23 décembre 1877

Informations générales
  • TD47.192
  • Instruction prêchée pour l'adoration du Saint-Sacrement, à l'oeuvre des servantes, le 23 décembre 1877.
  • Orig.ms. CT 33; T.D. 47, pp. 192-196.
Informations détaillées
  • 1 ADORATION DU SAINT-SACREMENT
    1 DOMESTIQUES
    1 ENFANCE DE JESUS-CHRIST
    1 HUMILITE DE JESUS-CHRIST
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 NATIVITE
    1 OBEISSANCE DE JESUS-CHRIST
    1 PAUVRETE DE JESUS-CHRIST
    1 TRAVAIL
    2 DAVID, BIBLE
    2 EZECHIAS
    2 JEROME, SAINT
    2 JOSEPH, SAINT
    3 BETHLEEM
    3 EGYPTE
    3 JUDEE
    3 NAZARETH
  • 23 décembre 1877
  • Nîmes
La lettre

Pastores loquebantur ad invicem: Transeamus usque Bethleem, et videamus hoc verbum, quod factum est, quod Dominus ostendit nobis.

Encore quelques heures et vous célébrerez le grand mystère que les anges annoncent aux Bergers dans la plaine de Bethléem. L’Eglise, à son tour, tressaille d’allégresse et vous invitera à aller contempler le Dieu enfant. Mais plus heureuses que les pasteurs de la Judée, vous ne direz pas: Allons à Bethléem, puisque vous avez préparé ici une demeure à Notre-Seigneur, que vous venez l’adorer aujourd’hui caché sous les voiles eucharistiques et que cette chapelle est votre Bethléem à vous, c’est-à-dire la ville du pain par excellence. Cependant l’esprit de foi qui vous anime peut vous pousser à adorer Jésus naissant, comme le firent les bergers. Or quel spectacle s’offre à vous? Le même que celui qui s’offre aux bergers. Ils étaient venus en toute hâte, et venerunt festinantes; ils trouvèrent l’enfant avec Marie et Joseph, et invenerunt Mariam et Joseph, et infantem positum in praesepio. Allons, nous aussi, avec une grande [hâte] et contemplons les premiers éléments du christianisme; une crèche, un modeste charpentier, une humble ouvrière, un petit enfant. Voilà par où le christianisme commence. Et que de leçons dans ces rapides traits! Examinons:

L’étable et la crèche où naît le fils de Dieu, nous prêchant la pauvreté.

Joseph, [qui] nous apprend comment travaillent les chrétiens obligés de gagner leur vie à la sueur de leur front.

Marie, la Vierge par excellence, [qui] vous prêche la beauté de la pureté par toute sa vie.

Jésus enfant, enveloppé de langes, [qui] vous dit ce qu’est l’humilité, l’obéissance et l’amour.

Je serais infini si devant ce même Jésus, né à Bethléem, exposé ici à vos adorations, je voulais développer toutes ces pensées. Je les ferai passer rapidement sous vos yeux, vous laissant le soin de les méditer et de les traduire dans toute votre conduite.

1. Pauvreté de l’étable et de la crèche.

Quand vous êtes, mes chères filles, au sein de demeures où vous servez, vous pouvez examiner des appartements plus somptueux que l’humble toit où vous êtes nées; vous préparez peut-être des repas plus riches que ceux qui ont nourri votre enfance; dites-moi, je vous prie, qui de vos maîtres ou [de] vous ressemble le plus à Jésus naissant dans une crèche et n’ayant pas une chaumière pour s’abriter? Le fils des rois de Juda n’est pas né dans un palais, mais dans une étable; [il] n’a pas été couché dans un magnifique [berceau], mais dans une crèche; il n’a pas pris la part des riches, mais des pauvres, non pas des grands, mais des petits. Et qu’est-ce qui fait son mérite? C’est qu’il l’a voulu: quia ipse voluit. Ah! peut-être quelquefois portez-vous envie à ceux qui ont plus que vous. Laissez-moi vous dire que vous avez bien tort envers eux. Croyez-moi, ne soyez pas jalouses, ne soyez pas fières, non plus; soyez humbles comme Jésus naissant dans une crèche; chérissez tout ce qui peut vous faire ressembler à Jésus dans sa crèche. Vous n’avez pas comme lui choisi le toit humble où vous vous trouvez, mais acceptez-le avec une grande joie, et voilà que vous allez devenir les vrais membres de la cour de Marie. Quelle plus magnifique destinée que celle-là!

2. Joseph modèle de travail.

Mais ce ne sont pas seulement les pierres et les bois de la crèche qui doivent vous instruire aujourd’hui, voyez ce vaillant ouvrier qui assiste au prodige d’un Dieu naissant dans une étable. C’est Joseph, le fils de David, c’est un prince déchu. Avec quelle patience ne porte-t-il pas sa grandeur tombée? Mais ce n’est pas le point essentiel. Pour être digne d’être le père nourricier de J.-C., il lui a fallu descendre du trône de ses pères et gagner son pain à la sueur de son front. Il ira ce charpentier, préparant des poutres pour les maisons, des socs de charrue pour les laboureurs, – on en conservait encore dans la Judée au temps de saint Jérôme; – il gagnera comme vous sa vie par son travail. Et maintenant quel est le roi parmi ses ancêtres qu’on puisse mettre au-dessus de lui? Est-ce Ezéchias, malgré ses trésors; Salomon, malgré sa sagesse; Davie lui-même? Non, non, la gloire de l’ouvrier Joseph les dépasse tous. Pourquoi? Parce qu’il a été jugé digne de nourrir l’enfance de Jésus du fruit de son rude travail. Le travail sanctifié par l’imitation de Jésus est donc une bien grande chose.

Permettez-moi d’ajouter un détail. Faire votre travail préparé d’avance est pénible peut-être, quoique acceptable, mais être sans cesse dérangé par des ordres contradictoires, voilà ce qui ne s’accepte guère. Etre commandé dans tous les sens, perdre son temps à faire et à défaire, que c’est intolérable! Voyez Joseph. Il est à Nazareth: « quitte ton atelier et viens à Bethléem ». Il part: « quitte Bethléem, va en Egypte ». Il y va. « Laisse l’Egypte, retourne en Judée ». Il y retourne. « Cette fois tu n’iras point à Bethléem, c’est à Nazareth qu’il faut t’établir de nouveau ». Et Joseph se laisse faire. Se laisser faire par un ordre sans cesse renouvelé, interrompant sans cesse le travail, quelle couronne pour Joseph! Et quelle couronne pour vous, si comme lui vous êtes des ouvrières chrétiennes, dans la possession de vos maîtres, sous la domination de maîtres capricieux en apparence, mais que la Providence vous donne pour sanctifier votre vertu!

3.

Montons plus haut que Joseph. La Vierge des vierges a mis un Dieu au monde. Etes-vous mères? Voilà votre modèle. Etes-vous vierges encore? Voilà de tous les modèles le plus beau parmi les filles des hommes. En effet, que pouvez-vous désirer de plus? Marie, remarquez-le bien, fille, a été une humble ouvrière; mariée, une femme de ménage. Marie a vécu extérieurement de la vie la plus commune, la plus vulgaire, et elle est placée au plus haut des cieux. Son trône est placé immédiatement au-dessous du trône de Dieu. Que pouvez-vous trouver de plus magnifique? Qui dira où sera votre trône, si vous le voulez; par la pureté de votre âme et surtout par la pureté de vos intentions?

Deux ouvrières, deux servantes se rencontrent. De quoi parlent-elles? Je n’en sais rien et je ne veux pas le savoir, mais je veux leur dire de quoi elles doivent parler. De Dieu. Voyez Marie et sa cousine Elisabeth, modestes toutes les deux, saintes toutes les deux. « Et d’où me vient que la mère de mon Seigneur vienne vers moi? » dit Elisabeth, épouse de Zacharie. Et Marie répond: « Mon âme glorifie le Seigneur ».

Voilà la vérité: pureté de pensées et de sentiments. Ah! que vos actions soient communes; donnez-leur la beauté, la pureté des intentions de Marie, et vos actes les moins remarqués deviendront des pierres précieuses pour la couronne qu’auprès de Marie Jésus vous prépare dans le ciel.

4. Humilité, obéissance, amour de Jésus naissant.

Mais au-dessus de Joseph et de Marie, dans la crèche, je veux surtout contempler Jésus. Voyez-vous ce tout petit enfant enveloppé de langes et couché dans une crèche. Eh bien, c’est un Dieu anéanti. Et en un sens s’il veut se montrer une fois anéanti à la crèche, il veut subir un anéantissement plus complet à l’eucharistie. Quoi qu’il en soit, voyez cette disposition si admirable à n’être rien. Heureux ceux qui, comme Jésus naissant, consentent à n’être rien ou du moins très peu de chose! Allez à ce divin Enfant et dites-lui: « Seigneur, ma position est très humble, mais je l’aime bien, parce qu’elle me rapproche de vous. Je n’en veux prendre ni les révoltes ni les murmures, je ne veux en prendre que ce qui me rend semblable à vous ».

Mais J.-C. n’est pas seulement anéanti. De son anéantissement volontaire jaillit l’obéissance heureuse de l’âme; obéissante, elle racontera des victoires: obediens, loquetur victorias. La révolution n’est pas seulement dans les têtes républicaines, elle est partout: dans les collèges, dans les rues, dans les familles et même chez les domestiques. Descendez au fond de votre coeur, n’y trouvez-vous pas un certain esprit de révolte? Allez à la crèche, quelle obéissance! Je ne parle pas de celle de Jésus au Saint- Sacrement, où il passe par toutes vos volontés. Quand serez-vous obéissantes comme Jésus à la crèche et au tabernacle?

Et le principe de tout cela, quel est-il? Est-il autre que l’amour? Ah! oui, c’est l’amour qui anéantit Jésus, qui le rend pauvre, qui le rend humble, qui le rend obéissant. Voyez quand vous voudrez prendre le très grand parti de l’imiter comme il vous le demande. Entre votre adoration d’aujourd’hui et Noël d’après-demain, donnez-lui quelques moments pour savoir ce qu’il veut de vous. Ah! je puis bien vous le dire, il veut que vous soyez éprises de la pauvreté, de la force dans le travail, de la pureté de vos âmes, de l’humilité, de l’obéissance et d’un immense amour. En voilà bien assez, n’est-ce pas? pour devenir des saintes à l’imitation de Jésus. On en vous en demande pas davantage pour obtenir une belle couronne au ciel.

Notes et post-scriptum