Après 1873

Informations générales
  • TD47.084
  • [Notes d'un mois de Marie]
  • Orig.ms. CS 207-208; T.D. 47, pp. 84-104.
Informations détaillées
  • 1 ANNONCIATION
    1 APOTRES
    1 COMPASSION DE LA SAINTE VIERGE
    1 CROIX DE JESUS-CHRIST
    1 DIEU LE FILS
    1 DIEU LE PERE
    1 HUMILITE DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 MAGNIFICAT
    1 MERE DE DIEU
    1 MOIS DE MARIE
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 PERFECTIONS DE MARIE
    1 PIETE
    1 PROGRES DANS LA VIE SPIRITUELLE
    1 PUISSANCE DE LA SAINTE VIERGE
    1 PURETE DE MARIE
    1 PURIFICATION
    1 REDEMPTION
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 TRINITE
    1 VOCATION
    2 ELISABETH, SAINTE
    2 MASSILLON, JEAN-BAPTISTE
    2 PAUL, SAINT
  • Après 1873
La lettre

I. Esprit de ce Mois de Marie.

Le monde prêche les passions. Jésus-Christ prêche les vertus par sa mère. Le monde prêche plus que jamais la destruction du christianisme. Plus que jamais il faut faire un monde chrétien. Si jamais une occasion s’est présentée de faire le mois de Marie avec ferveur, c’est le moment où la Sainte Vierge semble vouloir combler la France de ses grâces par les miracles qu’elle y opère. Quand avons-nous eu plus de prodiges que de nos jours?

Le but de la perfection est l’union à Dieu. Cette union se réalise par la charité envers Dieu et envers le prochain: tout ce qu’il y a à faire aujourd’hui pour procurer la gloire de Dieu en nous par notre sanctification, et hors de nous par le travail du salut des âmes.

Le but est de montrer en face du monde et de sa vie matérielle, charnelle, incrédule, immorale, la créature la plus pure et l’opposition des mobiles qui président à la vie.

1° Relever la piété.

2° Fortifier la foi.

3° Avertir des périls.

4° Réveiller votre zèle.

5° Indiquer les moyens d’action surnaturelle.

[Autre division] : 1° Indiquer les périls; 2° Offrir les remèdes, et pour cela: 3° réveiller le zèle, 4° par la foi, 5° par l’esprit de Marie.

Sollicitations de Marie.

II. Marie modèle de la vraie piété.

Pietas ad omnia utilis est.

Voilà, mes frères, ce que le monde ne voudra jamais comprendre. Voyez l’ensemble de la vie de Marie. Tout y semble commun, ordinaire; tout y est admirablement parfait. Qu’est-ce que la piété? Après tout c’est le culte de Dieu, et le culte de Dieu a toujours voulu des victimes. Victimes figuratives, victimes parfaites, victimes d’initiation.

Vadam, et videbo visionem hanc magnam.

Vigilance que Marie exerce sur elle-même. Précautions.

Pénitence. « Vos passions, dit Massillon, ne sont qu’à demi-éteintes, tandis qu’elles ne sont pas encore punies ».

Progression. « Il n’y a pas loin entre la vertu qui se repose et la vertu qui s’égare » (Massillon).

Volonté personnelle dans la piété, danger énorme.

Pietas cultus Dei est, nec colitur nisi amando. Et Bossuet ajoute: « Le caractère de Dieu, c’est de ne rien exiger de sa créature, sinon qu’elle l’adore par un saint amour ».

« Il est de la dignité du premier être d’être le premier à aimer et d’attirer les affections par une bonté surabondante ». Bossuet.

Mais envers les créatures elle (Marie) a la piété de Dieu envers ses enfants, et sa piété consiste à leur obtenir des dons. En doutez-vous? Pourquoi dites-vous: « Pieux Seigneur Jésus, donnez-leur le repos éternel ». Et sentez-vous comment cette piété, imitatrice de la piété de Dieu envers les hommes, ses enfants, de la miété de Jésus envers les hommes, ses frères, doit remplir le coeur de Marie envers les hommes, ses frères et ses enfants? Et vous rendez-vous compte de ce que doit être votre piété envers Dieu, envers les hommes?

Pietas ad omnia. Je veux d’abord proposer Marie comme modèle de piété.

Qu’est-ce que la piété? La piété est une vertu, par laquelle nous sommes reconnaissants à ceux à qui nous devons quelque chose, ou avec qui nous avons quelque chose de commun par rapport à notre existence.

Il y a la piété envers la patrie, dit saint Thomas. Ceci est de la vieille théologie catholique, avant que la Marseillaise ne vînt nous parler de l’amour sacré de la patrie. Il y a la piété envers les parents, ce qu’on appelle la piété filiale. Il y a la piété envers Dieu, notre crréateur, et qu’on appelle aussi la vertu de religion. Mais il y a aussi la piété envers Dieu considéré comme notre père, et cette piété n’est plus une vertu. C’est beaucoup plus, c’est un don, c’est le don de piété: spiritus scientiae et pietatis.

Or la piété considérée ainsi, non seulement remonte vers son principe qui est Dieu, mais commence par en descendre. Oui, même pour la sainte humanité du Sauveur: Requiescet. En Dieu, elle ne fait que descendre, puisqu’il n’y a rien de plus élevé que Dieu. Donc la source de la piété, c’est le coeur paternel de Dieu s’épenchant d’abord vers son fils: Dominus dixit ad me: Filius meus es tu, et s’épenchant vers ses créatures. Et, en effet, c’est Dieu qui nous a aimés le premier: Ipse prior dilexit nos. La piété de Dieu, c’est son amour de père pour nous. Ici-bas les parents aiment leurs enfants, avant que les enfants ne les aiment. Et Bossuet s’écrie: « Il est de la dignité du premier être d’être le premier à aimer, et d’attirer les affections par une bonté surabondante ».

Mais si Dieu nous attire par sa piété paternelle, nous devons nous laisser attirer par une piété filiale dont nous sommes incapables par nous-mêmes, mais qui est un don du Saint-Esprit. Pietas cultus Dei est, nec colitur nisi amando, dit saint Augustin. Et Bossuet: « Le caractère de Dieu, c’est de ne rien exiger de sa créature, sinon qu’elle l’adore par un saint amour ». L’adoration par l’amour, voilà la piété envers Dieu.

Or Marie à quel degré adore-t-elle? A quel degré aime-t-elle? La foi la pousse à l’adoration. La grâce la pousse à l’amour, qui dira la perfection de sa foi, qui dira la perfection de son amour, [illisible] de sa piété.

III. Marie, image la plus parfaite des perfections de Dieu.

Faciamus hominem ad imaginem et similitudinem nostram.

Adam, créé à l’image de Dieu, déforme la ressemblance. De toutes les créatures, Marie est celle qui est le plus faite à l’image de Dieu. Et c’est ce que je veux étudier dans une première réflexion. Mais Marie, image de Dieu, est un très excellent modèle pour nous, par cela même que c’est une créature. Etudions:

1° Comment Marie est l’image des perfections de Dieu.

2° Comment nous devons nous rendre les images de Dieu, à l’imitation de Marie.

[Première partie: Marie image des perfections de Dieu.]

1. Dieu, être des êtres. Marie recevant une surabondance d’être.

Je suis celui qui suis. Ego sum qui sum. Qui est misit me ad vos. Il faut remonter à un premier être, car s’il n’y avait pas un premier être, il n’y en aurait pas un second. En vain on parle de forces. Est-ce quelqu’un peut donner ce qu’il n’a pas? Donc tout ce qui est a besoin de recevoir l’être du premier des êtres.

Tout être, en dehors de Dieu, a reçu l’être. Mais Dieu a pu le communiquer comme il l’a entendu. Et Marie l’a reçu plus abondamment. Et elle l’a reçu de deux façons:

1° Dans l’ordre de la nature. Dieu s’est préparé une mère.

[2°] Pleine de la vie surnaturelle.

2. Dieu, bien infini. Perfections qui se trouvent en Marie.

Mais Dieu n’est pas seulement l’être par excellence, ou plutôt étant l’être par excellence il est le bien infini.

Bien infini, il se suffit à lui-même. Dans la jouissance de ce bien, il trouve son bonheur. Mais cette perfection du bien, il veut la communiquer à toute créature. Et de toutes les créatures, la plus douée de perfections c’est Marie. Ave, Maria, gratia plena. Quae est ista quae progreditur… pulchra ut luna? La lune réfléchit les perfections du soleil, Marie réfléchit les perfections de Dieu. Cherchez-les elles sont infinies en Dieu, elles sont ineffables en Marie.

3. Dieu, vérité éternelle. Lumières de Marie.

Si pourtant nous pouvons examiner quelque chose de ces perfections divines, nous devons dire que Dieu, très pur et parfait esprit, contient en lui la vérité infinie qui est Dieu (= lui-même). Or cette lumière divine, qui est le Verbe, est au monde des intelligences ce que le soleil est aux corps.

Marie en est le très admirable réservoir. Cette vérité divine, Dieu de Dieu, lumière de lumière, elle reposera neuf mois dans ses chastes entrailles. Qui peut dire ce qu’elle y déposera de lumières? Ici je ne parle pas des lumières que Marie reçoit pour les communiquer, mais des vérités qui lui sont accordées pour s’en illuminer.

Temple illuminé pendant la nuit. Au-dehors, tout ténèbres; au-dedans, tout éclat.

4. Dieu, justice substantielle. – Justice originelle en Marie.

Dieu, vérité, est l’ordre infini, principe de l’ordre, principe de la règle, de la loi, source de la justice par sa sagesse.

Or cette sagesse, Marie en est le trône: sedes sapientiae. Et Marie, trône de la sagesse éternelle, en reçoit la plus haute participation à la justice, par laquelle nous sommes agréables à Dieu.

C’est en Marie que la sagesse divine a habité; et cette sagesse ne se sera pas communiquée à Marie avec ce que j’appellerai les harmonies de sa justice? En Marie tout est sage, tout est dans l’ordre, tout est juste, et, à la différence du premier père, Marie conservera cette justice.

4[bis]. Dieu, trois fois saint. Sainteté de Marie.

Mais l’ensemble des perfections de Dieu, c’est la sainteté. Sanctus, Sanctus, Sanctus. Qui dira ses perfections? Etudions-les en Marie.

Quelle vertu lui a manqué? Quelle perfection lui a été refusée? Que Dieu puisse faire plus, je ne l’examine pas. Ce qui est certain, c’est qu’il n’a pas fait plus qu’en Marie et que Marie a correspondu à tous les dons de Dieu.

5. Puissance de Dieu. – Puissance de Marie.

J’ai réservé un attribut de Dieu, la puissance. Par cet attribut il est créateur des mondes, de l’univers, de tout ce qui existe et qui n’est pas Dieu. Il est le créateur du monde de la grâce et de toutes les merveilles qu’il produit dans les êtres choisis, élus pour la gloire.

Or, puisque Jésus est Dieu, il faut dire que de toutes les pures créatures aucune n’a été l’objet des efforts de la puissance divine comme Marie. Elle a reçu tout ce que dans l’ordre naturel et surnaturel une créature a jamais reçu de Dieu, même une participation à la puissance divine du mystère de la rédemption, au mystère du salut des âmes par son intervention.

[Seconde partie] : A l’imitation de Marie, nous devons nous rapprocher de Dieu et lui ressembler.

1° Par un accroissement de vie surnaturelle. Eh oui, de nous-mêmes nous ne pouvons rien, mais nous pouvons devenir de plus en plus semblables à Dieu par un accroissement de vie surnaturelle. Oui, il faut faire un effort.

Par la destruction du péché et de ses affaiblissements.

2° Par la poursuite du bien véritable. Dieu le tient à notre disposition [illisible] et en devenant ici-bas bons de la bonté de Dieu.

3° Par l’amour de la vérité et la foi, par le culte de la vérité, par le développement des vérités surnaturelles en nous, par l’adhésion de notre intelligence et par son élargissement constant.

4° Par la pratique de la loi. La loi de Dieu est la manifestation de la justice éternelle. Nous aussi nous avons à accomplir toute justice en accomplissant la loi, et, à proprement parler, c’est ainsi que nous restaurons en nous les traits effacés de notre ressemblance avec Dieu.

5° Par l’accroissement de la bonté. Or en devenant justes, nous devenons meilleurs, et non seulement nous nous approchons du bien suprême qui est Dieu, mais à son exemple nous devenons bons.

6° Par la perfection de la sainteté. Nous devenons saints…

IV. Marie prédestinée. Conception.

Pourquoi Marie prédestinée? Par le même motif que vous l’êtes. Et pourquoi l’êtes-vous? Elegit nos in ipso ante mundi constitutionem, ut essemus sancti et immaculati in conspectu ejus. Je suis prédestiné:

1° Parce que Dieu l’a voulu.

2° Parce que Dieu, qui est l’intelligence infinie, a tout disposé avec une immense intelligence.

3° Comme nul ne sera damné que par sa faute, parce que j’ai concouru à la grâce qui m’était offerte; en sorte que si je me damne, c’est ma faute.

Et comment Marie prédestinée a-t-elle correspondu à la grâce? Comment dois-je y correspondre?

Fidélité de Marie. – Quelle est ma fidélité?

Expliquons-nous. – Savez-vous ce qui vous manque pour être prédestiné? C’est l’horreur du péché, c’est de ne pas comprendre combien le péché est horrible. En effet, le sentiment s’en perd.

Marie, mère d’un Fils qui est avant elle, et qui par conséquent a pu fixer d’avance les privilèges de sa mère.

« A quelle autre pensez-vous qu’il donnerait plus de part à son sang qu’à celle de qui il a tiré tout son sang? ». Bossuet.

[Autre canevas du même sujet.]

Conception de Marie. Sa prédestination.

Dominus possedit me ab initio viarum suarum, antequam quidquam faceret a principio.

1° Ordre de la création: Jésus-Christ, Marie, les Saints. Or il convenait que celui qui venait détruire le péché par son sang, le reçût d’une mère dont le sang n’eût été souillé par aucune concupiscence.

Mais de même que Jésus est la pureté infinie par nature, Marie est la plus grande pureté créée par grâce.

2° Mais enfin elle était prédestinée de toute éternité. Et pourquoi était-elle prédestinée? Par le même motif que vous l’êtes. Or pourquoi êtes-vous prédestiné? Cherchez, vous ne pouvez en trouver d’autre cause que sa volonté (de Dieu).

Mais, direz-vous, ceci est de l’arbitraire. Prenez garde. En Dieu, d’où découle la volonté? De son intelligence. Une volonté infiniment parfaite est en Dieu l’écoulement d’une intelligence infinie. Voluntas consequitur intellectum. Et voilà la justification de la prédestination.

3° Pourquoi Marie conçue sans péché est-elle montée si haut? Parce qu’elle a correspondu. Adam créé dans l’innocence n’a pas correspondu; il est tombé. Moi, je suis conçu dans le péché, mais baptisé; je puis correspondre. Donc je puis être sauvé et de plus être un saint.

Fidélité de Marie. – Quelle est ma fidélité? Ah! quand j’aurai l’horreur du péché, le désir de ma perfection, qui peut dire jusqu’où je m’élèverai? Ah! sans doute on peut dire avec Bossuet: « A quelle autre pensez-vous qu’il donnerait plus de part à son sang qu’à celle de qui il a tiré tout son sang? ». Mais enfin il a de son sang pour tous.

IVbis. [De l’Immaculée Conception.]

Ecce enim in iniquitatibus conceptus sum, et in peccatis concepit me mater mea.

Une question se présente. Marie a été conçue sans péché. Doctrine très consolante; mais pourquoi a-t-il fallu plus de dix-neuf siècles pour la faire éclore? Question très grave, sur laquelle j’ai à vous donner des explications.

La définition du dogme de l’Immaculée Conception n’avait, dit-on, aucune raison d’être. En effet, cette pieuse croyance n’était pas attaquée, et jusqu’à présent l’Eglise n’a défini que les vérités niées par les hérétiques de l’époque. Eh bien, il faut montrer que l’erreur capitale du jour, celle qui amène toutes les révolutions modernes, c’est la négation du privilège de la Sainte Vierge. Faut-il vous le montrer? Rien de plus simple.

Qu’est-ce que le dogme de l’Immaculée Conception? C’est la proclamation d’une exception glorieuse, accordée à la mère de Dieu au milieu de la souillure universelle du péché originel. Or le dogme qui va le plus contre la doctrine révolutionnaire, c’est le péché originel; et en proclamant l’Immaculée Conception on proclame le péché originel, on condamne le principe révolutionnaire dans sa source.

Plusieurs de ceux qui m’écoutent ne comprennent rien, à coup sûr, à ce que je dis en ce moment. Rien de moins surprenant. Qui comprend aujourd’hui quelque chose à l’enchaînement des dogmes catholiques? C’est pourquoi il faut l’expliquer.

Sur quoi repose la doctrine révolutionnaire? Le premier axiome est celui-ci: « L’homme est né libre et partout il est dans les fers ». Non, l’homme ne naît pas libre. Il naît esclave de sa faiblesse, il naît avec d’incontestables besoins. Et ces besoins, la société les apaise, et c’est ainsi qu’elle lui crée des obligations, mais sans en faire un esclave. L’homme naît esclave de l’ignorance, de la concupiscence et de la faiblesse qui sont les fruits du péché originel.

Rousseau a dit encore: « L’homme naît bon, et la société le déprave ». Eh bien, de même que le premier axiome met tous les individus en révolte contre leurs semblables, ce second axiome suppose une bonté originelle non moins fausse. Depuis le péché du premier père, ce qui est à l’origine de tout homme, ce n’est pas la bonté, c’est le péché. Ecce enim.

Mais si l’homme naît non pas libre, non pas esclave, mais dépendant et en même temps coupable; pour atteindre sa destinée il n’a pas à murmurer contre celui qui lui a imposé ces prétendus fers, il faut suelement qu’il accepte un pouvoir protecteur, il faut qu’il accepte la subordination, la dépendance. Dépendance qui n’est nullement l’esclavage et qui n’est nullement la tyrannie, mais la hiérarchie.

Et ici se présente le dogme catholique avec l’enchaînement des êtres entre eux: Dieu, les anges, l’homme. – L’homme avec la hiérarchie de la famille, l’Etat; avec cette différence c’est que si l’homme est libre du premier coup, il est indépendant, il se révoltera contre son père et sa mère, contre toute autorité, contre Dieu lui-même. Et, au contraire, tout pouvoir vient de Dieu, et c’est parce qu’au commencement l’homme s’est révolté contre Dieu qu’il a contracté le péché d’origine.

Mais parce que l’homme s’est révolté contre la loi de Dieu, faut-il conclure que Dieu l’a exempté de la loi? Cette conclusion serait absurde. Donc l’homme naît à l’état de criminel révolté, mais soumis à la loi. Et comme de nos jours la négation de cette révolte était plus répandue, il a fallu une proclamation de la révolte du péché originel plus solennelle.

V. Marie et la Trinité.

Fecit mihi magna qui potens est.

Ce que la Trinité a versé de merveilles dans l’âme de Marie, Marie seule pourrait le dire. Aussi suis-je dans un étrange embarras pour raconter ces premiers instants, où Marie conçue sans péché et douée des dons les plus parfaits que Dieu ait jamais accordés à une créature, entre dans la plénitude d’un développement miraculeux en communication avec cette Trinité adorable. Si je parle de la plus admirable des créatures, qu’en dirai-je qui fasse comprendre l’étendue des dons qu’elle a reçus? Si je parle des dispositions du Très-Haut envers elle, je sais par le Saint-Esprit que de très grandes choses ont été accomplies dans son intérieur.

Essayons pourtant et disons ce qu’il est permis à la pensée humaine de concevoir de la manière dont Dieu le Père lui donne le pouvoir, Dieu le Fils l’intelligence, Dieu le Saint-Esprit l’amour.

1. Dieu le Père accorde à Marie le pouvoir.

Que l’adorable Trinité ait voulu verser en Marie l’abondance de ses dons, qui en pourrait douter? Déjà nous en avons touché quelque chose, quand nous avons parlé de la manière dont Dieu avait créé à son image la mère du Sauveur des hommes, mais il faut encore approfondir ce mystère. Ainsi le Père, dont elle est la fille privilégiée, lui accorde certainement quelque chose de ce pouvoir qui fait qu’il est le privilège de tout.

Qu’est-ce que ce pouvoir? Qui peut le dire? Il se manifeste d’une manière imparfaite à travers les ombres de la création. Mais ce pouvoir immense, infini, qui est la substance de Dieu, qui l’a vu? Qui le comprend? Qui s’en fait une idée? Ce pouvoir d’être qui se traduit dans le pouvoir d’agir. Dieu agit de lui-même, et l’acte le plus admirable qu’il accomplisse est d’engendrer un Dieu: Ex utero ante luciferum genui te. Or c’est là le pouvoir accordé à Marie. Le Verbe divin engendré de toute éternité. Le pouvoir de Marie d’enfanter dans le temps l’Homme-Dieu. Et ce pouvoir est un pouvoir communiqué, mais aucune créature n’a eu un semblable pouvoir.

Maintenant faisons deux parts de ce pouvoir en Marie: son pouvoir extérieur – nous en parlerons un autre jour – et son pouvoir intérieur. En quoi consiste-t-il? A imiter Dieu dans la mesure où il est dit: « Soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait ».

Travail de perfection de Marie. Qui le comprend? Qui s’en rend compte? Oui, il est très vrai que pour devenir parfaits il faut un très grand pouvoir sur soi-même. Quels actes de vertus n’a pas accomplis Marie? Et elle ne s’est pas contentée de cela. Elle a reçu le pouvoir d’être non seulement la fille, mais la mère de Dieu. Quotquot autem receperunt eum dedit eis potestatem filios Dei fieri.

Marie non seulement fille, mais mère. Nous ne sommes que des fils sans doute, mais nous pouvons le devenir. Quotquot autem… Devenons-le.

2. Dieu le Fils répand en Marie sa sagesse.

Quand le soleil disparaît le soir à l’horizon, éteint-il pour cela sa lumière? Evidemment non. De même Dieu, parce qu’il se cache aux hommes, n’en est pas moins la lumière des intelligences. Et lorsque par une journée d’orage les nuages semblent l’envelopper, le soleil n’en porte pas moins un admirable éclat. Mais alors ses rayons s’arrêtent dans les nuées. Tout cela est très imparfait pour nous faire comprendre que la lumière divine ne peut pas toujours être saisie par nous. Cependant nous en recevons quelque chose, et plus nos yeux sont purs, plus notre être est lumineux. Si oculus tuus fuerit simplex, totum corpus tuum lucidum erit.

D’autre part, Jésus-Christ dit: Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt. Or qui a eu le coeur plus pur que Marie-Immaculée? Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te. Aucune âme ne fut mieux préparée pour recevoir la lumière divine. C’est pourquoi quelques théologiens examinent si Marie n’a pas joui de la lumière béatifique, et plusieurs répondent affirmativement. Il faut convenir dans tous les cas que la Vierge, mère de celui qui a dit de lui-même: Je suis la lumière du monde, ego sum lux mundi, l’a reçue elle-même avec surabondance; et même avant qu’elle ne s’incarnât dans son sein, aptitude de Marie à recevoir la vérité.

Beauté que la lumière faisait resplendir en Marie. Admiration de Marie, à mesure qu’elle connaissait Dieu davantage. Embellissement qu’elle se procure pour être plus agréable à Dieu.

Vie de contemplation de Marie. Quelle doit être notre vie de contemplation? Dans l’étude de la vérité.

IX. Présentation de Marie. Chasteté.

Elegit eam Deus, et praeelegit eam, in tabernaculo suo facit habitare eam.

Consécration de Marie. Ce que c’est que cette vocation. De la part de Dieu il y a un appel. Ceci est incontestable.

Or il y a toujours divers degrés: in domo patris mei mansiones multae sunt. Il y a des degrés. Le plus parfait de tous, Marie.

Elle s’offre. A quoi? Elle se donne à Dieu. Elle se dépouille de toutes les pensées de la terre. Elle veut vivre pour Dieu.

Ordre de Dieu dans les anges. Ordre de Dieu dans les élus. Ordre de Dieu dans les appels.

Quelle est la correspondance? Pureté. – Toujours plus haut. Or, aux époques de plus grand affaissement, on peut dire qu’il y a une sainte réaction de perfection.

[Présentation de Marie. – Autres notes.]

Elegit eam Deus, et praeelegit eam, in tabernaculo suo habitare facit eam.

Merveilles de la vocation et des divers degrés de la vocation. Parlons:

1° De l’ordre général des vocations.

2° Des prodiges de la vocation de Marie.

1. Ordre général de la vocation.

Dieu veut établir de l’ordre dans l’univers. Il veut en établir dans le ciel. Les hiérarchies angéliques. Pas un ange qui ressemble à un autre ange: ils sont tous semblables et tous inégaux.

Sur la terre la même chose. Et pour les hommes ce sera la même chose dans le ciel.

Dieu appelle, il accorde des grâces diverses. Dieu, sans doute, a tout fait pour lui. Mais il est das natures qu’il se réserve; il se les choisit, il les veut.

Il y a des combats. Saule, Saule, quid me persequeris? Si je prends dans la loi nouvelle, que dirai-je des apôtres, des martyrs, des docteurs, des saints prêtres, des vierges?

2. Prodiges de la vocation de Marie.

Mais entre toutes les vocations, la plus admirable c’est Marie. Nous en avons assez parlé à ce point de vue. Je veux étudier sa correspondance au moment où elle se présente au Temple. Elle entend la voix, elle obéit. Dieu l’appelle, elle répond.

Moment mystérieux, solennel dans une jeune âme, qui sent que Dieu la veut pour elle.

Quelles ont été, à cette heure, les lumières de Marie? Comme Noé, elle a vu le monde corrompu. Comme Abraham, elle a entendu: Egredere. Comme Moïse, elle a vu cette séparation d’avec les païens et la règle plus parfaite. Comme David, elle a compris la nécessité de conquérir la royauté. Comme les Macchabées, elle a vu qu’il lui faudrait lutter. Comme le Précurseur, elle a vu qu’il lui faudrait être l’aurore dont Jésus-Christ était le jour.

Elle a compris que Jésus-Christ la voulait pour elle. Elle a dit: Dilectus meus mihi, et ego illi. Elle a vu ce qu’était la consécration absolue et elle l’a acceptée. Elle vit aussi les âmes pures, saintes, éprises de la sainteté, qui voudraient la suivre. Et c’est là le perpétuel travail.

Certaines personnes n’y comprennent rien, et c’est une très grande consolation. Cette inintelligence a été indiquée par Jésus-Christ. Non omnes capiunt verbum istud. Ah! vous ne comprenez pas! Pourquoi votre inintelligence se dresse-t-elle contre ceux qui comprennent?

Maintenant, quelle que soit votre vocation, mes frères, sentez-vous le besoin de vous donner? Pensez-y et voyez ce que vous pouvez faire, si vous le voulez.

Inveni quem diligit anima mea, tenui eum, nec dimittam.

XII. Marie et l’Annonciation.

1° La préparation à ce mystère: a/ par la consécration de Marie; b/ par la solitude; c/ par la prière.

2° L’offre du mystère, de la part de Dieu. Dispositions éternelles pour que Marie fût mère de Dieu. Dispositions éternelles sur chaque chrétien.

3° Acceptation de Marie, obéissance. Attende ancillam istam castam et virginem et matrem. S. Augustin.

Commune mundi gaudium peculiari munere sola possides. Saint Eucher.

Pourquoi l’Annonciation? Ut genus humanum morti adstrictum per virginem, salvaretur per virginem. S. Jérôme. – Ut quod per ejusmodi sexum abierat in perditionem, per eumdem sexum redigeretur in salutem. Tertullien.

Ce que peut faire une vierge chrétienne en union avec Marie. Per foeminam mors, per foeminam vita, per Evam interitus, per Mariam salus. S. Augustin. Deux fécondités, dit Bossuet: celle de la nature, celle de la charité; la seconde, plus excellente, c’est celle des prêtres à l’imitation de Jésus, et des vierges à l’imitation de Marie. Et la source en est en Dieu.

Jésus donné par Marie. Jésus donné par le prêtre. Jésus donné par la Vierge. Humilité de Jésus attirée par l’humilité de Marie. Voulez-vous attirer Jésus, soyez humbles. De même que l’orgueil l’éloigne, l’humilité l’attire. Attirons-le par l’humilité.

Amour de Jésus pour la solitude. Le sein de Marie.

Celui qui a fait le premier Adam d’un seul trait, ne pouvait-il pas de même faire le second? Nullement. Dominus creavit novum super terram: foemina circumdabit virum. Quelle est cette nouveauté? Est-ce si extraordinaire que la formation d’un homme dans le sein d’une femme? Oui, de la façon dont cette formation s’opère en Marie.

XIII. Marie et Elisabeth.

Marie et Elisabeth, modèles des relations des âmes chrétiennes entre elles. Mais je veux m’élever plus haut et examiner avec vous cette question: Elisabeth, figure de la loi ancienne; Marie, figure de la loi nouvelle.

XIV. Raison d’être de Marie. (Magnificat).

La gloire de Dieu. Heureuse l’âme, qui, dans quelque position que Dieu lui fasse, n’a d’autre but et dit sans cesse: Magnificat anima mea Dominum.

Sérieux de cette raison d’être.

XV. Humilité de Marie (quia respexit humilitatem).

Marie par sa virginité avait renoncé à en devenir la mère. Et c’est à cause de cela même que Marie est choisie pour mettre au monde le fils de Dieu.

Haine de Dieu contre nous, quand nous voulons lui ressembler pour la gloire. Perverse te imitantur, qui longe a te faciunt, et extollunt se adversum te. Saint Augustin.

XVI. Marie portant Jésus.

Fecit mihi magna qui potens est, et sanctum nomen ejus.

Commune mundi gaudium peculiari munere sola possides.

Tous sauvés par Jésus-Christ, Marie seule mère de Jésus-Christ. Amour de Jésus pour sa mère, à qui il devait son corps et ses sens.

Quelle perfection dans le corps de Jésus rejaillissant de son âme! Quelle perfection dans tout l’être de Marie rejaillissant de la présence de Jésus tout entier dans ses chastes entrailles! Quelle perfection dans l’âme qui se donne à Jésus pour qu’il se forme en elle!

Il est impossible qu’un Dieu aime et ne donne pas. (Bossuet).

Qui facit voluntatem Patris mei qui in coelis est, ille meus frater, soror et mater est.

Le chrétien se cachant dans le coeur de Marie pour se faire former à la sainteté.

XVII. Marie enfantant Jésus.

Marie produisant pour Jésus l’amour le plus grand qui ait jamais existé et qui existe jamais. Mais enfin, bien qu’il ne puisse être dépassé, nous pouvons en approcher sans cesse.

Selon la chair, elle est mère. Mère unique, elle doit avoir l’amour du père et de la mère. Or quel amour ne lui donne-t-elle pas, ne pouvant lui donner autre chose! Et Jésus ayant préparé ce dénuement, ne semble-t-il pas lui dire: Ce que je veux avant tout, c’est votre amour?

XIX. Purification.

Marie, image du pécheur qui se purifie dans son indigence, dans son humiliation, dans son aveu public. Et vous, quand comprendrez-vous ce que c’est que se purifier?

XX. Fuite en Egypte.

Elle lui donnait des baisers plus que d’une mère, parce que c’étaient les baisers d’une mère vierge. (Bossuet).

XXIV. Marie au Calvaire.

Jésus [= Dieu] ayant résolu de sauver le monde par le sang de son Fils, je voudrais, laissant de côté le mystère de la rédemption, vous parler de Marie et vous montrer cette divine mère:

1° Victime avec Jésus. 2° Corrédemptrice avec Jésus.

1° Marie victime avec Jésus.

La mort d’un Dieu est décrétée. L’agonie a eu lieu. Le Fils de l’homme a été livré; il a passé par tous les supplices prédits par les prophètes et par lui. Le voilà sur la croix.

Stabat juxta crucem Jesu Maria Mater ejus. Qui dira ce qui se passe là? Le Fils est véritablement victime, les péchés de tous les hommes sont placés sur ses épaules. Vidimus eum, nec reputavimus eum.

Les pharisiens insultent, les apôtres fuient. Marie est là. Ah! qui dira les souffrances du Fils et les souffrances de la mère? Qui dira la justice de Dieu?

Jésus accepte, Marie innocent accepte. Quand accepterez-vous d’être victimes? Qui dira de quoi est capable une victime, quels trésors de grâce elle peut faire descendre autour d’elle?

2° Marie corrédemptrice avec Jésus.

Au sens où saint Paul dit: Adimpleo in carne mea…; au sens où le prêtre dit: merita beatae Mariae Virginis. Mais voyez la situation de Marie. Jésus pardonne à ses bourreaux. Marie pardonne aux bourreaux de son Fils. Mulier, ecce filius tuss.

Jésus rachète les pécheurs. Marie adopte les pécheurs, auteurs de la mort de son Fils.

Enfin, si vous me demandez: Dans cette grande oeuvre de la réconciliation des hommes avec Dieu, où est le prêtre? Je vous répondrai: C’est Marie. Ah! je le sais, Jésus est le prêtre selon l’ordre de Melchisédech. Il sera prêtre au ciel, où il entre par son propre sang; mais à la croix il est surtout victime. Et, si vous l’aimez mieux, il faut refaire l’alliance.

Je vois Dieu, je vois la victime, l’humanité est représentée par Marie.

Mission de la chrétienne qui accepte de marcher sur les traces de Marie et de s’abandonner au zèle du salut des âmes. Imitez Marie.

XXV. Marie à la descente de croix.

Jésus abandonné de tous, excepté de sa mère.

L’ouvrier abandonné de tous, excepté de l’Eglise. Devoir des femmes chrétiennes.

Voilà la victime. Voilà la source du sacrifice. Et elle va être déposée dans le tombeau.

Un fils, un époux, non pas mort du corps, mais dans le péché mortel. Voilà une âme qui vous est chère.

Jésus sur la pierre de l’onction, modèle de l’homme abattu aux pieds de la mort.

XXIX. Marie et les Apôtres.

Marie a été la reine des apôtres: 1° par la prière; 2° par l’exemple; 3° par l’action.

Ce qu’est un apôtre.

Comment vous devez être apôtres: par la conviction, par l’énergie, par la prudence, par le désintéressement.

XXX. Marie mourant.

Les ardeurs de Marie pour mourir.

Son âme fut portée au ciel sur une nuée de désirs sacrés.

Notes et post-scriptum