Conférences sur les dernières décisions de l’Eglise.

Informations générales
  • TD47.111
  • Conférences sur les dernières décisions de l'Eglise.
  • Avant-propos.
  • Orig.ms. CT 2; T.D. 47, pp. 111-113.
Informations détaillées
  • 1 ACTES PONTIFICAUX
    1 ATHEISME
    1 COMBATS DE L'EGLISE
    1 DOGME
    1 EGLISE
    1 EPREUVES DE L'EGLISE
    1 FRANC-MACONNERIE
    1 HERESIE
    1 MORALE
    1 MORALITE
    1 PERSECUTIONS
    1 POPULATION
    1 SCHISME
    1 SOUVERAIN PROFANE
    2 ARISTOTE
    2 BOSSUET
    2 CHARLOTTE-ELISABETH DE BAVIERE
    2 CICERON
    2 CONSTANTIN LE GRAND
    2 GERBET, PHILIPPE-OLYMPE
    2 HENRI IV, EMPEREUR
    2 LUTHER, MARTIN
    2 NERON
    2 PHILIPPE LE BEL
    2 PIE IX
    2 PLATON
    2 SOCRATE
    3 ALEXANDRIE, EGYPTE
    3 ALLEMAGNE
    3 ATHENES
    3 EUROPE
    3 FRANCE
    3 NORMANDIE
    3 POLOGNE
    3 ROME
    3 TURQUIE
  • A des hommes.
  • 8 décembre 1876 (1)
La lettre

La veille de sa mort, Jésus-Christ à plusieurs reprises fortifiait les apôtres contre les persécutions futures en les leur prédisant. Venit hora ut omnis qui interficit vos, arbitretur obsequium se praestare Deo… In mundo pressuram habebitis… Plorabitis et flebitis vos, mundus autem gaudebit.

C’est ce que l’Eglise voit après bientôt dix-neuf siècles. Une fois de plus ne doit pas l’étonner. Chaque combat ayant après tout été suivi d’une victoire, tardive quelquefois, mais toujours venue à son heure, pourquoi nous effrayer? Sachons attendre. Toute[fois] il [ne] faut pas le dissimuler, jamais lutte n’avait été aussi ardente qu’aujourd’hui. Les persécutions politiques commencèrent sous Néron, et leur première période ne finit qu’à Constantin. Ici la persécution est générale, et quand ce n’est pas persécution, c’est la trahison.

Voyez depuis les empereurs d’Allemagne, depuis Henri IV surtout; suivez par Philippe le Bel les incroyables persécutions des rois de France, de presque tous les souverains de la fin du XVIIIe siècle. Mgr Gerbet, t. II, p. 401. Nous sommes allés plus loin encore et nous n’en resterons pas là.

Que dirai-je des hérésies? Elles commencent avec la prédication des apôtres, mais elles mettent une sorte de pudeur à ne se pas trop démasquer. Luther paraît. La doctrine de la révolte contre l’autorité, avec le faible joug de la Bible, amène vite le libre examen et ses triomphes dans la théologie par les sociniens, dans la philosophie par Descartes, dans le monde par ceux qui s’intitulèrent aux XVIIIe siècle les esprits forts.

Déjà Bossuet les avait dépeints dans l’oraison funèbre de la princesse palatine, t. XII, p. 55. Aujourd’hui les esprits fatigués reviennent en religion, en philosophie, en politique à cette sophistique que combattirent un instant à Athènes Socrate, Platon, Aristote, qui retomba bien vite à Rome dans les incertitudes sceptiques de Cicéron, malgré son génie, et du néo-platonisme d’Alexandrie. La force de croire abandonne les esprits trop peu énergiques pour avoir un dogme. La libre-pensée n’est qu’un voile jeté sur l’impuissance absolue de croire. Nous en revenons à l’incrédulité absolue, et, puisqu’il faut appeler par leur [nom] des hommes dont l’intelligence épuisée n’est plus capable d’affirmer que la matière, pour moi, je ne veux pas les appeler des incrédules, mais des infidèles.

La perte de la vérité amène la perte des moeurs. Où en sommes-nous? Demandez à la police le nombre des courtisanes enrégimentées, sans compter la liste de celles qui lui échappent. Demandez à la charité officielle la liste des enfants trouvés. Demandez à la statistique du recensement pourquoi la dépopulation des grandes villes s’étend de façon si effrayante dans les campagnes. Encore quelque temps, certains villages de Normandie seront déserts, et du train dont y vont les choses, les prêtres pourront manquer aux funérailles de ces hommes sans héritiers, mais les fossoyeurs manqueront aussi.

Or, quoi qu’en aient dit les pasteurs protestants, qui, ne pouvant s’entendre sur le dogme, se sont rejetés sur la morale, qu’est-ce que la morale sans dogme? Qu’est-ce que la loi des relations des êtres sans la connaissance de l’être et des êtres? Point de dogme, point de morale. Or, de la morale privée si nous passons à la morale publique, que voyons-nous et comment veut-on qu’il y ait une morale privée devant la négation de la morale sociale?

L’Eglise avait reçu le dépôt de toutes les vérités. Elle devrait instruire; on lui ferme la bouche, on la soufflette, au nom de la clientèle catholique on lui offre des secours dérisoires. Mais patience? Cela ne durera pas longtemps. On en finira avec elle, quand on aura décidé s’il faut la tuer par un coup d’audace ou par une habile oppression.

Enfin, l’Eglise est une société hiérarchiquement disposée. D’une part on la trouve importune. Les gouvernements se la partageront, comme ils partagèrent la Pologne. On aura des Eglises nationales, des patriarches, et pourquoi pas? Si les schismatiques ont leur chef ecclésiastique nommé par le Grand-Turc, pourquoi des princes qui peuvent se dire chrétiens, puisqu’ils ont reçu le baptême, ne nommeraient-ils pas pour gouverner leurs Eglises qui ils voudraient? Mais au-dessous il y a un autre gouvernement occulte, le gouvernement des sociétés secrètes, dont le travail se fait au grand jour depuis qu’elles croient avoir triomphé.

On vous en a parlé ici, j’y reviendrai plus tard. Mais ce qui est le plus effrayant symptôme de la décomposition de tout ordre, c’est l’union de ce qui reste de souverains en Europe avec les francs-maçons. Eh bien, l’Eglise avec le spectacle de la persécution des gouvernants, de l’affranchissement de la pensée, des révoltes de la morale indépendante, des conspirations de franc-maçonnerie, elle [= l’Eglise] a parlé d’abord par des avertissements successifs, puis par des sentences générales, par le Syllabus, enfin par le concile.

Dieu a permis que Pie IX vécût assez pour avoir, dans son Bullaire, préparé les matériaux que le Syllabus résume, comme le Syllabus n’est que le cadre des travaux du concile du Vatican. Une partie est terminée. Au moment favorable le monde viendra essayer de comprendre ce qui a été fait. Nous comprendrons par avance ce qui reste à faire et nous pourrons saluer, malgré de grandes tristesses, une ère admirable à venir.

Notes et post-scriptum
1. Le *Maître spirituel* donnait comme date à cette série de conférences, l'année 1875. Cependant *L'Assomption* du 1er décembre 1876 (n°47, p.186-187), annonçant la reprise le 5 décembre à l'Assomption, des conférences d'enseignement supérieur, précise que le vendredi 8, à 8h., le P. d'Alzon parlerait sur "les dernières décisions de l'Eglise". Cela nous donne la date de notre conférence. Elle fut suivie de trois autres (D01022 à D01024) que nous situons avec moins de précision, dans l'hiver 1876-1877 [date modifiée et note ajoutée le 24-9-1998].