Un troisième dimanche d’octobre, vers 1878-1879. – A des dames ou à des religieuses.

Informations générales
  • TD47.362
  • [Sermon pour la] FETE DE LA PURETE DE LA SAINTE VIERGE
  • Orig.ms. CT 91; T.D. 47, pp. 362-364.
Informations détaillées
  • 1 CHARITE ENVERS DIEU
    1 PURETE DE MARIE
    1 UNION A JESUS-CHRIST
    1 VERTU DE CHASTETE
    1 VOIE UNITIVE
  • A des dames ou à des religieuses.
  • Un troisième dimanche d'octobre, vers 1878-1879.
La lettre

Lorsque l’ange annonça à Marie qu’elle serait mère de Dieu, son effroi vint de la pensée qu’elle cesserait d’être vierge. L’ange la rassura en lui racontant les merveilles du Très-Haut à son égard; elle se rassura dans ses chastes terreurs et dit: Ecce ancilla.

L’Eglise célèbre aujourd’hui ce beau mystère, par lequel la fille de David a pu devenir mère, sans cesser d’être vierge, et a toujours conservé sa précieuse virginité. Je veux examiner devant vous les effets admirables de la pureté en Marie, afin que vous puissiez étudier, à votre tour, quels biens la pureté procure à l’âme chrétienne.

« Vous êtes toute belle, ma bien-aimée, et il n’y a pas de tache en vous », dit l’époux à l’épouse, dans le Cantique des cantiques. Pourquoi toute belle? Par l’absence de taches. Représentez-vous une étoffe tachée, sa beauté est perdue. Un lys souillé par un insecte inspire une sorte de tristesse. Prenez toute beauté humaine, mettez-y la moindre tache; il y a aussitôt répugnance. Pourquoi? Parce que souillure et beauté sont deux pensées qui s’excluent. Que dire de la beauté de l’âme, dès que la moindre faute la ternit?

Et si vous voulez aller plus loin, vous verrez que toute tache empêche l’éclat de la lumière. Il n’y a pas de beauté sans lumière. Que voyez-vous pendant la nuit? C’est dans les ténèbres que les objets mal vus inspirent la terreur. C’est à la nuit qu’est attribuée l’apparition des fantômes. On ne voit pas, et l’on craint; on voit mal, et l’on craint encore plus. Pourquoi? Parce que les yeux ne peuvent distinguer les objets. – La tache est dans l’oeil quelquefois, et le corps tout entier est ténébreux, selon l’expression de l’Ecriture. Si, au contraire, l’oeil est pur, tout le corps est lumineux. Si oculus tuus fuerit simplex, totum corpus tuum lucidum erit.

Or, cette pureté de Marie ne s’applique pas au corps seulement, elle s’applique surtout à l’âme. Qu’est-ce à dire? L’âme souillée ne reçoit pas la lumière divine. On a quelquefois comparé l’âme à ces globes de cristal que les ouvriers, pour mieux voir, placent devant leur lampe. Si le globe est pur, la lumière, en effet, est augmentée; mais si le globe est terni, la tache apparaît, elle gêne et rend inutile l’éclat du globe. Il en est de même de l’âme. Mais cette comparaison de la lumière contrariée par les taches d’un verre n’est qu’une image de l’âme, où les taches empêchent la lumière divine de pénétrer. Les pensées saintes sont toujours des pensées pures. Pureté et sainteté vont ensemble. On dirait que les deux idées se confondent en une seule.

Allons plus avant. Quelles sont les intelligences les plus parfaites? Ce sont les anges le plus rapprochés du trône de Dieu. Et quel est leur privilège? N’est-ce pas de recevoir plus surabondamment les rayons divins de vérité éternelle? Mais leur perfection, c’est leur pureté. Ils voient mieux, ils comprennent mieux, parce qu’étant plus parfaits ils sont plus purs.

L’homme, comme dit saint Paul, ne comprend pas les choses qui sont de l’esprit de Dieu. Et tel est le motif pour lequel si peu de personnes font des progrès dans l’oraison: leur coeur n’est pas pur. Au contraire, donnez la pureté au coeur, il pénètrera tout, même l’être divin. Dès sa première prédication Jésus-Christ se hâte de dire: Heureux ceux qui ont le coeur pur, parce qu’ils verront Dieu! Cela s’applique sans doute surtout au bonheur du ciel, mais il y a des préludes dans ce monde. Voulez-vous faire des progrès dans la vie de prière, soyez pures dans votre âme, imposez un joug à vos sens, écrasez-les. Il est impossible de chercher les plaisirs du monde, ses joies, ses satisfactions, et de jouir des communications célestes. On s’étonne quelquefois des grandes austérités des serviteurs de Dieu; c’est précisément pour conserver la pureté des sens et par là même la pureté de l’âme.

Ce n’est pas tout que de voir Dieu, il faut s’unir à lui. Or comment pouvez-vous supposer une créature souillée, unie à la pureté de son créateur?

Les anges, au pied du trône de Dieu, chantent sans cesse: « Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu des armées ». Qu’est-ce à dire, sinon qu’il a toute perfection. Or, unissez, si vous le pouvez, la perfection et l’imperfection, la lumière et les ténèbres, Jésus-Christ et Bélial. Vous ne le pouvez pas. Pourtant sans l’union avec le bien suprême, il n’y a pas de bonheur. Voulez-vous ce bonheur par l’union? soyez purs.

Entendons-nous. Rien de souillé n’entrera dans le royaume de Dieu. Vous avez des taches légères, vous arriverez comme par le feu, tamquam per ignem. Mais sur la terre vous n’aurez pas ces joies, parce que votre pureté n’y est pas aussi grande. Voulez-vous donc vous unir à Dieu, soyez pures comme des anges. Que si maintenant vous me demandez par quel moyen vous pouvez acquérir cet amour, qui par la pureté vous conduira à l’union divine, je vous répondrai: En aimant. Ces deux dispositions s’appuient l’une sur l’autre. Voulez-vous voir Dieu, vous unir à lui, en jouir éternellement, soyez pures. Voulez-vous être pures, efforcez-vous d’aimer. Voici que je vous ouvre la voie de la sainteté. Elle sera d’autant plus grande que votre pureté sera plus grande aussi, et votre pureté s’accroîtra dans la lumière et les flammes de l’amour.

La fête de la pureté de la Sainte Vierge est la fête de l’amour. « Je suis, dit-elle, la mère de l’amour le plus beau. Ego mater pulchrae dilectionis, et timoris, et agnitionis, et sanctae spei. Le bel amour, la crainte, la connaissance, la sainte espérance. L’amour est dans le coeur. Il enfante la crainte d’offenser Dieu, il donne déjà certaines lumières, il donne l’espoir le plus fondé du ciel. Voilà où nous devons tendre, et voilà Marie, notre modèle.

Demandons-lui de nous apprendre à aimer, à craindre de n’être pas assez purs; de nous apprendre à connaître tous les jours Dieu plus parfaitement, et de nous donner l’espoir d’arriver, sous sa très pure perfection, à la réalisation de nos espérances, dans la très pure possession de Dieu.

Notes et post-scriptum