25 novembre 1877 – Elèves du collège de Nîmes.

Informations générales
  • TD47.266
  • [Sermon pour le] DERNIER DIMANCHE APRES LA PENTECOTE.
    *Les châtiments de Dieu sur les nations coupables*.
  • Orig.ms. CT 46; T.D. 47, pp. 266-271.
Informations détaillées
  • 1 CHATIMENT DU PECHE
    1 COLLEGE DE NIMES
    1 ETAT
    1 JUGEMENT DERNIER
    1 JUIFS
    1 PEUPLES DU MONDE
    1 PHILOSOPHIE CHRETIENNE
    1 RENVOI D'UN ELEVE
    2 ALBIN
    2 CATHERINE D'ALEXANDRIE, SAINTE
    2 CESTIUS, CAIUS
    2 CLAUDE, EMPEREUR
    2 FLAVIUS JOSEPHE
    2 FLORUS
    2 MOISE
    2 NABUCHODONOSOR
    2 NERON
    2 TITUS, EMPEREUR
    2 VESPASIEN
    3 FRANCE
    3 JERUSALEM
    3 JUDEE
    3 ROME
  • Elèves du collège de Nîmes.
  • 25 novembre 1877
La lettre

Nisi breviati fuissent dies illi, non fieret salva omnis caro; sed propter electos breviabuntur.

Notre-Seigneur unit le châtiment de Jérusalem au Jugement dernier. Dans sa pensée c’est tout un, tant les siècles passent rapidement devant son éternité. Séparons ces deux épouvantables tableaux, parlons du châtiment exercé sur Jérusalem par la justice divine et tirons quelques conclusions pratiques de [pour] nos jours.

Jésus sorti du temple, après avoir lancé ses anathèmes contre les pharisiens, les prêtres, les docteurs, les scribes, les savants, les avocats, les savants d’alors, allait. Et les apôtres s’approchent de lui pour lui faire admirer les constructions du temple. Il leur répond: « En vérité, je vous dis qu’il ne restera pas pierre sur pierre qui ne soit détruite ».

Arrêtons-nous un moment. Pourquoi ce châtiment? Les sophistes modernes n’ont-ils pas déclaré que les Etats n’ont pas d’âme. Oui, un Etat n’a pas d’âme; mais les chefs ont des âmes, mais leurs agents ont des âmes, mais les sujets ont des âmes; et c’est pour ces âmes qu’a été préparé le ciel, qu’ont été creusés les abîmes de l’enfer. Et il est bon de rappeler ces vérités à ceux qui les oublient soit par légèreté soit par peur. Non, les Etats n’ont pas d’âme; aussi les Etats comme Etats n’iront pas en enfer, mais les membres des Etats y seront certainement précipités, s’ils ne veulent pas de la loi de Dieu. Remarquez toutefois que les Etats ont leurs châtiments et leurs récompenses extérieures temporelles. Ainsi pratiquent-ils les vertus humaines? Dieu [leur donne] la paix, la victoire, la richesse, la liberté, la gloire. Que de peuples ont été ainsi traités! Quelquefois on ne voyait pas l’action de la Providence; pourtant elle y était. De même pour les châtiments: la guerre, la défaite, les luttes civiles, la pauvreté, la servitude, l’ignominie. Etudiez attentivement et voyez si le châtiment a manqué aux peuples qui méritaient d’être punis. L’histoire de la Providence gouvernant les peuples est une des plus belles études que l’on puisse faire. L’on voit sans cesse s’accomplir cette parole du Saint-Esprit: Justitia elevat gentem; miseros autem facit populos peccatum.

Or ce que l’on peut dire de tous les peuples en général, s’applique de la manière la plus effrayante, parce qu’elle est plus exacte, à Jérusalem. Que d’avertissements cette ville qui personnifie le peuple juif n’avait-elle pas reçus? Et que de crimes n’avait-elle pas multipliés? C’était l’idolâtrie, le mépris de la loi de Moïse, l’insulte lancée aux prophètes, les trafics des choses saintes, l’hypocrisie de tous les orgueils et de toutes les bassesses; c’étaient les pratiques en apparence les plus strictement observées au dehors, les souillures les plus abominables au dedans. Le Sauveur avait prononcé cette lamentable prophétie: Jerusalem, Jerusalem, quae occidis prophetas, et lapidas eos qui ad te misi sunt, quoties volui congregare filios tuos, quemadmodum gallina congregat pullos suos sub alas, et noluisti! Ecce relinquetur vobis domus vestra deserta. Et il s’était retiré. Or, à quelques jours de là, Jésus-Christ était mis en croix, le voile du temple s’était déchiré, l’abomination de la désolation était entrée dans le lieu saint. Le châtiment allait apparaître. Il apparut, en effet, quand le peuple déicide par des révoltes successives eut forcé le peuple roi à exercer sur la Judée les vengeances de Dieu. Les exactions horribles des gouverneurs romains semblaient provoquer les révoltes. Elles se multiplièrent. Tantôt les imposteurs poussaient des fanatiques enivrés de folles espérances, tantôt des ambitieux organisaient des conspirations; l’avarice des proconsuls s’y ajoutait pour torturer les populations. Alors s’organisaient les massacres et les pillages. On ne savait qui était plus insolent, des juifs irrités du joug de fer posé sur leurs têtes ou des gouverneurs habilement oppresseurs. Les villes tombaient sous les pillages des soldats et les meurtres les plus iniques. De grandes villes devenaient désertes. Albin, Cestius, Florus se remplacèrent pour sucer tout ce qu’ils pouvaient enlever. Les choses devaient en finir: ou par le joug secoué, et Rome, malgré Claude et Néron, était encore trop puissante; ou par la ruine d’un peuple qui portait au front la tache du sang divin sacrilègement versé.

Or, sept ans avant le moment voulu pour le grand châtiment, apparut à Jérusalem un homme nommé Jésus qui se mit à crier: « Voix de l’Orient, voix de l’Occident, voix du Septentrion, voix du Midi ». On voulut l’arrêter, le battre de verges. Il ne demande pas grâce et continua. Sans que [sa voix] s’altérât, il allait répétant sans cesse: « Malheur à Jérusalem! » Le siège s’établit; Jésus criait sans cesse la même menace. Un jour, au cri: « Malheur à Jérusalem! » il ajouta: « Malheur à moi! » et, une pierre lancée par une machine romaine, le frappant à la tempe, le renversa; il était mort.

Des signes racontés par Josèphe apparurent au ciel. Rien n’y fit. La révolte éclata. Vespasien assiégea Jérusalem; appelé à l’empire, il confia à Titus le soin de poursuivre le siège. Titus s’efforça par tous les moyens de décider les Juifs à se soumettre. Rien n’y fit. La ville était partagée en trois factions qui s’entredévoraient. Le sanctuaire du temple n’était plus respecté. Plus d’une fois, le prêtre chargé du sacrifice fut massacré à l’autel, mêlant son sang à celui des victimes qu’il immolait. On vit les hommes pressés par la faim sortir de la ville. Les Romains en mettaient en croix cinq cents par jour, jusqu’à ce que le bois pour les suspendre et l’espace vinrent à manquer. Les provisions dans la ville étant brûlées dans les combats des partis, on mourait de faim par milliers. Une mère fit cuire son enfant, en mangea la moitié, offrit l’autre aux sicaires. Peu à peu pourtant les Romains gagnaient du terrain. Enfin, la troisième enceinte fut franchie. Titus avait défendu de toucher au temple. Vaine défense. Un soldat y jeta un tison enflammé, par une des fenêtres de l’appartement des prêtres. Ces constructions en bois de cèdre s’embrasèrent rapidement. Rien ne put éteindre les flammes. Le temple lui-même fut consumé. Il fallait qu’il en fût ainsi pour en finir avec le peuple réprouvé.

Au dire de Josèphe, onze cent mille Juifs périrent dans ce siège, ils s’y trouvaient réunis pour les fêtes de Pâques et de la Pentecôte. On en fit esclaves un nombre incalculable; on les força à s’entretuer pour le plaisir de l’amphithéâtre. Toutes les grandes villes d’Asie regorgèrent de leurs cadavres. Rome jouit du meurtre des plus fameux. Le bruit de la vengeance divine se répandit jusqu’aux extrémités du monde.

Le culte était aboli, la loi ne se pouvait plus pratiquer. Plus de temple, plus de centre. Il y avait des Juifs, le peuple de Dieu n’était plus. Le châtiment avait commencé pour lui, châtiment tel qu’on n’en vit jamais de semblable sur la terre, et châtiment inutile. La première destruction de Jérusalem par Nabuchodonosor avait été suivie d’une captivité de 70 ans? la seconde dure depuis plus de 18 siècles, et nul n’en prévoit la fin. Quelle leçon pour les peuples qui repoussent Dieu! Et c’est pourquoi ils périssent. Aujourd’hui le peuple de Dieu poursuit son châtiment à travers le monde; mais quel sort attend les nations, à qui les promesses n’ont pas été faites? quel sujet de trembler pour la France qui semble [renier] sa mission! Elle avait vécu d’une idée; c’était son âme, la défense du Christ et de l’Eglise. Aujourd’hui la Révolution cherche à lui enlever cette âme et quand l’oeuvre sera accomplie, il ne restera plus qu’un cadavre. Et pourquoi? Parce que les catholiques ne veulent pas comprendre leur devoir si grand, si beau, de prolonger la vie de la France, de lui donner par le dévouement une vie plus forte et plus glorieuse.

Eh bien! ce que je dis des Juifs, ce que je dis de la France, s’il est permis de comparer les petites choses aux grandes, je le dis de l’Assomption. La perversion des Juifs ne fut pas l’oeuvre d’un jour, pas plus que la décadence de la France. Tous y contribuèrent: les rois, les prêtres, les grands, le peuple. Quelques-uns de vous, Messieurs, voudraient recommencer l’oeuvre dans des proportions très minimes dans l’Assomption; c’est ce que nous ne souffrirons pas. Hier matin quatre ont été rendus à leurs parents, puis cinq, puis six; un septième est averti. C’est à prendre ou à laisser. Qu’ils aillent où bon leur semble, mais je ne veux pas être responsable de la perte de la maison par la crainte de renvoyer des élèves. Parmi les élèves expulsés, plusieurs avaient le demi-baccalauréat; ce n’a pas été une raison pour les garder. Avant tout il faut un bon esprit, et quand il sera mauvais, on vous laissera aller dans ces maisons borgnes, où vous trouverez toutes les facilités pour vous divertir selon vos goûts. Vous y aurez la liberté, vous y aurez même certaines personnes quand la gendarmerie ne les mettra pas en lieu sûr pour les rendre à la police.

Messieurs les philosophes, c’est demain la fête de sainte Catherine, vierge et martyre d’Alexandrie. Je dirai la messe pour vous, afin que par l’intercession de la patronne des philosophes, vous puissiez comprendre quelque chose à la philosophie chrétienne. Que Dieu vous donne l’amour de la sagesse, que signifie votre nom et que vous avez si peu! Puissiez-vous comprendre où entraîne la conduite de certains de vos camarades! Puissiez-vous profiter de la leçon que vous donne leur renvoi! Du reste, on ne vous retient pas de force. Voulez-vous prendre l’esprit de la maison, restez; sinon, partez au plus tôt. Il est temps que vous compreniez que l’Assomption ne veut ni de votre grossièreté, ni de votre vulgarisme, ni de votre indépendance, ni de votre mauvais esprit, ni de votre corruption. On ne permettra pas surtout que quelques polissons mettent le pied sur la gorge des bons élèves. On saura protéger ceux qui reçoivent l’impulsion qu’on veut leur donner, et, après quelques actes vigoureux dont seront victimes ceux-là seuls qui l’auront voulu, nous verrons. Parce qu’après tout le mal n’est encore qu’à la surface, la maison [pourra] reprendre ses vieilles traditions de foi, de distinction, de zèle pour les bonnes oeuvres, de travail et de succès.

Notes et post-scriptum