RETRAITE POUR DES RELIGIEUX

Informations générales
  • TD47.303
  • RETRAITE POUR DES RELIGIEUX
  • II. JESUS APPELLE L'AME RELIGIEUSE.
  • Ecrits spirituels, pp. 1121-1126.
  • Orig.ms. CT 75; T.D. 47, pp. 303-307.
Informations détaillées
  • 1 AMOUR DE DIEU POUR SA CREATURE
    1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 FIDELITE A LA GRACE
    1 MISERICORDE DE DIEU
    1 PREDESTINATION
    1 RELIGIEUX
    1 SAINTETE
    1 VOCATION RELIGIEUSE
    2 JEROME, SAINT
    2 LAZARE
    2 MARTHE, SAINTE
    3 BETHLEEM
  • Religieux de l'Assomption
  • Entre 1870 et 1880
La lettre

Représentons-nous Dieu au moment où il vient de créer le ciel et la terre. Les anges, au plus haut des cieux, chantaient ses louanges, mais sur la terre quel spectacle! Le chaos. Terra autem erat inanis et vacua. Le monde est sans forme, sans fécondité, vide de toute beauté, stérile. Et tenebrae erant super faciem abyssi. Ténèbres profondes sur les abîmes, dont le Seigneur fera jaillir des créatures de toute espèce. Pourtant cette matière, cette terre, cet abîme, tout cela est créé. Mais dans quel état! Image de mon âme au moment où Dieu m’appelle. Que suis-je qu’une terre vaine et vide, sans forme, sans vertu, qu’une âme dont l’abîme d’iniquités peut-être, d’ingratitudes au moins, est recouvert par d’épaisses ténèbres: Et tenebrae erant super faciem abyssi. Quel sujet de m’humilier, si je ne suis qu’un être informe, vide de tout bien, plongé dans les plus épaisses ténèbres!

Pourtant je ne dois pas me désespérer, car le texte sacré ajoute aussitôt: Et spiritus Dei ferebatur super aquas. Cette terre était enveloppée d’eaux impures comme elle. Mais dans sa puissance créatrice le Saint-Esprit était là, prêt à féconder cette terre, à la couver, selon le commentaire de saint Jérôme. Incumbabat, dit ce Père. Et aussitôt Dieu dit: Que la lumière soit! Et la lumière fut ». Dixitque Deus: fiat lux, et facta est lux. Image de mon état et des dispositions ineffables de Dieu à mon égard. L’Esprit-Saint qui m’appelle à une nouvelle création intime, plane sur moi: Et spiritus Dei ferebatur super aquas. Et il dira bientôt! Fiat lux! Et la lumière se fera en moi, prélude de la création de grâces que cet esprit veut opérer dans les profondeurs de mon être. Emitte spiritum tuum, et creabuntur, et renovabis faciem terrae.

1° Et depuis quand Dieu veut-il opérer ces merveilles dans mon âme? De toute éternité, puisque de toute éternité il m’aime: In caritate perpetua dilexi te. Son amour pour moi est éternel, comme sa pensée et sa miséricorde. Le monde n’était pas, mais son Verbe éternel était, et dans le Verbe il me voyait, il me connaissait, il m’aimait: In caritate perpetua dilexi te. Telle est l’origine de ma vocation à l’être de la vie chrétienne, à la vie religieuse. De ma part, rien; de la sienne, une pure miséricorde: Ideo attraxi te, miserans tui.

Comment correspondrai-je à cet amour éternel comme Dieu et qui semblait m’attendre dans le temps, au seuil de mon existence, pour m’envelopper de la manière la plus admirable, sinon par l’amour, autant que mon coeur aidé de la grâce peut en être susceptible? Comment correspondre à cette miséricorde qui m’appelle, me veut, m’attire, sinon par un abandon absolu à son action divine sur moi? O Dieu, vous m’avez aimé éternellement, je veux vous aimer à jamais. Vous m’avez attiré, voilà que je me laisse saisir par votre grâce; je ne résisterai plus, je m’abandonne à vous, et pour toujours.

2° Jésus appelle actuellement pendant la retraite. Ecce sto ad ostium, et pulso. Que de prétextes ne voudrais-je pas pouvoir élever entre l’appel de Dieu et moi! Mais quoi? Il est à la porte de mon coeur et il frappe. Ah! quelle importune poursuite, de sa part, et que je préférerais pouvoir dire que je ne l’entends pas! Mais j’ai beau faire, j’ai beau ne pas lui ouvrir; il est là. Il est là, avec le malaise de ma conscience, avec certaines inquiétudes qui me troublent et ne me laissent pas de repos. J’ai beau me réfugier derrière les plus spécieux prétextes, rien n’y fait: il est à la porte, je reconnais bien sa voix.

Que ferai-je? Vais-je le repousser? Mais s’il se retire, s’il ne revient plus; s’il me dit, comme il disait aux Juifs: Je m’en vais et vous ne me trouverez plus. Ego vado, et quaeretis me, et in peccato vestro moriemini. Qu’est-ce à dire? Veux-je tellement repousser Jésus que je ne puisse plus le trouver, et que je sois condamné à mourir dans un péché dont je ne veux pas me défaire? Ah! je sens mon péché, et je sens que mon péché ne peut habiter dans mon coeur en même temps que ce divin Maître. Que ferai-je? La retraite n’est-elle pas le temps favorable, le temps du salut? Sans doute je puis dire: Seigneur, je vous ouvrirai plus tard, mais qui suis-je pour faire attendre mon Dieu? Et s’il se retire, qui me garantit que sa Majesté offensée de mes refus ne l’empêchera pas de revenir? Mon bon Maître, vous frappez. Eh bien, je vous ouvre. Mon coeur est bien indigne de vous. Entrez, purifiez-le, prenez-en possession et régnez-y à jamais.

3° Il vous appelle sans aucun mérite de votre part. Quel est celui à qui l’on ne peut dire, comme le pharisien à l’aveugle de naissance? In peccatis natus es totus. Mais n’importe! Dieu nous appelle. Il nous veut pour lui, sans aucun mérite, et il est vrai de dire avec saint Augustin: Misericordia ejus praevenit eos secundum gratiam, et non secundum meritum.

Ah! si tout vient de la miséricorde, pourquoi donc nous replier sur nous? Nous sommes venus à l’existence, sans aucun titre à la vie; nous sommes venus à la grâce surnaturelle, sans aucun titre aux dons de Dieu. Quand donc reconnaîtrons-nous la profondeur de notre néant, la profondeur de nos misères, et quel est le sentiment d’humilité dans lequel nous devons désormais nous établir, afin de nous élancer de là vers Jésus-Christ qui nous appelle? Heureuse l’âme assez humble pour entrer dans cette voie! Heureux le religieux, qui pénétré de son néant et convaincu que l’humilité est le premier pas vers la perfection, écoutant la voix de Jésus-Christ, prend la résolution de le suivre depuis Bethléem jusqu’au Calvaire pour renaître en lui, vivre avec lui d’une vie nouvelle, mourir avec lui sur la croix, aller partout où le divin Maître voudra le conduire.

4° Jésus-Christ vous appelle à la sainteté.

Pour nous rendre compte de la perfection à laquelle nous sommes appelés, méditons sur les premières paroles de l’épître aux Ephésiens. Benedictus Deus et pater Domini nostri Jesu Christi, qui benedixit nos in omni benedictione spirituali, in coelestibus, in Christo! Voyez d’abord toutes les bénédictions spirituelles que nous avons reçues, selon hébraïsme: Benedixit nos in omni benedictione spirituali. Toute bénédiction, tout don, toute grâce, toute force, toute lumière est descendue pour nous du ciel, in coelestibus. C’est du haut du ciel que ces grâces, que ces bénédictions spirituelles nous ont été accordées in Christo. Jésus-Christ est toujours le médiateur, l’envoyé divin, par qui toute grâce du haut du ciel nous est envoyée par son père, notre Dieu: Benedictus Deus et pater.

Et dans quel but? Sicut elegit nos in ipso. C’est dans lui qu’est son Verbe, en lui où sont enfermées toutes les créatures qu’il tirera du néant, en lui qu’il fait son choix: Sicut elegit nos in ipso. Les temps n’étaient pas, le monde n’était pas, mais la pensée de l’univers, des créatures était en Dieu. Il en a choisi un certain nombre, et nous sommes de ce nombre: Sicut elegit nos in ipso. Choix admirable, élection mystérieuse qui dépend de la pure volonté de Dieu, de sa bonté et de sa miséricorde infinie! Sicut elegit nos in ipso, ante mundi constitutionem. Mais pourquoi? Ut essemus sancti et immaculati in conspectu ejus, in charitate.

Il nous a choisis, il nous a appelés. Quos autem praedestinavit, hos et vocavit, et quos vocavit, hos et justificavit; quos autem justificavit, hos et glorificavit. Admirable enchaînement! nous sommes élus, nous sommes prédestinés. Si nous répondons à notre prédestination, nous serons appelés; si nous répondons à cette vocation, à cet appel nous serons justifiés; justifiés, nous serons glorifiés. Tel est l’enchaînement. Mais en même temps il ne faut pas oublier qu’avant la glorification, après la justification, il y a ce mystère de sainteté et de pureté auquel nous sommes appelés. Dieu a dit qu’aucun être vivant ne serait juste en sa présence: Non justificabitur in conspectu tuo omnis vivens. Mais quand nous sommes justifiés par lui, non par notre justice, mais par la sienne que sa miséricorde nous communique, alors il ne met plus de bornes à ses divines exigences sur nous; il veut que nous soyons saints et sans tache: Sancti et immaculati. Quelle profondeur dans cette sainteté, quelle perfection dans cette pureté! Qui le dira? Jusqu’où doit-elle aller? Jusqu’à subir sa présence: In conspectu ejus. C’est son oeil qui scrutera le plus intime de notre être pour savoir si nous sommes réellement saints et purs, comme il l’entend: Ut omnes sancti et immaculati in conspectu ejus.

Mais si son regard divin y est, son amour y est aussi. Pourquoi craindre alors, sinon de ne pas assez correspondre à cet amour? Le dernier mot de cet appel est donc l’amour divin. Dieu m’a choisi, il m’aime. Veux-je répondre à son choix, à son amour, dans la sainteté et la pureté? Là est toute la question.

Lorsque le divin Sauveur alla consoler Marthe et Marie de la mort de Lazare, permise pour faire éclater la gloire divine, Marthe vint la première au-devant du Sauveur, et, après que les premières paroles d’espérance lui eurent été données, Marthe s’approcha de sa soeur et lui dit silencieusement, silentio dicens: le Maître est là, il t’appelle: Magister adest, vocat te. Marie s’approche, et, au bout d’un moment, Jésus, Marthe et Marie s’approchent du tombeau, d’où Lazare allait être rappelé.

Quelque chose de semblable se passe en vous, sauf que vous êtes à la fois et Marie et Lazare. Lazare est mort, il est descendu dans le sépulcre depuis quatre jours. Mais Jésus-Christ s’approche; il vient vers Marie, vers votre âme, et je vous dis de la part de Jésus, comme Marthe à Marie: Magister adest et vocat te. Voulez-vous l’écouter? Voulez-vous le suivre? Vous êtes peut-être mort, qu’importe? Ecoutez le Seigneur: Ego sum resurrectio et vita. Qui credit in me, etiam si mortuus fuerit, vivet. Etes-vous mort? Voilà la vie qui vous est offerte. Voulez-vous l’accepter, cette vie? Elle vous sera justification dans le temps, mais elle sera l’affranchissement dans l’éternité. Qui credit in me, non morietur in aeternum. Voulez-vous vivre éternellement? Allez à Jésus pour toujours, car il est là qui vous appelle. Magister adest et vocat te.

Notes et post-scriptum