[Notes de diverses instructions, 1877]

Informations générales
  • TD47.391
  • [Notes de diverses instructions, 1877]
  • RAISONS DE LA DEFINITION DE L'IMMACULEE CONCEPTION.
  • Orig.ms. CT 104; T.D. 47, pp. 391-394.
Informations détaillées
  • 1 BONTE MORALE
    1 DOGME
    1 EGLISE
    1 EGLISE ET ETAT
    1 ETRE HUMAIN
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 INFAILLIBILITE PONTIFICALE
    1 LIBERTE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PRINCIPES SOCIAUX DE L'EGLISE
    1 SOCIETE
    2 ADAM
    2 BONIFACE VIII
    2 HOMERE
    2 PHILIPPE LE BEL
    2 PIE IX
    2 ROUSSEAU, JEAN-JACQUES
    2 VOLTAIRE
    3 GENEVE
  • 1877
La lettre

Ecce enim in iniquitatitbus conceptus sum, et in peccatis concepit me mater mea.

Analyse de la précédente instruction.

Pie IX, vous le savez, a défini le dogme de l’Immaculée Conception. Combien de catholiques ne se sont pas demandé: A quoi bon? Il importe de vous en donner les motifs, et peut-être y trouverez-vous des lumières qui vous étonneront sur vos devoirs envers vos semblables, la société, l’Eglise, Dieu lui-même. Peut-être aussi serez-vous surpris de l’admirable corrélation entre la définition de l’Immaculée Conception et la définition de l’infaillibilité pontificale.

Ceci n’est pas un discours. J’y apporterai toute la simplicité possible, mais pour me faire comprendre j’ai besoin de poser quelques principes. Veuillez y faire attention.

Je suppose, mes frères, que vous croyez en Dieu, et j’ai besoin de faire cette observation en face de la foule croissante des hommes qui ne croient pas en Dieu et basent leur politique sur la négation de Dieu.

Tout commence par Dieu. Les païens eux-mêmes l’ont dit. Ab Jove principium. Mais si tout commence par Dieu, le monde, l’humanité, la société commence par Dieu, et le pouvoir qui préside à la société vient de Dieu. Omnis potestas a Deo.

Si tout pouvoir vient de Dieu, si Dieu a créé l’humanité avec le père, la mère, les chefs, les pasteurs des nations, comme les appelle Homère, ? Si ce ne sont pas les brebis qui choisissent le berger, mais le berger qui choisit les brebis, le pouvoir vient d’en-haut et non d’en-bas. Voilà l’ordre.

Un jour, Adam, poussé par Satan qui lui disait: Eritis sicut dii, voulut le violer, il voulut être dieu par en-bas. Et ce jour-là commença la souveraineté du peuple. – Le peuple souverain sans Dieu. – Dieu mit Adam à sa place en le chassant du paradis terrestre, le condamna à mort et frappa sa postérité de la souillure originelle. Or tout cela semble oublié de nos jours, il fallait le rappeler. C’est ce qu’a fait l’Immaculée Conception.

Mais, dira-t-on, est-il bien vrai que le mal révolutionnaire soit là? Evidemment, et c’est ce qu’il faut vous prouver encore.

Le principe révolutionnaire remonte très haut, mais il faut surtout le voir proclamer, quand Jean-Jacques a dit: « L’homme est né libre, et partout il est né dans les fers ». Non, l’homme n’est pas né libre. Avant le péché; il serait un dépendant: dépendant de la hiérarchie, dépendant de l’ordre, dépendant de la société et de la famille établie par Dieu. Depuis le péché, l’homme naît si peu libre qu’il naît esclave du péché et du démon.

Le christianisme repose sur cette base. Il est parfaitement inutile de donner à Jésus-Christ le titre de Rédempteur. – Jésus-Christ n’est notre Sauveur que parce que nous sommes nés esclaves. Donc ceux qui adoptent dans leurs théories le principe de Rousseau: L’homme est né libre et partout il est dans les fers, attaquent directement l’affranchissement du péché, la rédemption de Jésus-Christ. On ne rachète pas, on n’affranchit pas des hommes déjà libres, mais des esclaves.

Mais il faut aller plus loin, et Jean-Jacques, très logique avec lui-même, va plus loin et, par un autre axiome non moins fameux, il ajoute: « L’homme est né bon, et la société le déprave ».

Ces deux propositions si elles étaient vraies, seraient le renversement de l’ordre divin et humain. Si l’homme naît bon, le christianisme est un grand mensonge. Il faut, comme dit Voltaire, écraser l’infâme. Si la société déprave l’homme, il faut détruire la société. Voilà la révolution. Si la société déprave l’homme, il faut attaquer le principe de la société, le pouvoir qui, selon la doctrine catholique, vient de Dieu.

S’il est de l’essence de la société de dépraver l’homme, la société religieuse tout comme les autres le dépravera. Ici, Rousseau, né protestant, se trouve devant la religion de Genève; il ne s’arrête pas pour si peu, il va au-delà, il trouve l’Eglise catholique et il s’attaque directement à elle, en niant la révélation.

C’était très logique, si la société déprave l’homme. La société qui lui porte, selon elle, la parole de Dieu, ne peut lui porter que d’immenses impostures. Tout cela est admirable. La question se réduit à ceci: « l’homme est né bon ».

Où a-t-il jamais fait preuve de cette bonté native? Quand a-t-il trouvé en lui seul le principe de la morale? Telle est la question. Mais posée ainsi, aussitôt l’effroi gagne. Quoi: l’homme est né bon et l’immoralité est partout? – C’est bien simple. On supprimera l’immoralité avec la morale indépendante, et la probité, le respect du droit des autres.

Encore un accommodement; la propriété, c’est le vol. – Et le pouvoir? Il n’y en aura plus. On en supprimera la source, et Dieu, ce sera le mal. On a dit cela, n’est-ce pas? Et tout cela est très logique. Mais cela part de l’erreur la plus monstrueuse, cela part de la négation du péché originel.

Qu’avait donc à faire l’Eglise? A rétablir le dogme du péché originel, déjà promulgué au concile de Trente, mais sous une forme nouvelle; l’Eglise faisant toujours bien du premier coup, à la différence de la Réforme, et ne revenant jamais sur ses décisions.

Oui, l’homme a été conçu dans le péché, et c’est pour cela qu’il naît mauvais et que la société l’améliore. J’entends la société divine, et les sociétés qui consentent à relever de celle-là. Je sais bien que des avocats, des légistes ont voulu séparer les deux sociétés. Les avocats de Philippe le Bel inventèrent cette monstruosité. Ce fut, comme le disait Boniface VIII, une nouvelle forme du manichéisme. Nous savons où cette doctrine a conduit les rois.

C’est l’erreur du libéralisme tout court, du libéralisme gallican, du libéralisme catholique, en un mot toute erreur qui en fait de doctrine sociale, part de l’indépendance et de la liberté, et non pas du pouvoir de la subordination et de la dépendance. Or, c’est ce qui a été condamné déjà par le concile du Vatican. C’est ce qui le sera encore.

L’Eglise doit être séparée de l’Etat et l’état de l’Eglise.

Cette proposition est le gallicanisme pur. Non, ils ne doivent pas être séparés, mais distincts et subordonnés. Pourquoi? Parce que l’Eglise par le baptême et les autres sacrements est chargée de rendre bon et de perfectionner dans le bien l’homme né mauvais.

Je ne sais si vous apercevez maintenant l’enchaînement qui unit la définition de Marie Immaculée et la définition de l’infaillibilité. Marie Immaculée constate par son privilège même le péché originel. Le péché originel constaté renverse tout le système révolutionnaire.

Mais cela ne suffit pas. Nous avons vu la condamnation du mal social, de l’erreur sociale; en face, il faut préciser la vérité sociale. Or, la voici. Toute doctrine, en fait de vérité et de moeurs, relève du Souverain Pontife. En face, des immenses dangers des temps présents, en face des négations des légistes et des avocats, en face des trahisons de certains évêques, il faut une [vérité] précise. La voilà:

Le dogme proclamé de l’Immaculée Conception a proclamé le mal. La définition de l’infaillibilité a proclamé le remède. Que la révolution rugisse, cela n’est pas étonnant. Mais la vérité s’affirme de plus en plus.

Notes et post-scriptum