Vers 1875

Informations générales
  • TD47.119
  • Idée générale de ce que devrait être une université catholique.
  • Orig.ms. CT 58; T.D. 47, pp. 119-122.
Informations détaillées
  • 1 ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE
    1 ENSEIGNEMENT DE LA LITTERATURE
    1 ENSEIGNEMENT DES SCIENCES
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 THEOLOGIE
    1 UNIVERSITES CATHOLIQUES
    1 VERITE
    2 ALLEMAND, LOUIS
    2 COMTE, AUGUSTE
    2 COUSIN, VICTOR
    2 FENELON
    2 GERBET, PHILIPPE-OLYMPE
    2 JOUFFROY, THEODORE
    2 LEROUX, PIERRE
    2 PETAU
    2 PLATON
    2 ROBERT BELLARMIN, SAINT
    2 THIERS, ADOLPHE
    2 THOMASSIN, LOUIS
    3 CHINE
    3 EGYPTE
    3 GRECE
    3 INDE
  • Vers 1875
La lettre

On a demandé de donner une idée générale de ce que devrait être une université catholique. La réponse pourrait être faite en bien peu de mots. L’ensemble des enseignements qui comprennent toutes les sciences au point de vue catholique.

Ou bien le but. – La défense par toutes les sciences de la vérité catholique. – Ou bien encore: La vérité catholique illuminant toutes les sciences pour les soutenir, les diriger et les aider dans leurs légitimes progrès. Mais vous voulez, je le suppose, quelque chose de plus. Je tiens à vous satisfaire. Pour cela il importe de poser quelques principes.

M. Thiers parlait un jour de deux soeurs, la religion et les sciences. C’est très bien. Mais quelle est l’aînée? A laquelle des deux appartient le dernier mot?

Depuis le modérantisme libéral de M. Thiers jusqu’au respect hypocrite de M. Cousin, depuis le spiritualisme sceptique de M. Jouffroy jusqu’au positivisme brutal de M. Comte, et depuis les élucubrations sur le circulus de P. Pierre Leroux jusqu’aux derniers paradoxes des derniers venus dans le monde de la libre-pensée, qui ne fait la religion servante, bientôt pour les uns, depuis longtemps pour les autres, servante inutile de la science?

Une université confiée à ces hommes enfanterait la contradiction. La contradiction produirait le scepticisme, qui est le dernier mot de l’impuissance de l’esprit humain.

Un fait curieux se présente. Comparaison entre les protestants qui repoussent les symboles, et les libres-penseurs qui affirment le droit d’affirmer les contradictoires. Impossibilité d’une université, puisqu’il y a impossibilité de principes supérieurs dans l’enseignement, à moins qu’il ne soit question de sciences purement matérialistes. Et encore nous savons comment ces Messieurs se prennent, au besoin, aux cheveux.

Que reste-t-il si la science n’a pas de principes, n’a pas ses axiomes? Et comme toute science doit les avoir, l’université catholique doit avoir les siens. Quels sont-ils?

Dieu a parlé et les hommes peuvent l’entendre. Si Dieu n’a pas parlé, rien n’est certain. Si Dieu a parlé, tout se groupe autour de cette parole. Magnifique unité de la science catholique. Vérité des deux soeurs, en conservant à chacune sa position. L’ensemble harmonieux autour d’un centre. L’autorité au centre, la liberté à la circonférence, la liberté par la discussion faisant jaillir la lumière. La lumière une fois produite, de nouveaux horizons découverts. L’autorité prenant possession du domaine acquis par l’étude et la discussion, et provoquant de nouvelles découvertes.

J’entends une objection. On dira: « Oui, mais quand votre science catholique sera faite, vous aurez l’immobilité ». Ecoutez: 1° Trois siècles de controverses païennes; 2° trois siècles d’hérésies; 3° le mahométisme qui semblait la dernièree; 4° la scolastique; 5° la Réforme; 6° la libre-pensée; nous aurons bien d’autres adversaires pour nous réveiller.

Constatons d’abord un fait. Qui dit université, dit une institution catholique. Jamais l’Egypte, ni la Grèce, ni l’Inde, ni la Chine n’ont eu l’idée de grouper ainsi les sciences. Cette synthèse immense n’est possible qu’à la société qui repose sur un enseignement universel. Et tandis que le protestantisme et la libre-pensée vont forcément à la pulvérisation, la vérité catholique et la légitime science vont s’édifier harmonieuses, donner la vie, préciser les inventions légitimes, en faire de nouveaux points de départ, éviter le temps perdu, préparer des investigations sans cesse renouvelées par les attaques mêmes des ennemis.

Voilà pour l’ensemble. Que si j’en prends les détails, je ferais mieux de vous renvoyer au discours préliminaire de M. Gerbet dans l’Université catholique; vous y verrez l’enchaînement des sciences. Mais je préfère établir ici la liberté de chacun de faire son plan.

Deux éléments: l’élément dogmatique commun, l’élément individuel qui tire son originalité de la personnalité de chaque membre de l’association universitaire.

L’unviersité catholique est un vaste édifice, où plusieurs viennent s’abriter. Il y a un ensemble. Mais dans cet édifice il y a des appartements que chacun meuble à sa fantaisie. Toutefois donnons un aperçu.

La théologie, en face des libres-penseurs, n’a plus à s’occuper des textes que Bellarmin, Petau et Thomassin avaient accumulés contre les protestants. Ce qu’elle doit à présent, ce sont les grandes questions de la Théologie universelle, puis surtout présenter ces admirables convenances des dogmes, comme les Pères nous en ont donné de si beaux exemples. Evidemment des horizons magnifiques se présentent en face de tous les problèmes suscités de nos jours. Exemple, le dialogue de Fénelon et de Platon sur la confession.

Philosophie. – Les droits de la raison doivent être respectés; sans quoi le scepticisme. Mais en vue de ses contradictions, on peut l’engager à être un peu moins fière. L’union de la philosophie avec l’élément religieux a des points de vue tout nouveaux à présenter.

Que dire des investigations historiques? Les problèmes de l’histoire ne sont-ils pas éclairés des lueurs jetées par les révolutions modernes? La philosophie de l’histoire n’en a-t-il pas de magnifiques points de vue?

Et la littérature? Et les sciences physiques, naturelles? Je ne parlerai pas des mathématiques devant M. Allemand, mais que d’affirmations à renverser, que de découvertes à féconder, quelle nouvelle impulsion à communiquer! Quelques-uns ne peuvent voir Dieu dans la nature, quels travaux pour faire voir clair à ces aveugles!

Mais j’ai tort d’entrer dans ces détails. L’université catholique doit se proposer deux travaux: 1° de partir de la notion de Dieu, et de descendre par toutes les voies légitimes à toutes les branches de la science humaine; 2° le second travail, d’accepter toutes les branches de la connaissance humaine, et de montrer que toutes elles sont inexplicables, si elles ne proclament pas Dieu.

Arrivés à ce terme, l’université catholique est l’enseignement humain, élevé par Dieu à la possession de tout ce qui peut être acquis par son intelligence. Arrivés à ce point, nous pouvons dire que l’idée générale de l’université est double, comme les deux éléments qui la composent. C’est l’ensemble de toutes les branches de l’enseignement humain élevées à la plus grande hauteur par Dieu qui en est la base. Ou bien encore, c’est l’homme illuminant tous les problèmes de sa pensée par la pensée de Dieu. C’est Dieu aidant l’homme à poursuivre le labeur de la science avec un aide, sans lequel la faiblesse humaine se fût perdue dans le scepticisme.

Notes et post-scriptum