[Notes pour un mois de Marie]

Informations générales
  • TD47.399
  • [Notes pour un mois de Marie]
  • II. MARIE, MODELE DE LA VRAIE PIETE.
  • Orig.ms. CT 105; T.D. 47, pp. 399-403.
Informations détaillées
  • 1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 MARIE
    1 PIETE
    1 VERTU DE RELIGION
  • 1874
La lettre

Pietas ad omnia utilis est.

Avant d’entrer dans les détails de la vie de la Sainte Vierge, je voudrais jeter un coup d’oeil général sur la position que lui fait, en face de Dieu, sa piété. Peut-être serez-vous surpris de la trouver si grande et si belle. Peut-être serez-vous étonnés de la grandeur à laquelle vous élèveriez, si vous vouliez être pieux.

Mais, pour procéder avec ordre, examinons: 1° Ce qu’est la piété considérée dans son sens le plus général; 2° Ce qu’elle est éternellement en Dieu; 3° Ce qu’elle fut en la Sainte Vierge; 4° Ce qu’elle doit être en nous, à l’imitation de celle de Marie.

1. [La piété en soi.]

La piété est le culte que nous rendons à ceux à qui nous devons quelque chose au point de vue de notre existence. De là la piété, le culte envers la patrie. Et ce culte, il ne date pas de nos jours, il remonte à l’enseignement théologique. De là encore le culte des parents, la piété envers eux que l’on appelle la piété filiale. De là enfin, la piété envers Dieu, considéré comme notre créateur. Et cette piété, dit saint Thomas, s’appelle encore la religion, et est considérée comme une vertu se rapportant à une vertu plus haute, la justice.

Mais, il y a quelque chose de plus grand, de plus élevé que la vertu de piété, c’est le don. En effet, nous franchissons par lui, le monde naturel, et nous entrons dans le monde divin.

Le don de piété découle du Saint-Esprit. C’est par lui que nous honorons Dieu, non pas seulement comme notre créateur, mais surtout comme notre Père. Or, ce sentiment exige le don de l’adoption des enfants de Dieu que nous avons reçu au baptême, plus abondamment à la confirpmation, et qui nous donne le pouvoir ineffable de dire à Dieu: Mon Père. In quo clamamus, Abba, Pater. Cette piété, nous en sommes par nos seules forces incapables. C’est d’elle qu’il faut dire: donum Dei est.

2. La piété en Dieu.

Voilà ce qu’est la piété. Mais je me hâte d’arriver à ma seconde question: Qu’est-ce que la piété en Dieu? En effet, ce culte filial que nous rendons à Dieu a-t-il sa source en nous? Evidemment non, puisque c’est un don du Saint- Esprit. Nous devons aimer Dieu, parce qu’il nous aime le premier. Ipse prior dilexit nos, et que le prophète s’adressant à lui admire cette immense bonté d’avoir consenti à nous entourer de gloire et d’honneur. Gloria et honore coronasti eum.

Aussi, voyez. La piété non seulement remonte à Dieu, mais si elle y remonte, c’est qu’elle en est d’abord descendue. En [= De] Dieu, la piété ne peut que descendre comme de sa source. Et c’est le cri que pousse l’Apôtre quand il dit: Voyez l’amour que Dieu a eu pour nous que nous ayons mérité d’être appelés les enfants de Dieu et qu’en effet nous le soyons. Videte qualem charitatem habuit Deus in nobis, ut filii Dei nominemur et simus. En Dieu, la piété ne peut remonter plus haut; mais si je contemple l’adorable Trinité, je trouve comme un immense flux et reflux de piété.

Dieu veut bien être notre Père, mais vous comprenez bien que ce titre de père des hommes ne lui suffit pas, il lui faut quelque objet infini sur qui reposer cette tendresse paternelle. Et voyez le Verbe incréé, éternellement engendré, dire par la voix du prophète: le Seigneur m’a dit: Tu es mon fils, je t’ai engendré aujourd’hui. Dominus dixit ad me: Filius meus es tu, ego hodie genui te. Et le Fils rend à son Père une piété infinie, puisqu’à son ordre il se fait homme. Ceci est très haut, j’en conviens, et vous êtes d’accord. Mais voyez: est-ce qu’ici-bas les parents n’aiment pas leurs enfants les premiers? De même Dieu.

Et Bossuet traitant cette question de la piété, affirme qu’il est de la dignité du premier être d’être le premier à aimer et d’attirer les affections par une bonté surabondante. Considérée ainsi, la piété en Dieu est l’attaction de tous les êtres intelligents par son affection de père, et, à mesure qu’il nous attire vers lui par son amour, il nous donne par le don de piété la force de monter vers lui par un acte très libre de notre volonté.

Mais ces considérations sont peut-être trop hautes; je veux descendre de ces hauteurs, après avoir posé les principes, en considérant la piété en Marie.

3. Piété en Marie.

Qui a été attiré plus qu’elle? Dominus possedit me ab initio viarum suarum, antequam quidquam faceret a principio. Marie a correspondu à ces merveilleuses avances. Et peut-être comprenez-vous pourquoi la vie de Marie, sauf de rares exceptions, a été si cachée. Comme Moïse sur le Sinaï, comme le grand-prêtre dans le Saint des Saints, loin de la foule, dans une piété exquise, pleine de mystères, elle a rendu à Dieu la piété de la fille, à Jésus la piété de la Mère, au Saint-Esprit la piété de l’épouse. N’est-ce pas de ces divers noms que l’Eglise la salue, quand elle parle de ses rapports avec la Trinité?

Qu’est-ce que la piété, dit saint Augustin? Et il répond: Pietas cultus Dei est, nec colitur in hoc mundo. Vous rendez-vous compte des longs jours, des longues nuits que Marie consacrait au culte de Dieu par l’amour?

Mais quoi: Etait-ce tout son culte, toute sa piété? Gardez-vous de le croire. De même que la piété de Dieu s’exerce envers son Fils, envers les hommes, il en était de même de la piété de Marie. Mais, me direz-vous, je ne comprends rien à cette sorte de piété. Alors vous ne comprenez rien à ce cri de l’Eglise: Pie Jesu, Domine, dona eis requiem. Jésus est pieux envers les âmes qui souffrent en les soulageant de son sang. Il est pieux, parce qu’il s’est fait notre frère. Ainsi de Marie. Marie est pieuse envers les hommes, parce qu’elle est leur soeur comme fille d’Adam, parce qu’elle est leur mère en tant que mère de Jésus, notre frère. Et si vous voulez un résumé, posons encore ce principe de Bossuet: Le caractère de Dieu est de ne rien exiger de sa créature sinon qu’elle l’adore par un saint amour.

Ainsi Dieu nous attire, parce qu’il est notre Père. Jésus nous attire parce qu’il est notre frère. Marie nous attire parce qu’elle est notre soeur et notre mère. Mais ici j’arrive à ma quatrième considération:

4. Quelle doit être notre piété à l’imitation de Marie?

Il est évident que du premier coup nous sommes au bas de cet ordre admirable établi par la piété divine: Dieu, Jésus-Christ, Marie, les hommes. Il nous faut remonter à Marie qui nous a donné Jésus: Maria, de qua natus est Jesus; à Jésus qui nous a fait connaître Dieu: Deum nemo vidit unquam; à Dieu qui nous ordonne par son Fils de l’appeler notre Père: Sic ergo vos orabitis: Pater noster, qui es in coelis.

Puis, à notre tour, nous redescendons sur la terre. Nous y trouvons une famille nouvelle que nous devons honorer d’un culte particulier, les saints et aussi les pécheurs. Et quand je parle ainsi, je base ma proposition sur la doctrine de saint Thomas, quand il dit que si la piété est le culte de la patrie, de notre père, de notre mère et de nos parents, le don de piété s’adresse à tous les membres de cette famille spirituelle, où nous a introduits le baptême.

Voilà le culte des saints. Pourquoi les honorons-nous? Parce que ce sont nos parents glorieux. Et pourquoi devons-nous aller au-devant des pécheurs? Parce que Dieu y va, parce que Jésus y va, et Marie, et les saints.

Si l’Eglise prie pour les âmes qui ne sont plus sur la terre, pourquoi ne prierait-elle pas pour les exilés du ciel? Voyez-vous quelles admirables proportions prend cette piété, et comme si la source est en Dieu et en Jésus-Christ, il convient aux autres chrétiens de l’étudier dans la plus parfaite des créatures. Etudions donc le culte de Marie pour Dieu, son culte pour son Fils, sa piété maternelle pour les hommes, qu’ils soient saints ou qu’ils soient pécheurs. Contemplons cette admirable position de Marie entre Dieu et les hommes. Au point de vue de la piété, voyez-vous ce qu’elle peut faire pour vous?

Dites donc ce que doit être votre piété envers Dieu, votre père, Jésus votre frère, Marie votre mère, et cette immense famille de pécheurs et de saints qu’on appelle l’Eglise. Au nom de la piété de Dieu, de la piété de Jésus, de la piété de Marie, vous avez des devoirs immenses. Ah! voyez-en l’étendue, la force et la beauté, et commencez à les remplir ici-bas en attendant la patrie du ciel.

Notes et post-scriptum