Sept conférences sur la nouvelle prise de possession de la société par l’esprit chrétien. Cathédrale, 1873.

Informations générales
  • TD47.058
  • Sept conférences sur la nouvelle prise de possession de la société par l'esprit chrétien. Cathédrale, 1873.
  • Première Conférence: Nécessité de ramener la société à l'esprit chrétien. Conspiration universelle.
  • Orig.ms. CS 199; T.D. 47, pp. 58-62.
Informations détaillées
  • 1 CONSPIRATION
    1 ENNEMIS DE L'EGLISE
    1 ETAT
    1 HERESIE
    1 INDIFFERENCE
    1 LIBRE PENSEE
    1 PEUPLE DE DIEU
    1 PRINCIPES SOCIAUX DE L'EGLISE
    1 PROTESTANTISME ADVERSAIRE
    1 SOCIETE
    1 SOCIETES SECRETES
    2 BISMARCK, OTTO VON
    2 HERODE AGRIPPA I
    2 PIE IX
    2 PILATE
    2 RENAN, ERNEST
    2 SALOMON
    2 VACHEROT, ETIENNE
    3 ANGLETERRE
    3 ATHENES
    3 AUTRICHE
    3 EGYPTE
    3 ELEUSIS
    3 ESPAGNE
    3 ETATS-UNIS
    3 FRANCE
    3 ITALIE
    3 NIMES, CATHEDRALE
    3 PRUSSE
    3 ROME
    3 SUISSE
    3 TURQUIE
  • De la fin décembre 1872 à février 1873, le lundi.
  • Cathédrale de Nîmes.
La lettre

Que nous soyons en ce moment à l’une des époques solennelles, où les peuples se demandent où ils vont, qui en doute? En ce moment les catholiques ont bien le droit de se demander compte de leurs devoirs. J’ai cru utile de vous montrer la nécessité de vous occuper de cette question importante. Je viens vous dire, un de vos devoirs les plus importants est de vous appliquer à rendre la société chrétienne, et je m’appliquerai dans deux conférences à vous montrer cette nécessité.

Dans la première je m’efforcerai de vous montrer l’universalité de la grande conspiration contre l’Eglise et je m’appliquerai à en conclure la nécessité de vous jeter hardiment dans la mêlée.

Dans une seconde conférence je vous montrerai les symptômes d’espérance que nous avons, et nous serons encouragés par là à nous dévouer à l’oeuvre de Dieu.

Dans les conférences suivantes nous nous appliquerons à vous indiquer les moyens de rendre la société chrétienne.

1.

Universalité de la conspiration contre la société spirituelle.

Les ennemis à combattre sont de diverses espèces: les indifférents, les hérétiques, les libres-penseurs, les sociétés secrètes, les pouvoirs humains.

[A] Les indifférents.

Est-il bien vrai qu’il y ait des indifférents? Je vois bien un des vieux journaux se plaindre de la manière de faire intervenir partout la question religieuse. Mais le Journal des Débats, à qui j’emprunte cette lamentation, est-il aussi indifférent qu’il le dit? Pourtant il faut donner aux hommes les titres qu’ils s’attribuent.

Indifférents d’égoïsme, indifférents par intérêt, indifférents de plaisir, indifférents de paresse; mais tous ces indifférents sont condamnés par l’Eglise, ils sont forcés de la détester. Et, dans tous les cas, quel fond peut-elle faire sur eux? S’ils ne la condamnent pas par haine comme les Juifs, par politique comme Pilate, ils se moqueront d’elle comme Hérode, et dans tous les cas se réjouiront de sa mort comme d’un débarras pour leur conscience. Comptez à ce point de vue les indifférents et voyez quel en est le nombre.

[B] Les hérétiques.

J’en dirai peu de chose. Qu’est-ce qu’un hérétique par le temps qui court? Ce qu’on peut en dire de mieux, c’est que c’est un homme, qui, s’il est honnête, est fort inconséquent. L’hérétique logique repousse tout dogme et dès lors est un libre-penseur. Et, pour appeler les choses par leur nom, le protestant orthodoxe doit être fatalement battu par le protestant libéral. Et le protestant libéral n’est plus protestant, comme le ministre protestant libéral n’est plus ni protestant ni ministre. C’est tout au plus un professeur d’opinions plus ou moins religieuses, plus ou moins indéterminées, à qui je porte le défi d’enseigner autre chose que l’existence de Dieu, que je me chargerais de réduire à l’idéal de M. Vacherot.

Mais cependant le protestantisme français est quelque chose; le protestantisme suisse, le protestantisme anglais, américain, c’est beaucoup. Je parlerai plus tard du protestantisme prussien, et je m’arrêterai un moment pour vous recommander une oeuvre, un établissement d’éducation lorraine.

[C] Les libres-penseurs.

Mais je reprends l’enchaînement de ma pensée. Oui, il est très vrai, le protestantisme, du moins en France, est mort et les 500.000 protestants ne se sauvent de la libre-pensée que par l’inconséquence.

La libre-pensée, voilà dans le domaine des idées le véritable adversaire de l’Eglise. C’est la lutte de l’homme contre Dieu, lutte gigantesque et petite à la fois: gigantesque dans la durée et par tout ce que l’enfer lui prête de satanique, lutte de pygmées qui se dévoreraient entre eux, comme nos frères séparés dans le dernier synode. Mais la libre-pensée a quelque chose qui flatte: crois, pense ce que tu veux. Hélas! et vous savez que le grand argument est la conséquence du principe: crois ce que tu veux, afin que sans remords tu puisses faire ce qu’il te plaît. Et le nombre de ceux qui blasphèment la vérité divine pour repousser plus aisément la volonté de Dieu est grand.

Quels ennemis acharnés de l’Eglise les indifférents, les hérétiques, les libres-penseurs! N’est-ce pas là des forces terribles, formidables, humainement parlant invincibles? Que sera-ce si un pouvoir occulte vient les grouper et les diriger vers un but commun! Eh bien, ce pouvoir existe et j’ai nommé les sociétés secrètes.

[D] Les sociétés secrètes.

Quelle est l’origine des sociétés secrètes? L’homme a toujours aimé le mystère, et l’Egypte avait les siens, Athènes a Eleusis. Les Romains tremblèrent un instant devant les affiliés secrets. Et les francs-maçons qui font remonter leur origine jusqu’à Salomon, mentent évidemment, mais ne mentent peut-être qu’en partie.

Donner à certains détails des sociétés secrètes une importance qu’ils n’ont pas, c’est, je crois, entrer pleinement dans les intentions des chefs. Mais l’Eglise les a depuis trop longtemps condamnées, mais les effets manifestent trop des plans restés dans l’ombre tant que les ténèbres sont utiles à l’exécution, pour qu’il ne soit pas évident qu’il y a beaucoup et beaucoup à dire sur ces sociétés. Or quel est le but de toutes ces sociétés? Le renversement de l’Eglise. Qui pousse l’Italie contre Rome? Les sociétés secrètes. Voyez ce plan vaste et voyez le péril.

[E] Les pouvoirs humains.

Que dirai-je des pouvoirs humains? La Turquie et la question arménienne, la Russie qui est par derrière. – Ma préoccupation de la Russie. Possibilité qu’à un moment donné la Russie ne fasse comme l’Angleterre et ne laisse la liberté aux catholiques.

L’Angleterre. – La France. – Qu’ai-je à dire de ceux qui? [sic].

Qu’est-ce qu’un pays dont les chefs se vantent de protéger l’ordre matériel et abdiquent devant l’ordre moral? Que dirai-je de ces hommes qui veulent que leurs représentants offrent les mêmes hommages aux usurpateurs et aux victimes captives de l’usurpation? Oh! victimes qui portez sur le front un caractère divin, pardon au nom de la France! Heureusement un homme s’est trouvé qui a préféré s’éloigner de vous que d’être condamné à renouveler les génuflexions menteuses et les soufflets du Prétoire! Mais enfin si les ambassadeurs s’en vont avec gloire, ceux qui les ont envoyés et exigent d’eux des bassesses restent, et ce ne seront pas eux qui se chargeront de défendre l’Eglise.

La Suisse! Elle est petite, la Suisse, mais elle est habile et haineuse. Elle est forte, parce qu’elle a derrière la Prusse, l’empire allemand.

Je ne dirai rien de l’Autriche et des juifs qui la gouvernent.

Est-il évident qu’une question religieuse était, malgré les hommes, sous la guerre entre la Prusse et la France? Sous le coup des sociétés secrètes, la France victorieuse eût été condamnée à faire ce que fait la Prusse qui croit M. Bismarck. Je m’en occupe peu. Selon moi, il est des esprits germaniques qui ne croient à rien. Peu importe. Il a fait alliance avec les sociétés secrètes, il est poussé par elles. Voyez quel plan vaste, gigantesque, hypocrite. Eh bien, humainement parlant l’Eglise doit succomber.

J’ai réservé pour la fin du tableau l’Italie et son triste gouvernement. Je ne voudrais pas revenir sur la question des ambassadeurs. Mais convenez qu’il est facile de savoir ce qu’est un pouvoir, quand on croit devoir lui envoyer pour ministre diplomatique [un homme] qui insulte J.-C. et l’épiscopat français, au point qu’il ait besoin d’être rappelé au respect de l’Homme-Dieu et de nos évêques par M. Renan.

Turquie, Russie, Autriche, Espagne, Angleterre, Etats-Unis en tant que protestants, Suisse, Prusse, Italie, je cherche un seul gouvernement chrétien, je ne le trouve pas. Faut-il désespérer? Un instant. – Que des régimes abandonnent la foi, cela s’est vu; mais que l’univers entier l’abandonne, à moins que nous ne soyons arrivés à la fin des temps, cela est impossible.

Donc, mes frères,la multitude des ennemis, au lieu de nous décourager, doit inspirer notre confiance. L’Eglise s’en va sans les princes. Pie IX qui les connaissait était depuis plusieurs années déjà résolu à se passer d’eux et à renouveler la place déserte en convoquant la multitude. Millies [= Nullius] jam principis consensum [= consilium] expectare, sed tantum Dei omnipotentis voluntatem et christianae rei publicae utilitatem attendere constituimus.

Notes et post-scriptum