Neuvaine pour préparer à la fête de l’Assomption.

Informations générales
  • TD48.001
  • Neuvaine pour préparer à la fête de l'Assomption.
  • [Premier jour]
  • Orig.ms. CT 107; T.D. 48, pp. 1-5.
Informations détaillées
  • 1 FETE DE L'ASSOMPTION
    1 FOI
    1 GLOIRE DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMMACULEE CONCEPTION
    1 MERE DE DIEU
    1 NEUVAINE A LA SAINTE VIERGE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 RETRAITE SPIRITUELLE
    2 ADAM
    2 PAUL, SAINT
    2 SALOMON
    3 MONTAGNAC
  • août 1835
  • Montagnac
La lettre

Retraite pour préparer à la fête de l’Assomption.

Desidero videre vos, ut aliquid impertiar vobis gratiae spiritualis ad confirmandos vos, id est simul consolari in vobis per eam quae invicem est fidem vestram atque meam. – Je désire vivement vous voir pour vous dispenser les grâces spirituelles propres à vous fortifier, c’est-à-dire pour vous consoler ensemble dans la foi qui nous est commune.

Telles étaient les paroles, par lesquelles l’Apôtre saluait autrefois les Romains, lorsque retenu loin d’eux par ses travaux évangéliques, il leur adressait son admirable épître, afin de les encourager dans les luttes qu’ils avaient à subir pour le christianisme naissant. Telles sont aussi, mes frères, les paroles par lesquelles j’aime à vous saluer, en commençant au milieu de vous le redoutable ministère de la prédication. Oui, je désirais vous voir pour vous communiquer selon ma faiblesse la portion des grâces spirituelles qui m’a été donnée. Je désirais vous dire encore, avec saint Paul, combien j’étais heureux de ce que votre foi est connue de tous – fides vestra annuntiatur in universo mundo; – et de ce que, grâce aux soins vigilants du vénérable pasteur, qui, après vous avoir si longtemps instruits par ses discours, vous prêche encore par ses vertus, tandis qu’autour de nous de nouveaux ennemis s’élèvent sans cesse contre la religion, vous, au contraire, semblez vouloir dédommager de tant d’insultes par un attachement plus profond à ses doctrines.

Cependant, mes frères, il faut tout dire. La foi est sans doute le fondement sur lequel le chrétien doit bâtir l’édifice du salut, mais elle ne suffit pas. Aux dogmes de la religion se rattachent les devoirs indispensables et mon dessein est, en vous rappelant les principaux mystères qui se rattachent à la grande fête que nous célébrerons dans quelques jours, de vous rappeler la nécessité de faire cesser toute opposition entre votre croyance et votre conduite. Sans doute, comme on l’a dit excellemment, bien croire est le fondement de bien vivre. Mais de même qu’on traiterait d’insensé celui qui, après avoir posé les fondements d’un édifice nécessaire pour protéger sa famille de l’intempérie des saisons, laisserait les murailles inachevées sans penser que sa négligence laissera détruire le peu même qu’il a élevé; de même je dis que le chrétien, qui, après avoir posé par la foi les fondements de l’édifice du salut, ne travaille pas sans cesse à le conduire à sa dernière perfection, est mille fois plus insensé. Car il s’agit pour lui d’un intérêt bien supérieur à ceux qui peuvent occuper les hommes sur la terre.

Or, mes frères, je dis, et je le dis en tremblant, [que] qui que nous soyons, nous ne pourrons jamais dire que notre édifice soit achevé, tant que nous serons ici-bas. Toujours nous aurons à y travailler. Dans le ciel seulement le couronnement en sera posé. Rentrons donc en nous-même et voyons d’abord sur quel plan nous devons le construire, en second lieu quels obstacles s’opposent à ce que nous portions à un travail si important pour nous tout le zèle qu’il exige, en troisième lieu par quel moyen nous pourrons l’avancer avec le plus de rapidité.

C’est dans ce but que pendant les neuf jours qui précèdent la fête du triomphe de Marie, je me propose d’appeler votre attention sur les principaux mystères qui se rapportent à cette fête, sur les vertus dont elle nous a donné le modèle pendant le cours de sa vie mortelle, soit enfin sur les vérités de la religion chrétienne, dont la médiation me paraîtra le plus propre pour vous disposer à célébrer saintement son triomphe et à recevoir les grâces qu’elle est prête à vous obtenir.

Je vous conjure d’apporter aux réflexions que je viens vous suggérer une grande attention, à ce que je vous dirai et non à la manière dont je vous le dirai. Car je me propose de toucher vos coeurs et non pas de plaire à votre esprit. Aussi m’appliquerai-je à vous présenter la vérité dans toute sa simplicité. Car pourrai-je vous dire encore avec le grand Apôtre, lorsqu’il s’adressait aux Corinthiens: Sermo meus et praedicatio mea non in persuasibilibus humanae sapientiae verbis, sed in ostensione spiritus et veritatis. Mes paroles et ma prédication ne s’appuient pas sur les paroles persuasives de la sagesse humaine, mais sur l’esprit et sur la puissance de Dieu.

Et d’abord Marie a été conçue sans péché.

Vous le savez, mes frères, l’homme créé dans un état d’innocence fut placé sur la terre comme dans un lieu d’épreuve, d’où après avoir par sa fidélité à quelques commandements bien faciles prouvé sa fidélité à Dieu, il eût été transporté dans le ciel à la place laissée vide par la chute des anges, sans subir les angoisses de la mort et toutes les misères d’une vie exposée à la maladie et aux besoins dont notre nature intime est accablée. Mais séduit par le tentateur, il voulut être semblable à Dieu et viola ses commandements, et, dès lors, il mérita que ces terribles paroles furent prononcées contre lui: « La terre est maudite dans tes oeuvres, tu gagneras ton pain à la sueur de ton front jusqu’à ce que tu retournes dans la terre, d’où tu as été tiré; car tu es poussière et tu retourneras en poussière ». Maledicta terra in opere tuo, in sudore vultus tui vesceris pane, donec revertaris in teram, de qua sumptus es, quia pulvis es et in pulverem reverteris.

Dès lors, tout fut bouleversé dans la nature, et de même que l’homme s’était révolté contre Dieu, de même les créatures se révoltèrent contre celui qui leur avait été donné pour roi. La terre ne lui produisit plus que des épines et des ronces. Les travaux les plus pénibles furent nécessaires pour en obtenir quelques fruits, et lui-même dépouillé du diadème de son innocence tomba dans cet état d’esclavage si bien décrit par l’Ecclésiaste, lorsqu’il dit: « Un joug pesant accable les enfants d’Adam, depuis le jour où ils sortent du sein de leur mère jusqu’au jour de leur sépulture dans le sein de la mère de tous ». Jugum grave super filios Adae, a die exitus de ventre matris eorum usque in diem sepulturae in matrem omnium.

Et cependant Dieu, alors qu’il frappe comme juge, se souvient toujours qu’il est père. Car en même temps qu’il punit, il laisse entrevoir un rayon de miséricorde. « J’établirai une haine éternelle, (avait-il dit au serpent) entre toi et la femme, entre ta race et sa race, et elle t’écrasera la tête ». Inimicitias ponam inter te et mulierem, et semen tuum et semen illius, et ipsa conteret caput tuum. Quelle est cette femme prodigieuse, par laquelle doit [être] anéanti l’empire de Satan? N’est-ce pas celle que Salomon voyait, lorsqu’il disait: « Quelle est cette vierge qui s’avance comme l’aurore naissante, belle comme la lune, pure comme le soleil, terrible comme une armée rangée en bataille? » N’est-ce pas Marie, dont la venue au monde était l’aurore du soleil de justice qui bientôt allait éclairer les nations assises à l’ombre de la mort? Belle comme la lune, pour indiquer que de même que la lune réfléchit les rayons du soleil, Marie est de toutes les créatures celle qui a reçu le plus de dons de la divinité. Pure, éclatante comme le soleil, qui jamais a été couronné d’une plus grande gloire? Les anges et les saints la proclament leur reine. Terrible comme une armée rangée en bataille. Oui, sans doute, et jamais l’enfer n’eut parmi les hommes un plus redoutable ennemi.

Voilà la gloire de Marie. Non, ce n’est pas tout, elle est la mère de Dieu. C’est dans son sein que doit s’incarner le Verbe. Or convenait-il que celle dans le sein de laquelle un Dieu devait reposer pendant neuf mois, eût été jamais la propriété de Satan? Convenait-il que la mère du libérateur du genre humain portât l’empreinte des haines du démon? Convenait-il que le corps d’un Dieu fût formé d’un sang souillé par la concupiscence?

Admirez la sagesse de Dieu. Saint Jean Chrysostome fait observer qu’après la chute du premier homme le Seigneur maudit le serpent et sa race, mais qu’il ne maudit point l’homme ni sa postérité. Pourquoi? Parce que Adam, tout coupable qu’il était, devait être par Marie le père de Jésus-Christ. Or de même que Dieu épargnait à Adam une malédiction méritée, en vue de son Fils, de même à cause de J.-C. épargna-t-il sa Mère. Aussi saint Augustin déclare-t-il positivement que toutes les fois qu’il parle du péché, il excepte toujours la mère du Sauveur, ne pouvant souffrir qu’elle soit sur ce point [semblable] au reste des hommes, et le saint concile de Trente fait-il observer dans son canon sur le péché originel qu’il n’entend point parler de la bienheureuse et immaculée mère de Dieu.

Notes et post-scriptum