Fin 1877. – Dames de la Miséricorde.

Informations générales
  • TD47.197
  • Sur les armes chrétiennes.
  • Orig.ms. CT 34; T.D. 47, pp. 197-200.
Informations détaillées
  • 1 ALUMNATS
    1 CLERGE
    1 CLERICAUX
    1 DEFENSE DE L'EGLISE
    1 EGLISE
    1 FEMMES
    1 HIERARCHIE ECCLESIASTIQUE
    1 MAISONS D'EDUCATION CHRETIENNE
    2 BESSON, LOUIS
    2 CESAR
    2 FRANCOIS DE SALES, SAINT
    2 PILATE
    3 NIMES, DIOCESE
    3 NIMES, EGLISE SAINT-FRANCOIS DE SALES
    3 NIMES, EGLISE SAINTE-PERPETUE
  • Dames de la Miséricorde.
  • Fin 1877.
La lettre

Arma nostra potentia Deo.

On répète sans cesse: le cléricalisme, c’est l’ennemi. Les hommes dont ces mots sont le cri de guerre triomphant, et si quelque César ne les rend pas muets, ce qui serait bien possible en leur fermant la bouche avec un bâillon d’or, le cléricalisme peut courir quelque danger. Mais, mes dames, savez-vous d’abord ce que les chefs révolutionnaires entendent par cléricalisme? On parle beaucoup de ce mot, on le prononce à tout propos. Pour le peuple révolutionnaire c’est une de ces expressions à l’aide desquelles, à certaines époques néfastes, on excite sa fureur. Pour le peuple chrétien, c’est un mot dont il n’a pas le sens, parce qu’on peut en parler bien longtemps sans bien savoir ce que la révolution entend par là. Or, de même que lorsqu’on parlait des Jésuites, les chefs révolutionnaires sous-entendaient la grande armée commandée par le Pape, de même dans les camps de la révolution le cléricalisme c’est l’organisation de la hiérarchie catholique. Le chef suprême y est le Pape, les évêques sous ses ordres commandent certaines régions, sous les évêques le clergé séculier. Plus immédiatement sous le Pape, mais aussi sous les évêques, quoique moins directement, le grand corps d’armée des Réguliers. Comprenez-vous tout ce que sans en avoir l’air ce mot cléricalisme signifie?

Le cléricalisme n’est pas une doctrine, mais le corps de ceux qui sont chargés de l’enseigner. Le cléricalisme semble n’être pas l’Eglise catholique, mais le cléricalisme implique toute l’autorité sociale qui fait mouvoir l’Eglise catholique. Le cléricalisme, c’est le clergé dans son action sur les peuples pour y prêcher la vérité, faire observer les lois de la morale, administrer les sacrements. Le cléricalisme, ce ne sont pas les sacrements, ce n’est pas la morale, ce n’est pas la vérité, mais c’est le corps des administrateurs des sacrements, des juges de la morale, des prédicateurs de la vérité. Et comprenez-vous combien ce vaste corps doit être odieux à la révolution? Il distribue les dons du ciel, et la révolution crie: Vive l’enfer! Il fortifie les droits de la conscience, et vous croyez que la révolution est faite pour ressusciter la conscience! Il prêche la vérité, et comme Pilate à Jésus en prison, la révolution dit à l’Eglise: Qu’est-ce que la vérité?

Or, en face de cette guerre, qu’ont à faire les catholiques?

Se grouper autour de leurs chefs et devenir de plus en plus soumis au chef par excellence des cléricaux, au Pape. Organiser des prières pour que Dieu le conserve, et, que s’il doit nous l’enlever, il lui prépare un successeur capable de tenir le gouvernail de la barque de Pierre. Ils doivent se grouper autour de leurs évêques, et, dans les diocèses, marcher sous la direction que leur donnent les premiers pasteurs unis à la Chaire infaillible, aider le clergé des paroisses qui en a tant besoin, favoriser les vocations. Voyez ce qui est fait dans le diocèse depuis deux ans: plus de 200 enfants sont élevés dans les maisons ecclésiastiques, en dehors de ceux qui y recevaient auparavant l’éducation. Tous ne resteront pas dans ces pépinières, un grand nombre pourtant franchira les marches du sanctuaire, et les églises dont plusieurs menacent d’être privées de pasteurs pourront en retrouver.

Je dirai de même des alumnats. Un saint Jésuite avait fondé des écoles apostoliques pour préparer des missionnaires à l’étranger. Nous eûmes l’idée de former des enfants pour la vie sacerdotale, sans nous inquiéter de leur avenir comme prêtres de paroisse ou comme religieux. Nous avons eu le bonheur d’en donner un certain nombre à de petits séminaires, à des Ordres religieux: Capucins, Dominicains, missionnaires de Saint François de Sales. Telle est l’oeuvre cléricale par excellence, soit qu’elle soit faite par les évêques, soit qu’elle se développe à l’ombre des cloîtres.

Mais il y a plus. Il importe d’apporter l’esprit clérical partout, et sur ce point j’aurais bien à dire. Je me contenterai de vous faire observer que j’ai des éloges à vous donner. Je sais que sous la direction de Messieurs les curés les dames de Saint François de Sales et de Sainte Perpétue se sont réunies hier. Je ne doute pas qu’il en soit de même dans les autres paroisses. C’est ce que j’appelle agir cléricalement, c’est-à-dire sous l’action du clergé. On dit que certaines Associations cherchent à la secouer. Je ne saurais le croire. Dans tous les cas je puis garantir que dans le diocèse de Nîmes de pareils abus dureraient peu. Après deux ans d’observations silencieuses, l’évêque de Nîmes entend que ses prêtres lui obéissent et que les vrais catholiques obéissent à ses prêtres. Voilà qui est très clérical. Ceux qui ne veulent pas de cette hiérarchie n’ont qu’à passer dans un autre camp et à dire: le cléricalisme, c’est l’ennemi.

Mais pour étendre encore plus ma pensée, si le cléricalisme est l’organisation de la hiérarchie catholique, il faut porter cette organisation partout, quoique d’une manière indirecte, comme Dieu qui grave son image dans la nature angélique et humaine, et ne laisse que ses vestiges dans les autres créatures. Et c’est pourquoi je viens vous conjurer de donner à votre oeuvre une organisation de plus en plus vivante. Voilà vos armes, l’organisation, et toutes doivent s’efforcer d’y prendre part. Mais en face de la guerre qui se prépare, il faut organiser les prières, la pénitence, tout ce qui peut servir dans notre guerre contre les ennemis de Dieu. Organisez autant que vous le pourrez votre action sur les pauvres, mais prenez le mot pauvre dans son sens le plus étendu, donnez aux corps, donnez aux âmes indigentes. Donnez-leur l’instruction; peut-être sera-ce un excellent moyen de vous la donner à vous-mêmes.

En un mot, devenez cléricales par la fréquentation des sacrements, que le clergé vous distribue. Devenez cléricales par la pratique des vertus qui sont la fleur des lois morales prêchées par le clergé. Devenez cléricales par l’amour de la vérité en vous faisant instruire, cléricales par l’instruction que vous aiderez à distibuer. Agrandissez vos devoirs avec les attaques contre le cléricalisme, c’est-à-dire contre l’organisation de l’Eglise considérée comme société, et, filles de l’Eglise catholique, méritez par là une récompense que Dieu vous donnera dans son Eglise triomphante.

Notes et post-scriptum