Sept conférences sur la nouvelle prise de possession de la société par l’esprit chrétien. Cathédrale, 1873.

Informations générales
  • TD47.072
  • Sept conférences sur la nouvelle prise de possession de la société par l'esprit chrétien. Cathédrale, 1873.
  • Quatrième conférence: Esprit chrétien dans la famille.
  • Orig.ms. CS 202; T.D. 47, pp. 72-76.
Informations détaillées
  • 1 BON EXEMPLE
    1 CARACTERE
    1 EDUCATION
    1 ENFANTS
    1 FAMILLE
    1 FOI
    1 FRANCAIS
    1 INTELLIGENCE
    1 MERE DE FAMILLE
    1 PARENTS
    1 PERE DE FAMILLE
    1 RESPECT
    1 SEVERITE
    1 SOCIETE
    2 BENOIT, SAINT
    2 MAISTRE, JOSEPH DE
    2 ROUSSEAU, JEAN-JACQUES
  • De la fin décembre 1872 à février 1873, le lundi.
  • Cathédrale de Nîmes.
La lettre

La révolution sait bien qu’un des plus puissants moyens de réaliser ses desseins, c’est de détruire la famille, de lui ôter l’esprit chrétien qui, depuis l’élévation du mariage à la dignité de sacrement, fait sa force et sa vie. Elle veut détruire l’esprit chrétien dans la famille pour l’anéantir plus sûrement dans la société. C’est pourquoi qui veut combattre pour la société doit combattre pour la famille, et qui veut combattre pour la famille, doit y maintenir à tout prix l’esprit chrétien.

C’est du maintien de l’esprit chrétien dans la famille que je m’occuperai aujourd’hui et lundi prochain. Aujourd’hui j’examinerai les conditions de l’esprit chrétien et les moyens de le conserver. Lundi j’examinerai les obstacles.

1. Conditions du maintien de l’esprit chrétien dans la famille.

Ce que l’esprit du mal veut surtout atteindre dans la famille, c’est l’enfant. Si elle lui donne l’esprit d’indépendance, de doute, si elle le pervertit dans son coeur et dans sa volonté, elle peut compter qu’elle aura un instrument de ses desseins et en tout cas un esclave. A l’indépendance, au doute, à la corruption du coeur et de la volonté, je dis qu’il faut opposer trois empreintes qui sont les conditions de l’esprit chrétien: le respect, la foi, le caractère.

1° Le respect.

La première condition pour imprimer le respect est d’être respectable. Je commencerai par un aveu plein de douleur, en général les pères sont moins respectables que les mères. C’est pourquoi je m’occuperai des mères, ce soir. Mesdames, il faut que vous soyez respectables, mais voyez comme cela est facile, si vous voulez remonter à la source du caractère paternel et maternel.

Je la trouve en Dieu même, de qui toute paternité découle. « Notre père », lui disons-nous, parce qu’il nous l’ordonne, et ce père, nous l’adorons. Tel est le respect qui lui est dû. Jean-Jacques a voulu faire des parents des amis. Oh! il y a une amitié, mais respectueuse, une amitié que les parents peuvent accorder, que les enfants ne doivent jamais usurper. En vous, mères chrétiennes, elle doit produire une sorte de culte, de la part de vos enfants, culte non pas idolâtrique, mais respectueux. « Père et mère honoreras », non pas tu aimeras. Ce n’est pas l’amour, c’est le respect que Dieu commande envers les parents. Et, des parents, ce respect s’étend à tous les supérieurs.

Mais pourquoi commencer par le respect? 1° Parce que Dieu le prescrit; 2° parce que les parents sont les premiers révélateurs de la vérité et du bien. Quels trésors reposent sur les lèvres maternelles! Toutes les idées qui en découlent, l’enfant doit les recevoir avec respect.

Respect des parents, horreur de la familiarité, respect du prochain, respect de soi-même, ainsi vous les préparez au respect de Dieu.

2° Seconde condition, la foi. Pour avoir le respect de Dieu, il faut le connaître. Telle est votre mission, [tel] votre apostolat, ô mères. Vous donnez le lait au corps, la vérité à l’âme. Travail admirable! C’est ce qui s’appelle vraiment élever, educere, educare. Du monde supérieur au monde inférieur vous êtes les précurseurs du sacerdoce. Faire connaître Dieu, Jésus-Christ, l’Eglise, sa cause, les devoirs. Que d’âmes perdues par une coupable négligence, par l’absence de surveillance! Dur labeur d’attention pour écarter le doute, les mauvais livres, les mauvaises conversations.

3° [Le] caractère.

Ne se plaint-on pas de ce qu’il n’y a plus de grands, de beaux caractères? Les païens ont eu les leurs, mais au fond c’était l’orgueil. Nous avions les nôtres, bien autrement supérieurs, les saints. L’affaiblissement des natures, de la famille, nous a donné l’enfant gâté. Quoi de plus affreux que l’enfant gâté? Et quand la gâterie par l’éducation est le prélude de la corruption par l’enseignement, que voulez-vous attendre?

On n sait rien refuser à l’enfant, on prend plaisir à le voir se déformer. Le caprice, les plaisirs coupables, les passions, les vices, toutes les infamies arrivent: Saevior armis.

Luxuria incubuit, victumque ulciscitur Orbem.

A qui la faute? A vous, mères faibles et volontairement incapables, qui d’occasions en occasions avez laissé pénétrer dans vos familles la gangrène morale. Quand nous rendrez-vous de vrais Français? Quand nous donnerez-vous des saints? Quand apprendrez-vous à vos fils à vaincre l’ennemi? Quand vous leur aurez appris à se vaincre eux-mêmes.

Où est la moralité et la probité? Où le devoir? Où l’honneur? Où la conscience? Tels sont pourtant les obstacles à la morale indépendante. Mais il faut croire à un bonheur supérieur à celui de la terre. Il faut croire à l’éternité, et, dans votre éducation, vous n’avez parlé et agi qu’en païens.

2. Moyens de ramener l’esprit chrétien dans la famille.

J’en signalerai trois: la fermeté, l’intelligence, l’exemple.

1° La fermeté.

La mère est portée à la tendresse, qu’elle s’en défie. La tendresse qui n’est pas christianisée est souvent le plus affreux poison pour l’enfant. Saint Benoît est représenté un doigt sur les lèvres, dans la main droite des verges. Il faut savoir commander sans souffrir la réplique; c’est l’obéissance fille du respect. Si l’on n’obéit pas, il faut savoir punir. Que de douleurs vous éviterez à l’enfant dans son avenir en le punissant de bonne heure!

Il faut surtout la persévérance. Pas de caprice, c’est la ruine de l’autorité. Instinct de l’enfant qui sent quand il l’emportera ou quand il lui faut céder. Ah! c’est alors que les sentiments puisés dans un ordre supérieur sont nécessaires!

2° Le second moye, l’intelligence.

L’intelligence n’est pas l’inspiration. Dieu nous garde des inspirées!

L’intelligence veut: 1° l’instruction, 2° l’observation, 3° la réflexion. L’instruction, oui, [à] chacun selon sa position. Que de mères perdent leur influence, parce qu’elles ne sont pas suffisamment instruites. Il faut vous instruire, il faut observer. Etude peu commune, excepté pour voir les ridicules du prochain. Observez, non avec impatience et colère, mais avec amour les défauts de vos enfants; vous les connaîtrez.

Il faut aller plus loin et réfléchir sur les remèdes à appliquer, sur la direction à donner. Rien de beau comme la mère intelligente étudiant ses devoirs dans les livres, dans son crucifix, dans son coeur, dans l’âme de ses enfants, combinant avec cette qualité qui est aussi une vertu, avec le tact maternel, ce qu’il faut dire, ce qu’il faut taire, ne se comptant pour rien, mais sous l’oeil de Dieu comptant ses enfants pour tout, patiente, parlant quand il convient, puisant dans les trésors de l’intelligence divine.

3° Mais de tous les moyens le plus puissant c’est l’exemple. Exemplum dedi vobis.

C’est le travail constant des parents chrétiens. Vous le devez pour vous, pour votre mari qui trop souvent ne le donne pas. Oui, verba movent, exempla trahunt. Mais quoi, direz-vous: « Je connais la réponse de mon fils. Ma mère agit ainsi, parce que c’est une dévote ». D’abord vous avez des filles; elles peuvent vous imiter. Puis vos fils voient votre fond. Allons, êtes-vous franchement des saintes? L’esprit chrétien c’est l’esprit de sacrifice. Qui se sacrifie? Qui se donne? Qui s’immole aujourd’hui? Vous avez les pratiques, vous n’avez pas l’esprit de la vraie dévotion. Pourtant l’esprit chrétien est là. Pour moi, je ne connais rien de puissant comme la mère forte, patiente, donnant toujours la première l’exemple des vertus chrétiennes dans l’oubli d’elle-même et l’abnégation. Son fils pourra s’égarer, il reviendra.

Et le père? Je veux pour le moment le supposer absent; il n’est pas là. Et s’il est scandaleux? Eh bien c’est le triomphe de la mère dans la douloureuse solitude qui trop souvent lui dit de faire seule le travail de deux. Elle prêchera d’exemple pour elle et pour les autres. Elle dira à Dieu: « Père de mes enfants, qui êtes anxieux! » Comprenez-vous que c’est là l’esprit suprême de l’esprit chrétien? Par la mère il triomphera dans la famille.

Mais aussi vénération du jeune homme, même égaré, pour sa mère. Vous avez, mes soeurs, d’admirables devoirs à remplir, vous avez à faire l’homme, comme disait M. de Maistre. Ramenez le respect dans vos familles, et par vos familles dans la société. Sauvez la foi. Donnez-nous de grands et beaux caractères. Soyez fermes, intelligentes, montrez-nous l’exemple des vertus trop oubliées, que votre vie soit une prédication vivante!

Grande bataille: la révolution et l’enfer, d’une part, veulent nous enlever les jeunes générations. L’armée des mères chrétiennes et l’armée des anges gardiens luttent pour sauver les âmes des enfants. Il s’agit de la destruction de la famille et de sa résurrection, de la destruction ou de la résurrection de la société. A vous, Mesdames, pour la grande part, à vous de décider.

Notes et post-scriptum