[Instructions aux collégiens]

Informations générales
  • TD47.221
  • [Instructions aux collégiens]
  • DISPOSITIONS POUR SE PREPARER A NOEL
  • Orig.ms. CT 37; T.D. 47, pp. 221-228.
Informations détaillées
  • 1 ACCEPTATION DE LA VOLONTE DE DIEU
    1 ANEANTISSEMENT DE JESUS-CHRIST
    1 INCARNATION DE JESUS-CHRIST
    1 NATIVITE
    1 NOEL
    1 PERSECUTIONS
    1 PLAN DE DIEU
    1 PROVIDENCE
    1 REVOLUTION ADVERSAIRE
    1 VERBE INCARNE
    2 AUGUSTE, EMPEREUR
    2 CALVIN, JEAN
    2 DAVID, BIBLE
    2 JACOB
    2 JESSE, BIBLE
    2 JOSEPH, SAINT
    2 LUTHER, MARTIN
    2 MAHOMET
    2 NERON
    2 PAUL, SAINT
    2 PIERRE, SAINT
    2 SAMUEL, PROPHETE
    2 TACITE
    3 BETHLEEM
    3 EGYPTE
    3 JERUSALEM
    3 JUDEE
    3 ROME
  • Elèves du collège de Nîmes
  • fin 1877
La lettre

Et peperit filium suum primogenitum… et posuit eum in praesepio.

L’heure de l’apparition du Sauveur est venue. Il va naître dans la ville de ses pères. Etudions cette étrange situation.

1° Un ordre des maîtres du monde et de la Judée. Soumission aux événements.

2° Délaissement des enfants de David dans la cité de David.

3° Anéantissement manifeste du Sauveur du monde. Moyen de faire les choses divinement.

1. Exiit edictum a Caesare Augusto, ut describeretur universus orbis.

Etait-ce un mouvement d’orgueil comme pour David? Peut-être. C’était aussi un acte de politique suprême. Il était évident que les peuples ainsi catalogués devaient avoir subi complètement le joug du dominateur. C’était à peu près le monde connu qui subissait cette opération impériale. César-Auguste ne faisait pas moins, d’autre part, que la constatation de la perte du sceptre pour la maison de Juda. Si en effet ce sceptre eût toujours gouverné Jérusalem, César Auguste n’eût point ordonné un dénombrement. Le Christ pouvait arriver, le sceptre de la maison de Juda avait disparu. C’est ainsi que la Providence dispose les choses. Au loin la croyance au gouvernement universel par des hommes venus de l’Orient se répandait, et Tacite le constate, en même [temps qu’] Auguste établit qu’il est bien le maître de cet Orient, d’où doit sortir un pouvoir nouveau et un législateur universel; mais en même temps il donne un ordre qui lui aussi va servir un autre dessein. Le législateur, le chef d’Israël doit naître à Bethléem et, sans l’édit de dénombrement, il n’y serait jamais né. C’est contraint par la volonté de l’empereur romain que Joseph revoit le berceau de ses pères et conduit avec lui Marie, l’instrument des miséricordes de Dieu envers le genre humain coupable.

Quelle leçon pour nous et que nous devons comprendre que les voies de Dieu ne sont pas nos voies! Quoi de plus manifeste aujourd’hui que ce sentiment prophétique, sous l’action duquel les Romains eux-mêmes attendaient du fond de l’Orient leur dominateur futur? Quoi de plus manifeste que l’impossibilité humaine de l’accomplissement d’une pareille attente? Pourtant le Fils de Dieu est né; pourtant il a vécu dans les conditions les moins propres à satisfaire les prévisions ambitieuses d’un futur conquérant; il est mort dans un abandon absolu: un disciple et quelques femmes assistent seuls à son dernier soupir. Pourtant il règne, et, malgré les fureurs de l’enfer, il règne jusqu’aux extrémités du monde.

Comprendrons-nous que toute vie chrétienne est ainsi composée et qu’il y aurait folie à lui donner d’autres éléments que ceux choisis par Dieu même? Que reste-t-il à faire alors qu’à espérer. Ne l’oublions jamais: le gouvernement de la Providence est la condamnation de toutes les idées conformes à la sagesse humaine, surtout aux époques où l’homme veut se passer de Dieu. Les plus magnifiques projets sont faits, les édifices de la sagesse humaine se préparent, et tout à coup l’édifice est renversé, les projets anéantis: perdam sapientiam sapientium, et prudentiam prudentium reprobabo. Celui qui de son pied vainqueur devait réduire en poudre les magnificences de la grandeur romaine, naissait inconnu, rebuté, bientôt persécuté dans son berceau même, livré aux Gentils par son peuple. Et tous ces efforts pour l’anéantir servaient à rendre plus tard plus manifeste ce que Dieu mettait de châtiments dans la ruine du peuple Juif, dans la condamnation de Rome livrée aux Barbares, en proie à toutes les humiliations et toutes les douleurs. Tous les projets des maîtres du monde devaient être anéantis: Perdam sapientiam sapientium, et prudentiam prudentium reprobabo.

Pourtant quand le Christ a été mis à mort, les disciples s’acheminent vers Rome. Pierre vient y établir son trône pontifical en face du trône impérial de Néron. Pierre et Néron, voilà les deux champions par qui la lutte commence. Pierre comme de raison, est mis à mort comme un vulgaire malfaiteur; sa mort est le signal des fureurs païennes contre la religion nouvelle; des flots de sang sont répandus et quand, d’un bout du monde à l’autre, ce sang a servi à pétrir le ciment fait de tant de poussières accumulées par les barbares, un édifice nouveau apparaîtra sur un sol purifié, l’édifice chrétien triomphera par cela même qui aurait dû le détruire: perdam sapientiam sapientium, et prudentiam prudentium reprobabo.

Ah! si vous consentiez un jour, laissant votre prétendue science, à entrer dans ce que le Psalmiste appelle les puissances du Seigneur, quoniam non cognovi litteraturam, introibo in potentias Domini; si vous vouliez une bonne fois vivre de cette vie supérieure, qui laisse les combinaisons humaines et sur les ailes de la foi s’élance vers le monde surnaturel invisible, parce qu’il est divin, que n’y verriez-vous pas?

Il est la grande force de l’Eglise, et cela de tout temps. Ecoutez Isaïe: Inite consilium, et dissipabitur; loquimini verbum, et non fiet, quia nobiscum Deus. Et il convient qu’il en soit ainsi. En effet, si le règne de Dieu ne subissait aucune épreuve, comment pourrait-on constater le miracle de l’assistance d’en-haut? Il faut que les projets se forment pour renverser le royaume de Jésus-Christ. Néron l’a essayé, Rome l’a essayé trois siècles, les barbares l’ont essayé; les hérétiques, Mahomet ont fait leurs efforts, et au terme on leur a dit: Inite consilium, et dissipabitur; loquimini verbum, et non fiet, quia nobiscum Deus.

Aujourd’hui c’est le tour de la révolution. N’est-elle pas toute puissante? N’a-t-elle pas avec elle toutes les négations du vrai, toutes les passions rangées en bataille? Les mensonges sont ses agents, les vices, les corruptions ses moyens de triomphe. Guerre à l’Eglise, voilà son cri: ce sont deux ennemis irréconciliables. Or aujourd’hui quel est le roi catholique? Cherchez-le. Eh bien! tout cela sera bouleversé, n’en doutez pas. Cela passera comme a passé l’empire romain, comme ont passé les barbares, comme ont passé les premières hérésies, comme tous les jours passe Mahomet, comme passent Luther et Calvin, méconnaissables certes dans ceux qui se disent les héritiers de leur doctrine. Il est facile de voir que l’Eglise catholique, plus forte là où elle a été le plus persécutée, se prépare pour de nouvelles conquêtes et de nouveaux triomphes, malgré la fureur des ennemis: Inite consilium, et dissipabitur; loquimini verbum, et non fiet, quia nobiscum Deus.

Ah! mettons notre confiance non dans nos combinaisons plus ou moins prudentes, mais dans la Providence divine qui fait tout servir à ses desseins et dont nous pouvons déterminer l’action par la ferveur de notre foi et l’énergie de nos prières. Prions, croyons, et Dieu nous traitant avec miséricorde, nous donnera de vaincre nos ennemis et les siens par des moyens qu’il connaît et qui tournent à la confusion de ceux qui repoussent son empire.

2. Délaissement des enfants de David dans la cité de leur ancêtre.

Un premier prodige s’était manifesté dans Bethléem. Quand Dieu avait repoussé Saül, il avait envoyé son prophète à Jessé, père de huit enfants, lui recommandant de sacrer roi celui qui lui serait manifesté. Or les sept premiers ne furent pas jugés dignes du choix de Dieu. « N’en avez-vous plus? dit Samuel. « J’en ai un dernier, tout jeune, qui garde les troupeaux. – Envoyez-le chercher, dit Samuel, car nous ne nous assoirons point pour le festin qu’il ne soit arrivé. » On l’envoie prendre: c’était l’élu de Dieu, le futur successeur du roi réprouvé, celui en qui le Seigneur devait mettre son amour, de qui le Christ devait naître.

Il en fut ainsi du Sauveur. Après des siècles, sa famille déchue du trône est obligée de se faire inscrire, pour obéir aux ordres de l’étranger qui a conquis l’héritage de Jacob et de David. Personne ne veut recevoir ni Joseph, fils de David, ni Marie, son épouse, ni l’enfant qui allait naître et donner à Bethléem son éclat. Il vient inconnu, est adoré par quelques pauvres bergers; à quelques jours de là, il fuira en Egypte et peut-être qu’il ne reverra plus la ville de ses pères. Mais la prophétie sur le lieu de sa naissance aura été accomplie: Et tu Bethleem, terra Juda, nequaquam minima es in principibus Juda: ex te enim exiet dux, qui regat populum meum Israel. L’énumération commandée par Auguste prouvera la prophétie accomplie quant au temps de la naissance du Sauveur; le voyage à Bethléem, les détails du dédain dont la famille des rois est l’objet fixent l’accomplissement de la prophétie sur le lieu de cette merveilleuse naissance. Mais il y a plus. L’esprit de la loi nouvelle commence à se manifester. Il faut que Jésus partout rebuté, partout se soumette à une série d’opprobres, et il faut qu’en tout les siens, comme Joseph et Marie, participent au rebut universel: in mundo pressuram habebitis; sed confidite, ego vici mundum. Que les habitants de Bethléem ne veuillent ni de Jésus ni de Marie, peu importe. La peine qu’ils ont à se faire inscrire prouve la sincérité de leur inscription, et les premiers apologistes constateront que les registres en ont été portés à Rome, donneront le nom de celui qui a reçu l’inscription, comme l’Evangile constate le nom de celui sous la direction de qui l’inscription a été faite. Les Romains pourront eux-mêmes vérifier l’exactitude de la généalogie, et la preuve par les prophéties de l’avènement du Christ sera faite.

Ainsi pour nous. En combien de circonstances l’adhésion à des ordres, en apparence pénibles, de la Providence sont [est] la base de notre sainteté! quels ne furent pas les mérites de Joseph et de Marie dans ce rebut universel, mais aussi quelle récompense! Etre la mère d’un Dieu, être le père nourricier d’un Dieu, de pareils privilèges ne peuvent-ils trop acheter? Il en sera de même pour nous, dès que nous le voudrons bien. Tout tournant au plus grand bien de ceux qui aiment Dieu, prouvons à Dieu que nous l’aimons par l’acceptation des sacrifices qu’il nous impose et ayons le courage d’aller avec lui toujours en avant. Ce qui semble s’opposer à nos projets deviendra un moyen; et puis, il n’est pas nécessaire que nous ayons l’air de réussir aux yeux du monde. De quels succès apparents fut couronnée la vie de saint Joseph? Il mourut humble ouvrier, inconnu, et pourtant quelle auréole ne couronne pas sa mémoire! Il en est de même de nous. Qu’importent nos succès apparents? Là n’est pas le bonheur, ni la grandeur véritable. La vraie gloire, elle est là où Dieu la met. Elle est là où les jugements du monde ne sauraient la ternir. Prenons donc notre parti. Sachons accepter les peines, les bouleversements de projets, de déceptions; mais marchons à travers les obstacles à notre but: c’est là l’essentiel. Dieu saura faire tourner à notre profit tous ces plans rompus, tous ces projets brisés. Allons sous sa conduite et souvenons-nous que bien souvent là où nous verrons une défaite, apparaîtra une victoire; là où les desseins de Dieu sembleront contrariés, ils recevront un plus manifeste accomplissement. Ce ne sera peut-être pas ce que nous avions rêvé, ce sera bien mieux: ce sera ce que Dieu aura prévu et disposé pour un bien que nous ne soupçonnions pas, par des moyens dont lui seul est le juge et que notre [âme] doit accepter avec amour, alors même qu’il nous est impossible de les pénétrer.

3. Anéantissement du Sauveur.

Il faut que le Saint-Esprit l’ait dit par l’Apôtre, pour que nous puissions le croire. Voulant venir au monde pour le sauver, le Verbe divin a commencé par s’anéantir, exinanivit semetipsum. Il n’est pas encore apparu, il obéit. Voilà le roi véritable des Juifs. Rex Judaeorum. Toutes les idées de l’homme n’ont que faire ici: Non enim cogitationes meae, cogitationes vestrae. Il vient, il se montrera. Où? dans une étable, au fond d’une crèche. Pourquoi? Parce que personne ne veut le recevoir.

Ainsi en est-il des oeuvres de Dieu. Les apôtres étaient-ils reçus? Les missionnaires d’aujourd’hui sont-ils reçus? Non; il faut que s’accomplissent les paroles du Sauveur: in propria venit, et sui eum non receperunt. Telle est l’histoire du chef de l’Eglise et des ministres de l’Eglise. Si un prêtre ne rencontre pas, à quelque époque de sa vie, quelque opposition, ne craignez pas de dire: c’est qu’aux yeux du diable il n’en vaut pas la peine. Le véritable serviteur a la destinée de son maître; il faut qu’on dise du mal de lui, qu’on le contrarie dans ses plans, qu’on lui fasse subir toutes sortes d’oppositions. Que dit le vieillard Siméon? Que Jésus enfant est un signe de contradiction, positus est… in signum, cui contradicetur. Nous en voyons aujourd’hui un de ces signes étonnants, un de ces signes divins de contradiction, signum, cui contradicetur. Mais regardez, ce n’est point malgré lui que la contradiction se forme contre lui; il la veut bien, puisqu’il prend une crèche pour berceau, puisqu’il veut être rebuté partout, au lieu même de son origine. Mais ce roi méconnu, mais ce Dieu anéanti n’est est pas moins un roi, n’en est pas moins un Dieu. Laissez-le faire. Il grandira dans l’obscurité, il prêchera dans le scandale, il mourra dans l’opprobre. Mais quand il aura été crucifié, il attirera tout à lui: et ego si exaltatus fuero a terra, omnia traham ad meipsum.

Vous êtes appelés à faire l’oeuvre de Dieu sur la terre, voulez-vous la faire grande, victorieuse? Commencez par la faire petitement. Enveloppez-la des langes de l’humilité, cachez-la au fond d’une crèche. On vous tournera en ridicule, qu’importe si les anges viennent vous encourager? On vous persécutera; les saints, vos ancêtres, ont subi de bien plus rudes assauts. Allez et prenez votre force dans la foi, dans l’espérance et dans l’amour. Quel scandale plus grand pour la raison humaine que le Verbe de Dieu ne parlant pas? Quelle dérision pour l’espérance que le gage de réconciliation entre Dieu et les hommes, pour la terre et le ciel, qu’un petit enfant posé dans une crèche? Voilà celui qui vous promet le ciel, qui ne peut trouver une place pour naître dans le pays de sa royale famille! Qui vous dit qu’il vous prouvera son amour, ce Dieu réduit à un pareil état? Où est sa puissance? Où est sa gloire? La conversion du monde en donnera pourtant bientôt une preuve; les inventions de sa tendresse deviennent assez éclatantes, mais auparavant il faut qu’il soit anéanti. Exinanivit semetipsum.

Comprenons l’anéantissement chrétien. Devenons petits et humbles, devenons rien, et par l’amour de Jésus nous deviendrons quelque chose de si grand qu’au-dessus de nous il n’y aura que Dieu.

Notes et post-scriptum