après s’être débattu, il faut qu’il demande un illuminateur, l’autorité. Cette autorité répandue par Pierre. L’évêque, un peu de cendre, est un géant par Pierre. Le prêtre, envoyé de l’évêque, annonce la vérité, fait participer les hommes à elle, et, après la leur avoir montrée, les met en communication directe avec elle. Jam non propter loquelam tuam credimus.

Commencement et puissance sont identiques. Au commencement le Verbe était, mais il était dans la puissance de son Père, et rien n’a pu commencer d’être, si l’on ne suppose le principe qui leur a donné la faculté d’être, si l’on ne suppose une puissance première. C’est donc dans le sein de Dieu que se perd le principe de la puissance, de l’autorité. Cette puissance se manifeste dans la Trinité par l’éternelle génération du Verbe, dans le monde par la création. Elle se manifeste dans l’humanité par la société formée pour recevoir tous les hommes. Or cette société repose sur une base. Or écoutez Jésus-Christ: Tu es Pierre. Mais pourquoi Pierre est-il la base de l’Eglise? C’est que toute puissance ayant été donnée à Jésus au ciel et sur la terre, Jésus communique cette puissance à ses apôtres, mais plus particulièrement à Pierre.

Unité. – Pierre est donc la base. Pierre est le vicaire de Jésus, son représentant. Or voyez comme tout s’enchaîne. Je parle. Je ne suis qu’un homme, mais du moment que je parle comme prêtre je parle au nom de Dieu. Je ne suis rien, mais je tiens à mon évêque. Mon évêque tient au successeur de Pierre, qui tient à Pierre lui-même, qui tient à Jésus, qui a reçu son pouvoir de Dieu, qui le communique à Pierre, qui le transmet à ses successeurs, qui le transmet aux évêques, qui le transmet aux prêtres, qui le transmettent aux chrétiens. Et voilà la société chrétienne. Jam non estis vestri. – Société céleste: jam non estis vestri. – Société apostolique: jam non estis vestri. – Société divine: jam non estis vestri.

Et voilà le prêtre, dès qu’il enseigne en communion de son évêque, qui enseigne au nom de Dieu. L’attaquer, c’est attaquer Dieu même. Car du moment qu’il parle au nom de Dieu, il s’efface, il n’est rien. La parole de Dieu est tout. Quand vous entendez le prêtre, vous entendez Dieu.

Mais il se trouve sur la terre des autorités humaines qui n’ont pas voulu reconnaître l’autorité divine. – Luttes. – Lutte contre les empereurs plus tard. – Je vous fais grâce de l’histoire de ces débats. Fixons l’attention seulement sur une lutte récente. Trois évêques persécutés. – Vous craignez? – Ah! je ne crains rien. Je vois l’ange des justices briser avec ces chaînes la tête de leurs bourreaux couronnés. Dominus justus concidet cervices peccatorum.

Le plus grand mal de l’autorité est qu’elle abuse d’elle-même. Il faut qu’elle soit tempérée par l’action.

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Exorde. – Je me propose de vous montrer comment l’Eglise repose sur une double base, représentée par Pierre et Paul – l’autorité et l’enseignement – de vous montrer les caractères de l’un et de l’autre, de vous montrer comment cette autorité divine et cet enseignement mutuel se prêtent un mutuel secours et concourent à rendre [l’Eglise] inébranlable, posée sur la pierre angulaire, Jésus lui-même.

L’autorité reçoit de l’enseignement catholique un caractère de durée, d’unité, de stabilité.

L’enseignement catholique reçoit de son union à l’autorité un triple caractère de liberté, de divinité, de dévouement.

L’autorité catholique est immortelle, une, vraie.

L’enseignement catholique est libre, divin, dévoué.

Première partie. Autorité.

Caractère de durée, d’unité, de liberté.

Durée. – Si je considère l’autorité de l’Eglise dans son principe, je la vois sortir du sein même de Dieu. Qui dit autorité, dit commencement, et les anciens n’avaient qu’un même mot pour exprimer le pouvoir et le commencement. Dans le commencement était le Verbe, peut se traduire aussi: dans le principe, dans le pouvoir était le Verbe. Voilà pourquoi la puissance est attribuée au Père dans l’adorable Trinité. L’éternelle puissance prononce l’éternelle parole: Voilà: le Père engendre son fils. Voilà ce qui se passait avant tous les temps. Cette puissance et cette parole se manifesteront extérieurement, et au commencement des temps Dieu crée dans sa puissance le ciel et la terre. In principio creavit Deus coelum et terram. Mais comment créera-t-il? Dans sa puissance, in principio, et au commencement, mais par sa parole: dixit et facta sunt.

Mais l’homme pèche et produit le désordre contre la puissance et la sagesse de Dieu. Cette puissance et cette parole se manifestent une seconde fois. La parole se fera chair, et il [= elle] habitera parmi nous. Et quand il sera prêt à monter au ciel, il assemblera ses disciples, et après leur avoir déclaré que toute puissance lui a été donnée au ciel et sur la terre, il enverra ses disciples, comme son Père les a [= l’a] envoyé, leur commandant d’enseigner et de baptiser, leur donnant par là le droit de parler en son nom et d’exercer son pouvoir de miséricorde envers les hommes.

Voilà donc l’autorité de Dieu même confiée aux apôtres. – Toute puissance m’a été donnée. – Comme mon Père m’a envoyé, je vous envoie, et voilà: je suis avec vous jusqu’à la consommation des siècles.

Mais le pouvoir se perpétuera plus particulièrement dans le siège de Pierre. C’est à lui que le pouvoir principal a été confié, c’est par lui que l’Eglise sera toujours visible. Maintenant trouvez-moi une Eglise qui ait toujours été avec Jésus-Christ. Vous ne le pourrez jamais, hors de l’Eglise catholique. Mais ce qu’elle a eu, elle l’aura toujours, car son pouvoir tient de Dieu même et [que] Jésus-Christ l’a promis: Ecce ego vobiscum sum usque ad consummationem saeculi. Elle ira toujours se développant seule au milieu des sociétés qui tombent, parce qu’elle a en elle la promesse de l’immortelle durée. Seule, elle a la promesse du véritable progrès. Vainement on prétend lui substituer quelque chose. Nous montrons le progrès depuis Adam jusqu’à nous. C’a toujours été la même chose. Mais venir changer le dogme et dire: il n’y a que progrès. Moi, je dis: il y a changement. Comparaison de l’arbre et de l’homme. En effet, si c’est Dieu qui parle, il ne peut dire deux choses contraires. Or s’il a parlé au commencement d’une manière, il ne peut parler d’une autre. Il faut donc croire ce qu’il a commandé au commencement, et dès lors la même autorité subsiste toujours. Que si vous supposez qu’il cesse de parler, vous tombez dans le chaos.

Unité. – Mais si l’Eglise est immortelle par son autorité, elle est nécessairement une. Car si elle est immortelle, elle est vivante, et il n’y a de vivant que ce qui est un. La division, c’est la mort. La mort de l’âme, c’est la séparation de l’âme d’avec Dieu. La mort du corps, c’est la séparation du corps d’avec l’âme. Donc pour que l’Eglise subsiste, il faut qu’elle soit une. Or admirez avec moi le merveilleux tableau que nous offre cette unité. Voyez p. 52.

Maintenant, que l’on vienne me dire qu’il ne faut croire à aucun homme, parce que l’Esprit Saint a dit que tout homme est menteur, je répondrai: Vous avez raison. Et c’est pourquoi je ne comprends pas que vous osiez ouvrir la bouche par cela même que vous êtes un homme. Pour moi, j’ai le droit de l’ouvrir, parce que je puis dire à celui qui m’a envoyé: Ma doctrine n’est pas ma doctrine, mais celle de celui qui m’a envoyé.

Oui, tout homme est menteur. Voilà pourquoi tout homme qui rompt l’unité, par laquelle l’homme en remontant les anneaux de la chaîne qui resserre la société de Jésus-Christ, touche à Dieu même, est fils de Satan, le père du mensonge. Oui, tout homme est menteur. Voilà pourquoi le crime le plus énorme est de dire: « le Seigneur a dit », quand le Seigneur n’a rien dit. Oui, tout homme est menteur. Voilà pourquoi ceux qui ont voulu rompre l’unité par laquelle l’homme ne parlait plus en son nom, mais au nom de Dieu, n’ont pu enfanter que des mensonges, qu’il a suffi d’opposer les uns aux autres à mesure qu’ils en sortaient de leur bouche pour en montrer la fausseté.

Oui, tout homme est menteur. Voilà pourquoi l’Eglise de Jésus-Christ se fait gloire de ne croire aucun homme, mais uniquement ce que Dieu lui a dit par son Fils. Oui, tout homme est menteur. Et voilà pourquoi conservant le dépôt de la foi tel qu’il a été confié par Jésus à ses apôtres et à leurs successeurs, avec qui il a promis d’être jusqu’à la fin des temps, l’Eglise ne craint pas de le présenter dans son intégrité et son unité. Car ce qui est un est, et la vérité est ce qui subsiste.

Liberté. – Mais s’il en est ainsi, direz-vous, tout se réduit à une question de fait. – Eh oui, sans doute, il suffit de connaître les preuves de l’autorité de l’Eglise; il ne s’agit plus que de se soumettre à ce qu’elle dit. Et quelle méthode plus commode pour le peuple! Voulez-vous qu’il apprenne le syriaque, l’hébreu? Une question de fait. – Mais vous détruisez la liberté humaine? – Quel raisonnement! Vous voulez aller dans une ville, vous ne connaissez pas le chemin. Moi qui le connais, je m’offre de vous l’indiquer. Vous savez que si vous ne suivez pas cette voie, vous vous exposez à tomber dans quelque précipice, et vous prétendez que je tue votre liberté! Mais qu’est-ce que la liberté? – C’est le droit de choisir entre le bien et le mal. Mais il n’y a pas de liberté entre la vérité et l’erreur. La vérité c’est un fait. S’il en était comme vous dites, tout homme qui écrirait l’histoire attenterait à la liberté de tous ceux qui préféreraient faire des romans, à la place de ce qui est. Et moi je dis que rien ne fortifie la liberté comme l’autorité de l’Eglise. Voyez les sciences. Malgré leurs efforts, comme elles chancellent, comme elles tâtonnent! Que de systèmes! Le génie ne serait-il pas plus libre de prendre son vol, s’il pouvait s’élancer d’une base sûre, s’il savait quels sont les écueils qu’il doit éviter, le but qu’il doit atteindre?

Mais, de plus, n’a-t-on pas plus de liberté, lorsqu’on est sûr que si l’on s’égare, on sera repris par une autorité infaillible? Les craintes ne dominent-elles pas, lorsque voulant sonder l’abîme des spéculations humaines on sait qu’une main sûre vous arrêtera, au moment où vous risquerez d’être saisi par le vertige?

Aujourd’hui deux éléments se partagent le monde, l’autorité et la liberté. La plus grande autorité et la plus grande liberté n’appartiennent qu’aux catholiques. Pour moi, je suis pris d’un immense dégoût et d’une profonde tristesse, quand je vois des hommes s’enthousiasmer. Pour moi, j’ai fait mon choix, le trône de celui que je sers, c’est le Calvaire. Mon drapeau, c’est la croix. Ma couleur, c’est la couleur du sang de Jésus-Christ; ma liberté est celle des enfants de Dieu; ma loi, c’est la loi du Seigneur; ma patrie, c’est l’Eglise. Oui, ma patrie c’est l’Eglise et c’est la vôtre aussi, mes frères. Et ma douleur est grosse, quand je vois des hommes porter le nom de chrétiens, s’éprendre pour des intérêts humains, que je n’ai mission ni de blâmer ni s’absoudre, d’un enthousiasme indicible et songer si peu aux intérêts de leur vraie patrie. C’est que la foi s’est épuisée, c’est qu’au moment où je parle je sens comme une vapeur de doute, une atmosphère d’incrédulité s’élever de l’auditoire, c’est qu’on ne croit plus à la parole de Dieu; et cependant ses enseignements sont divins: c’est ce que je vais vous prouver.

Seconde partie: Enseignement.

Forme. – Il fallait que l’enseignement de l’Eglise prouvât sa divinité. Elle se prouve par les ouvriers qu’elle emploie, par la forme qu’elle revêt, par les effets qu’il opère.

Il prend de pauvres pécheurs, mais il fera plus. Quel a été l’apôtre par excellence?

Dieu en chargeant des hommes de porter sa parole à leurs frères devait prendre tous les moyens, pour que cette parole, cet enseignement portent un cachet particulier qui le distingue de la parole humaine, de l’enseignement humain, afin qu’on pût dire: Un homme ne parla jamais comme cet homme.

Et vous voyez Jésus enseignant comme ayant puissance. La vérité ne se prouve pas, elle éclaire les yeux et on la reçoit, comme on reçoit la lumière du soleil. Et sermo meus, et praedicatio mea non in persuasibilibus humanae sapientiae verbis, sed in ostensione spiritus et virtutis.

Dispute entre le païen et le chrétien sur saint Paul et sur Platon.

Non enim misit me Christus baptizare, sed evangelizare, non in sapientia verbi, ut non evacuetur crux Christi.

Verbum enim crucis pereuntibus quidem stultitia est: iis autem qui salvi fiunt, id est nobis, Dei virtus est. – Puto autem quod Deus. I Cor., I.

Ouvriers. – Tamquam purgamenta hujus mundi facti sumus, et omnium peripsema usque adhuc. Voilà l’apostolat, voilà le sacerdoce, voilà ce que vous êtes, mes confrères. Voilà ce que je suis, et malheur à nous si nous nous considérons comme autre chose que la balayure du monde. Voici, mes frères, ce que votre servante rejette chaque matin de votre maison; voilà ce que veut être s. Paul, ce que je veux être sur la terre. Voilà ce que Dieu prendra, quand il voudra triompher du mal et de l’erreur; il prendra une poignée de cette balayure humaine et il la jettera à la face du monde. Et de même que dans un navire ou dans un palais une étincelle produit un vaste incendie, de même l’apostolat, après avoir travaillé à l’ombre des catacombes, bouleversera le monde.

Mais aussi s’ils sont faibles d’eux-mêmes, ils ont la force de Dieu. Illi autem profecti, praedicaverunt ubique, Domino cooperante, et sermone confirmante, sequentibus signis. On est fort, quand on a les miracles pour soi.

Obstacles. – Tous les obstacles humains.

J’entends une objection. Le monde était dans la position la plus favorable pour recevoir l’évangile. Il faut s’entendre. Tout était préparé par Dieu, oui. Mais voulez-vous mettre la Providence contre l’évangile? Ceci serait trop absurde.

Notes et post-scriptum