[Autres notes et fragments de sermons et de conférences]

Informations générales
  • TD46.383
  • [Autres notes et fragments de sermons et de conférences]
  • Parole de Dieu.
  • Orig.ms. CS 161; T.D. 46, pp. 383-388.
Informations détaillées
  • 1 APOTRES
    1 AUGUSTIN
    1 CREATION
    1 FOI
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PRETRE
    1 PUISSANCE DE DIEU
    1 SALUT DU GENRE HUMAIN
    1 TRINITE
    2 ADAM
    2 GREGOIRE DE NAZIANCE, SAINT
    2 JEAN-BAPTISTE, SAINT
    2 JEAN CHRYSOSTOME, SAINT
    2 JULIEN L'APOSTAT
    2 LAZARE
    2 NERON
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 PLATON
    2 TERTULLIEN
  • 1838-1839
La lettre

(p. 121)

Vox clamantis in deserto.

Ne serait-ce pas là, mes frères, la réponse que le prêtre catholique pourrait plus que jamais faire à ceux qui, comme autrefois les pharisiens à Jean-Baptiste, lui demandaient: qui êtes-vous? La voix de celui crie au désert. Hélas! tout le monde en éprouve le triste sentiment. En combien de lieux la parole du prêtre n’a-t-elle pas perdu sa force? En combien de coeurs ne retentit-elle pas comme dans la solitude du désert? Serait-ce réellement que le temps de son énergie est passé et que, semblable à la parole humaine, elle aurait fait son temps? Ou bien plutôt serait-ce que nous touchons à ces époques fatales où la foi viendra à faillir, où le Seigneur commandera à son prophète de fermer les oreilles du peuple, de peur qu’il ne vienne à entendre la vérité qui lui est annoncée?

Terrible problème qu’il importe de résoudre pour la consolation de ceux qui croient. Si la parole de Dieu a perdu de son efficace, ce n’est point cette parole divine qu’il faut en accuser, et pour le prouver je me propose d’en examiner les caractères. Si la parole divine a perdu de son efficace, c’est aux hommes seuls qu’il faut s’en prendre, et c’est ce que je prouverai en développant le double effet de cette divine parole.

Caractères de la parole de Dieu, effets de la parole de Dieu, tel est le sujet de cette instruction.

Première partie. Caractères de la parole de Dieu.

Les caractères de la parole de Dieu nous sont indiqués par le prophète, lorsqu’il s’écrie: Le Seigneur a parlé une fois et j’ai compris deux choses, que la puissance vient de Dieu et qu’à vous, Seigneur, appartient la miséricorde.

Caractère de puissance, caractère de miséricorde.

Caractère de puissance. – Parole éternelle de Dieu, semel locutus est Deus. Qu’est-ce à dire? Saint Paul ne dit-il pas: multifariam multisque modis? Oui, mais remontez à la source même: potestas et misericordia. La puissance qui est le Père, la miséricorde qui procède de l’amour. Manifestation de la Trinité. – La Trinité donc s’incarne dans la parole, et soit que nous y voyions un acte de puissance, soit que nous considérions un acte d’amour, c’est toujours et en même temps l’action du Père et de l’Esprit qui agissent de concert avec le Verbe. Semel locutus est Deus.

Parole créatrice. Quoi! la parole par qui tout a été fait, qui subsiste avant les siècles, ne peut plus rien? Mais n’est-ce pas elle qui a affermi les cieux, verbo Domini coeli firmati sunt, et spiritu oris ejus omnis virtus eorum? N’est-ce pas cette parole engendrée avant le temps, ante colles ego prturiebar, Dieu elle-même?

Dixit et facta sunt, mandavit et creata sunt.

Puissance des prophéties, semel locutus est Deus.

Puissance qui annonce, ut adimpleatur quod dictum est…(1)

Et cette philosophie moderne qui blasphémant l’Eglise est forcée de lui emprunter ses dogmes, semblable à ces enfants ingrats qui meurtrissent le sein de leur mère, après en avoir sucé le lait.

(p. 123)

Parole puissante, parole qui a opéré le salut du monde; Multifariam multisque modis. – Voilà cette parole qui est prononcée une fois éternellement dans le sein du Père, qui se proportionne à notre faiblesse: multifariam. Elle se transforme en récits, en prophéties, en préceptes du Seigneur, parle directement aux patriarches par le ministère des prophètes, par celui des pontifes: multifariam.

Parole qui a converti les apôtres. – Ah! je comprends l’étendue de cette parole, Verbum caro factum est. Elle s’incarne tous les jours cette parole dans le sacerdoce, Dieu dans l’homme, afin de se communiquer aux hommes. Peu importe la poussière dont est pétrie l’enveloppe, pourvu que Dieu soit au-dedans, et que maintenant Néron fasse tomber la tête de Paul, que Julien chasse les chrétiens des écoles de son empire; Néron et Julien passeront, et la parole divine incarnée dans la poitrine du prêtre ira porter ses effets aux extrémités de la terre.

(p. 125)

Caractère de miséricorde. – Préparation de quarante siècles. – Ecriture Sainte. – Tradition. – Mais qu’on ne dise pas: pourquoi cette parole s’est- elle fait attendre? Qu’on ne le dise pas, reprend saint Léon, car cette parole, une et éternelle, se manifeste successivement. O Christum in novis veterem, s’écrie Tertullien. Le Christ était ancien déjà(1).

Parole de Jésus-Christ fait homme. Quel moyen plus miséricordieux!

Caractère de la parole de Jésus-Christ, calme, bonne: Hoc fac et vives. Elle se transmet de génération en génération.

Tous sont appelés à l’entendre! et erunt omnes docibiles Dei. Ce n’est plus le juste, [mais] tous les hommes.

Ne me dites pas: il n’y a qu’un homme de sauvé. Peu importe! Ce sera pour lui que le ciel aura été étendu, que la terre aura été affermie sur ses bases.

(p. 127)

Et depuis Jésus-Christ voyez toute la miséricorde de Dieu dans l’expansion de cette parole, ce qu’il fait pour la faire répandre. Vous l’avez sentie vous-mêmes cette influence de la parole divine, lorsque vous étiez calmes. Pourquoi ne l’avez-vous pas écoutée? Ah! je vous dirai qu’il y a une miséricorde infinie de la part de Dieu, qui ne vous a pas forcé à l’accepter.

Disposition pour l’écouter: obéissance. Votre orgueil se révolte. Mais quoi? c’est la parole de Dieu. Vous sentez le besoin d’un guide et vous ne voulez pas le prendre.

Humilité de reconnaissance.

Parole de Dieu miséricordieuse. Mais n’en êtes-vous pas une preuve? Depuis combien de temps ne l’insultez-vous pas? Ne la jugez-vous pas, ne la condamnez-vous pas? Et pourtant elle est toujours la même pour vous, elle prend toutes les formes.

(p. 129)

Deuxième partie: Effets de la parole de Dieu.

Verbum enim crucis pereuntibus quidem stultitia est, iis autem qui salvi fiunt, id est nobis, Dei virtus est. En effet, elle rend insensés ceux qui périssent, elle porte la vertu de Dieu pour ceux qui se sauvent.

Objection du peu de fruits que produit la parole de Dieu. Il faut prouver que ce n’est pas la faute de la parole.

Etat de l’orgueil humain. – Sagesse humaine. – Folie humaine. – Mais la même parole qui avait dit: Que la lumière soit faite! avait dit: Aedificabo ecclesiam. – Mais voyez. Verbum enim crucis pereuntibus. Ce n’est donc pas la sagesse de la parole, non in sapientia verbi.

Vous me dites donc que la parole de Dieu a un caractère de folie et je vous réponds: vous dites vrai, verbum crucis, stultitia est. Mais pour quoi? pour ceux qui périssent, pereuntibus. Et saint Paul n’a-t-il pas méprisé votre sagesse? Non in sapientia verbi, ut non evacuetur crux Christi.

Discussion entre un chrétien et un Grec [= païen] au sujet de Platon, rapportée par saint Jean Chrysostome. Oui, avouez que les apôtres sont des insensés. – C’est là leur titre de gloire. – Quoi! ce sont des insensés qui ont converti le monde? – Tous les obstacles ont été renversés par eux. Sublimes insensés qui triomphant de la sagesse humaine plantèrent sur les débris du vieux monde la folie de la croix. – Douze contre le monde. Verbum crucis pereuntibus quidem stultitia. Qu’allaient prêcher les apôtres? La parole de la croix. Quoi de plus insensé que de faire adorer un homme pendu? Que propose, en effet, la parole catholique? Des mystères. Et vous voulez les comprendre par la raison? Mais si vous les comprenez, ce ne seront plus des mystères. Ceux-là périssent, dit saint Jean Chrysostome, qui veulent porter le raisonnement dans de pareilles questions. Car comment Jésus-Christ qui est ressuscité ne pouvait-il pas s’empêcher de mourir? Plus tard, vous le comprendrez. Il n’est pas descendu de la croix, parce qu’il n’a pas voulu.

(p. 131)

Qu’on ne dise plus, le clergé n’est pas capable de prêcher. C’est là sa gloire: placuit Deo per stultitiam praedicationis salvos facere credentes. Oui, je me vante d’être insensé, quia quod stultum est Dei, sapientius est hominibus. Je ne suis pas à la hauteur de mon siècle, tant mieux! Je suis à la hauteur de l’éternité. Je ne suis pas à la hauteur des hommes de mon temps, tant mieux! Je suis à la hauteur de Dieu qui m’envoie.

Faites-y attention, le Seigneur a dit: Verbum meum non revertetur ad me vacuum. – Pater meus judicium dedit filio.

(p. 133)

Sagesse de Dieu. – Eis autem qui salvi fiunt, id est nobis Dei virtus est. Mystère de la parole. Habemus intus magistrum Christum, dit saint Augustin. Quidquid per aurem vestram et os meum capere non potueritis in corde vestro, ad eum convertimini, qui et me docet quod loquor, et vobis quemadmodum dignatur distribui. S. Aug. in Johan., tract. 2, n. 3.

Exterior cultor arboris interior est creator. Quod intelligunt, intus datur, intus coruscat, intus revelatur. Et voilà pourquoi une parole commune produit souvent sur vous un si grand effet.

Le chrétien ne fait pas attention à celui qui annonce, mais à ce qui est annoncé. Congregati estis et suspendimini in verbo dispensatoris Dei; non ad carnem nostram attendatis, per quam vobis exhibetur, quia esurientes non attendunt ad vilitatem vasculi, sed ad charitatem cibi. S. Augustin. – L’homme de foi est nourri par le Christ, qui poscit manifestis, exercet obscuris.

(p. 135)

Là encore se montre la puissance de Dieu. Fortior est ille gladius separans quam copulans natura carnalis. S. Augustin parlant des divisions et des sacrifices qu’opère la parole de Dieu.

La parole de Dieu ne produit rien; mais le remords que vous éprouvez? Lucerna pedibus meis eloquium tuum, et lumen semitis meis.

Effets de la parole. L’âme, dit s. Grégoire de Nazianze, est la fille de la Chananéenne, le paralytique, le sourd, l’aveugle, Lazare dans le tombeau. La parole de Dieu l’en retire. Eis autem qui salvi fiunt, id est nobis Dei virtus est.

(p. 137)

Sentiment de désir. – Sans doute il faut travailler pour écouter la parole de Dieu, et in annuntiando, et in audiendo verbo Dei labor est, dit s. Pierre appliquant à la nourriture de l’âme ce que Dieu dit à Adam de la nourriture du corps. Il faut la désirer. Proinde si panis noster est verbum Dei, sudemus in audiendo, ne moriamur in jejunando. Il faut faire subir une sueur salutaire à notre âme, afin qu’elle entende ce qui lui fera peine.

(p. 139)

Estote autem factores verbi, non auditores tantum.

En descendant de cette chaire une pensée pénible m’accable. Je viens de distribuer la parole de Dieu, à qui profitera-t-elle? Pour qui sera-t-elle une parole de folie, pour qui sera-t-elle une parole de résurrection? Depuis longtemps vous l’écoutez, mon frère, cette parole et elle ne fait sur vous aucune impression. Elle vous invite à rentrer en vous-même et vous ne vous plaisez que dans les distractions; elle vous offre le tableau de vos prévarications, de vos chutes, de vos devoirs, et vous fermez les yeux; elle retentit à vos oreilles; elle frappe à la porte de votre coeur, et votre coeur est fermé pour elle. Jusques à quand, mon frère, résisterez-vous à la voix du Seigneur?

Mais je ne puis croire, me dites-vous. Non, non, mon frère, ce n’est pas de cela dont [= qu’il] s’agit. Vous pouvez croire, mais vous ne le voulez pas. Que dis-je? Non seulement vous ne voulez pas croire, mais vous ne voulez pas comprendre, car vous comprendriez les choses de Dieu, si vous vouliez. Mais vous ne voulez pas comprendre, de peur de bien agir, de régler votre conduite, vos moeurs, et c’est ce que vous ne voulez pas. Ah! quand vous le voudrez, vous comprendrez qu’il est temps et grand temps d’accomplir ce qu’elle vous commande. Mais quoi? me direz-vous. Mon frère, vous le savez. Cette pauvaise passion, cette habitude coupable. Point d’excuse, mon frère, vous savez ce qui vous est demandé.

Notes et post-scriptum
1. Un blanc considérable sépare ces mots des suivants dans le manuscrit.