Sept conférences sur la nouvelle prise de possession de la société par l’esprit chrétien. Cathédrale, 1873.

Informations générales
  • TD47.062
  • Sept conférences sur la nouvelle prise de possession de la société par l'esprit chrétien. Cathédrale, 1873.
  • Deuxième conférence: Nécessité de rendre l'esprit chrétien à la société. Signes d'espérance.
  • Orig.ms. CS 200; T.D. 47, pp. 62-68.
Informations détaillées
  • 1 APOSTOLAT DE LA CHARITE
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 EPISCOPAT
    1 ESPERANCE
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 LIBERTE DE L'ENSEIGNEMENT
    1 MISSIONS ETRANGERES
    1 PRINCIPES SOCIAUX DE L'EGLISE
    1 SOCIETE
    1 TRIOMPHE DE L'EGLISE
    2 BISMARCK, OTTO VON
    2 BOSSUET
    2 HERODE I LE GRAND
    2 JOSEPH, SAINT
    2 LOUIS-PHILIPPE Ier
    2 LOUIS XIV
    2 LOUIS XV
    2 NABUCHODONOSOR
    2 NAPOLEON Ier
    2 NAPOLEON III
    2 NAQUET, ALFRED
    2 PAUL III, PAPE
    2 PIE IX
    2 ROBIN
    2 TAINE, HIPPOLYTE
    2 VICTOR-EMMANUEL II
    3 ALLEMAGNE
    3 BELGIQUE
    3 EGYPTE
    3 ESPAGNE
    3 ETATS-UNIS
    3 IRLANDE
    3 ITALIE
    3 NIMES
    3 PEERA
    3 PEROU
    3 RIO GRANDE CITY, EVECHE
    3 ROME
  • De la fin décembre 1872 à février 1873, le lundi.
  • Cathédrale de Nîmes.
La lettre

Je me suis proposé d’exciter votre zèle à rendre l’esprit chrétien à la société moderne. J’ai conclu de l’universalité de la conspiration à l’impossibilité que Dieu, qui abandonne quelquefois son Eglise sur quelques points de la terre, l’abandonnât partout.

J’ai cherché à faire ressortir la certitude du remède de l’étendue même du mal. Mais n’y a-t-il aucun symptôme de retour? J’en trouve un très grand nombre. Pour mettre de l’ordre, je les rangerai sous deux catégories, et si l’on trouve que je ne dis pas tout, on conclura a fortiori que j’ai raison. Je dis qu’il y a deux catégories de symptômes permettant d’espérer le triomphe de l’Eglise, les symptômes intérieurs et les symptômes extérieurs; je les développerai successivement.

1. Symptômes extérieurs.

1° L’Eglise est surtout dans son épiscopat. Or quand l’ensemble de l’épiscopat a-t-il présenté un spectacle plus admirable que de nos jours? L’épiscopat français dont il faut parler modestement sans doute. Mais qu’est- il, quand on le compare à l’épiscopat de cour de Louis XV, à l’épiscopat gallican de Louis XIV? Bossuet ne fut-il pas longtemps archidiacre d’un diocèse, dont l’évêque avait huit ans?

L’épiscopat espagnol est admirable dans sa foi, dans sa science, sa pauvreté noblement et grandement supportée, comme savent les Espagnols quand ils veulent faire quelque chose de noble et de grand.

L’épiscopat irlandais et anglais n’est dépassé dans ses développements que par l’épiscopat de l’Amérique du Nord.

L’Amérique du Nord avait pu gémir de ses défaillances, mais par les séminaires fondés à Rome pour le monde entier, [elle] a relevé ses ruines, et qui connaît l’évêque de Peera et l’archevêque de Rio Grande, sait de quoi ont pu être capables les apôtres.

L’Allemagne avec ses vieux catholiques a laissé craindre pour ses évêques. Oh! cela n’a pas eu lieu.

L’Italie souffre persécution, et Pie IX ne peut plus désigner un évêque pour ce pays sans examiner s’il sera capable du martyre.

Que dire des missionnaires apostoliques? Seulement, il y en a beaucoup.

2° Et que dire du clergé? Tous les jours il se retrempe et il se multiplie. Voyez les paroisses fondées, le zèle des curés excité, leurs travaux se multipliant. Que dire des vocations religieuses et chez les femmes et chez les hommes?

La fécondité dans les champs labourés depuis peu par la révolution.

Il y a aujourd’hui en plusieurs pays plus de religieuses qu’avant la révolution.

Quelles inventions!

Les Petites Soeurs des Pauvres!

3° Les bonnes oeuvres. Que ne font pas les laïques eux-mêmes! Quel génie ne plane pas sur le dix-neuvième siècle! Quels efforts pour les souffrances physiques! Quel zèle pour la maladie de l’âme!

Oeuvres de Saint-François Régis, de Saint François-Xavier, de Saint Vincent de Paul, de Saint François de Sales. – Oeuvre de la sanctification du dimanche. – Oeuvres de la Sainte-Enfance, des Ecoles d’Orient, de la Propagation de la foi, quel zèle, quelles moissons!

4° Les missions étrangères. Donner de l’argent, c’est beaucoup, mais se donner soi-même est bien autre chose. C’est ce que font les missionnaires et ils sont nombreux. Victor Emmanuel et M. de Bismarck en sont les grands pourvoyeurs par la suppression des Ordres religieux en Italie et en Allemagne. Ce qu’il y a de plus extraordinaire, c’est que les femmes s’y mêlent. Quel départ de missionnaires sans religieuses pour tenir les écoles et les hôpitaux! Et avant la fin de l’année, probablement, vous verrez une colonie de Nîmoises partir pour le Pérou.

5° Enfin et pour alimenter ce feu admirable, la liberté d’enseignement fait d’incontestables progrès. Si la liberté de l’enseignement secondaire produit les fruits que nous savons, que ne produira pas la liberté de l’enseignement primaire et supérieur! Or il faut l’avouer, nos adversaires nous aident puissamment, les uns par leur haine contre l’enseignement religieux, les autres par leur stupide naïveté d’enfants terribles, comme MM. Naquet, Taine ou Robin, qui nous rendent les plus grands services. Et ces gens parleront encore science.

Oui, l’épiscopat, le clergé, la multiplication des vocations, les bonnes oeuvres, les missions étrangères, les progrès par la loi d’enseignement montrent le zèle des catholiques d’un bout du monde à l’autre. Car sous une forme ou sous l’autre ces faits extérieurs, incontestables, se manifestent à peu près partout. Restent les symptômes intimes.

2. Symptômes intimes.

J’en pourrais indiquer trois, [dont] les sacrements plus pratiqués, mais je reste à deux: la proclamation de l’infaillibilité, l’affranchissement de l’Eglise.

L’infaillibilité. – On n’a pas assez observé l’étonnante situation des sociétés dans toutes les débauches de l’athéisme pratique au nom de la raison d’Etat, et la stupeur qu’ont dû éprouver certains hommes. Un évêque fameux avait dit que c’était inopportun. Rien n’est-il plus opportun, au contraire? Voilà une société formée par les membres de toutes les sociétés de la terre et qui dit à vous, hommes qui n’avez aucune croyance et rien que des intérêts: « Je donne pour lien à mes sujets la vérité et je l’enseigne infailliblement. Mon chef est infaillible ». Mais c’est à perdre l’esprit!

Or la conséquence: 1° la certitude de connaître la vérité;

2° la certitude de la condamnation de toute erreur nuisible au salut;

3° la lumière sur une foule de conséquences directes;

4° la lumière, à un moindre degré sans doute, sur les conséquences indirectes. – Le calme, la paix dans l’obéissance et la foi.

Et voyez comme ce fait, qu’il faut accepter pour être catholique, met immédiatement l’Eglise au-dessus de toutes les autres sociétés. De là leurs rugissements. Je bénis Dieu que les adversaires ne se soient pas trouvés en France. Ils sont en Italie, en Espagne, en Allemagne, dans tous les pays qui tendent la main à la révolution et que la Providence veut châtier.

Et vous ne comprenez pas que l’infaillibilité est un sceptre qui ne touche que les âmes! Ah! oui, mais vous qui au nom de votre positivisme, de votre déterminisme, de votre athéisme, de votre nihilisme, ne croyez pas plus à la conscience qu’à Dieu, vous ne voulez pas non plus accepter qu’on vous frappe. Et que vous importe pourtant! Non, non, vous avez le sentiment de votre faiblesse. Comme Voltaire, quoique vous en ayez, vous dites: Ecrasons l’infâme. Cet infâme vous remplit de terreur. Vous voulez comme Marnix de Sainte Aldegonde l’étouffer dans la boue. Je vous préviens que vous n’y réussirez pas, et c’est par cette dernière considération que je finis.

2° Affranchissement de l’Eglise. – Oui, l’Eglise est opprimée, persécutée. En bien des endroits l’épiscopat est traqué, les prêtres vexés, le Souverain Pontife est prisonnier. Oui, cela est vrai et cela est nécessaire, mais l’affranchissement se prépare. Est-ce qu’il n’est [pas] évident dans l’Amérique du Nord, en Angleterre, en Belgique. Et l’Espagne, et l’Italie, et l’Allemagne? Je vous l’accorde, je noircissais le tableau.

N’est-ce pas vous qui, il y a huit jours, parliez de conspiration universelle? – Oui, vous examinez. Quand l’infaillibilité fut décrétée, un orage épouvantable éclata. Le soir, le soleil se couchait dans un de ces magnifiques ciels d’Italie. C’est là ce que nous voyons. Et puis les trônes ont tremblé déjà: Napoléon Ier, Napoléon III, Louis Philippe comptaient, je pense, mourir aux Tuileries. Victor Emmanuel est-il sûr de mourir au Quirinal? Et son pauvre fils Amédée, qui voudra parier qu’il mourra à Madrid? Et Pie IX, me direz-vous? Convenez, qui que vous soyez, que ceux que je viens de nommer mourant chassés, aux yeux de l’histoire auront subi un châtiment; que Pie IX mourant sous le fer révolutionnaire, prisonnier au Vatican ou même expulsé, aurait une auréole de plus.

Mais non. Il y a longtemps que l’Eglise dit aux Etats, je veux être unie avec vous pour votre bien, mais vous m’abandonnez; moi, à mon tour, je vous abandonne. Et, en attendant, qui est grand comme Pie IX, qui est puissant comme l’épiscopat, sous l’épiscopat comme le clergé? Qui est fécond comme les bonnes oeuvres? Qui envoie d’un bout du monde à l’autre des missionnaires?

Mais voici le noeud. Il y a 300 [ans] que Paul III écrivait: Nullius jam principis consilium expectare, sed tantum Dei omnipotentis voluntatem, et christianae reipublicae utilitatem attendere constituimus. Eh bien, c’est là ce que depuis trois siècles ont fait les papes. Les pouvoirs humains se sont séparés d’eux, ils les lâchent et ils sentent, et depuis [17]93 vous voyez un mouvement universel.

Or un grand duel s’apprête: Bismarck et la révolution, Pie IX et la société chrétienne. Et vous voulez être sans espoir? Ah! vous verrez de mauvais jours, mais vous verrez le triomphe. C’est la révolution s’unissant à M. de Bismarck. Mais soyez rassurés, M. de Bismarck n’est pas plus puissant que Nabuchodonosor, et pendant trois ans Nabuchodonosor fut changé en bête. Vous en verrez bien d’autres et nos ennemis le sentent. Quel effet n’a pas produit l’allocution du Pape! Et la démission de l’ambassadeur? Ne sentons-[nous] pas le sol trembler sous les pas à propos de la question religieuse?

Nous célébrons l’Epiphanie. Ubi est qui natus est rex Judaeorum? Herodes turbatus est. Est-ce que nos chefs n’ont pas été troublés? Laissez faire. Joseph pourra, sans le consulter, conduire Jésus en Egypte. Mais le massacre des innocents sera une preuve des titres de Jésus comme Jésus. Son représentant pourra être mis à mort. Mais comme Jésus, elle [= l’Eglise] est immortelle, et si comme Jésus elle est mise à mort, elle ressuscitera le troisième jour. Et tertia die resurget.

Notes et post-scriptum