Neuvaine pour préparer à la fête de l’Assomption.

Informations générales
  • TD48.006
  • Neuvaine pour préparer à la fête de l'Assomption.
  • Deuxième jour.
  • Orig. ms. CT 107; T.D. 48, pp. 6-11.
Informations détaillées
  • 1 HUMILITE DE LA SAINTE VIERGE
    1 IMITATION DE LA SAINTE VIERGE
    1 LOI ANCIENNE
    1 LOI NOUVELLE
    1 MARIE
    1 PERFECTIONS DE MARIE
    1 PURETE DE MARIE
    1 TITRES DE MARIE
    1 VIE DE MARIE
    1 VIE DE PRIERE
    2 BERNARD DE CLAIRVAUX, SAINT
    2 ELISABETH, SAINTE
    2 JOSEPH, SAINT
    2 MOISE
    2 PAUL, SAINT
    3 EGYPTE
    3 MER ROUGE
    3 SINAI
  • août 1835
  • Montagnac
La lettre

Aspice, et fac secundum exemplar quod tibi in monte monstratum est. Regardez et faites selon le modèle qui vous a été montré sur la montagne.

Après que Dieu eût arraché le peuple hébreu de la servitude de l’Egypte, qu’il l’eût conduit au milieu des prodiges au travers de la mer Rouge, il voulut lui donner des lois stables, et, du haut du Sinaï, il manifesta à Moïse ses commandements divins. Et pour donner à son peuple un gage de son alliance avec lui, il ordonna que l’on construisît une arche de bois incorruptible et revêtue des matières les plus précieuses, où seraient renfermées les tables de la loi écrites sur la montagne, et sur laquelle serait placé le propitiatoire d’où Dieu devait descendre pour se manifester à son peuple. Dieu lui-même voulut donner le modèle de cette arche et en prescrire tous les détails. Après quoi il ajouta encore: « Regarde et fais selon le modèle que je t’ai donné sur la montagne ».

Si tout ce qui s’est accompli dans la loi ancienne n’est que la figure de la loi nouvelle, si la loi elle-même donnée aux juifs n’est que l’ombre de la loi vivante donnée aux chrétiens, si les tables de pierre où Dieu lui-même voulut graver sa parole ne sont qu’une ombre du grand mystère accompli plus tard, lorsque le Verbe de Dieu s’est fait chair et qu’il a habité parmi nous, ne peut-on pas dire que cette arche, pour laquelle Dieu se complut à entrer dans les détails les plus communs en apparence, vers laquelle il descendait quand il voulait parler à son peuple et qu’il ombrageait de sa gloire, n’était elle-même que la figure de cette femme, dans le sein de laquelle le Verbe devait habiter neuf mois, vers laquelle devait descendre le Saint-Esprit et que la vertu du Très-Haut devait couvrir de son ombre? De cette femme que l’Eglise, en effet, dans les prières qu’elle lui adresse, appelle l’arche d’alliance non pas entre Dieu et un peuple isolé, mais entre Dieu et tout le genre humain, parce que par sa conception immaculée et par les prodiges qui devaient s’accomplir en elle, elle devait être le premier signe de la réconciliation du ciel et de la terre.

Mais, mes frères, admirez ici la supériorité de la loi nouvelle sur la loi ancienne. Lorsque Dieu donna à Moïse le modèle de l’arche, il ajouta: « Voilà que j’ai choisi Beseleel, fils d’Uri, fils de Nur, de la tribu de Juda, et je l’ai rempli de sagesse et de l’esprit de Dieu pour qu’il exécute tout ce que je lui ai commandé ». Un seul homme parmi les Juifs fut appelé à exécuter le modèle donné sur la montagne, tandis que tous les chrétiens sont appelés, comme nous l’assure saint Paul, à porter en eux-mêmes la loi de Jésus-Christ, gravée non pas sur les tables de pierre, mais sur les tables de nos coeurs: non in tabulis lapideis, sed in tabulis cordis carnalibus, et que dès lors ils sont obligés à disposer tout leur être d’une manière digne d’exécuter en eux-mêmes cette loi vivante. Or pour travailler à nous rendre dignes de si grands privilèges, quel plus beau modèle que cette arche, dont Dieu lui-même s’était plu à donner une figure au peuple qui devait lui donner le jour?

Ne puis-je donc pas, mes frères, vous adresser les mêmes paroles que Dieu à Moïse et vous dire, à mon tour: Regardez et faites selon le modèle qui vous a été donné sur la montagne? Aspice et fac…

Essayons donc d’étudier ce modèle admirable, afin d’apprendre ce que nous avons à ajouter, retrancher, perfectionner en nous. Nous étudierons aujourd’hui de la vie de Marie la partie qui s’écoula depuis sa croissance jusqu’au moment où elle fut saluée par l’ange. Et pour ne point nous arrêter à l’examen de toutes les perfections – ce qui serait infini, – je vous en proposerai rapidement trois principales. Je veux parler de l’excellence de sa prière, de sa pureté et de son humilité profonde. Vous comprenez aisément, mes frères, que chacune de ces qualités excellentes que nous admirons dans notre mère, exigerait un discours. Pressés par le temps, nous sommes obligés d’être courts. Redoublez donc d’attention, afin de recevoir en peu d’instants le fruit qu’il faudrait mettre plusieurs heures à cueillir; et, pour me servir de la parabole de l’évangile, demandez à Dieu que si je ne puis vous distribuer que peu de grain, il tombe sur une terre fertile et y multiplie au centuple.

Je dis que si Marie a été comblée de tant de grâces, c’est sans doute parce qu’elle avait été choisie entre toutes les femmes, mais aussi parce qu’elle sut les mettre toutes à profit. Nous la voyons dès l’âge le plus tendre se dévouer à une vie de retraite et de prière; loin des hommes, elle ne cherche que Dieu. Les Livres saints ne nous apprennent que bien peu de chose, il est vrai, de sa vie; mais ce qu’ils nous en disent et les pieuses traditions, qui dès les premiers temps se perpétuèrent parmi les chrétiens, nous permettent de découvrir combien sublimes étaient ses communications avec le ciel. Affranchie des chaînes de la concupiscence qui courbe vers la terre la volonté des enfants d’Adam, par quels élans sa volonté ne s’élançait-elle pas vers son Dieu pour s’unir à lui? Et comme, par la suite de la même exemption, les voiles de l’ignorance ne couvraient point à ses yeux les rayons de la vérité pure, avec quelle joie inénarrable ne plongeait-elle pas un de ses regards dans les mystères les plus incompréhensibles? Et cependant elle dont la conversation était dans les cieux, gardait toute la beauté de son âme pour Dieu. Aux yeux des hommes ce n’était qu’une pauvre fille d’Israël, qu’on devait unir à un simple artisan.

Elle ne manifeste pas à Joseph son privilège. Saluée par Elisabeth, elle répond par le Magnificat. Elle accompagne J.-C. au Calvaire. On ne dit point que J.-C. lui ait apparu, pendant le temps qu’il passa sur la terre depuis sa résurrection jusqu’à son ascension.

Saint Bernard fait observer que cette humilité parfaite de son esprit se rapportait parfaitement avec la pureté de son coeur. Les moralistes ont fait observer le rapport intime qui se trouve entre l’humilité de l’esprit et la pureté, entre l’orgueil et l’impureté, et l’on [peut] porter le défi de trouver un seul homme chez qui l’orgueil ait dominé et qui ait été chaste. – J.-C. nous en donne un exemple dans l’histoire de la femme adultère. Mais si Marie fut humble, combien ne fut-elle pas chaste, elle qui plutôt que de renoncer à sa virginité fut sur le point de sacrifier le titre de mère de Dieu.

Marie aimait la chasteté, et, ce qu’il y a de plus admirable en ceci, c’est qu’elle fut la première des filles d’Israël, chez qui se manifeste l’amour de cette vertu. Toutes aspiraient au mariage et aucune n’y renonçait, et nous voyons que lorsque par un voeu imprudent Jephté eut été obligé d’offrir sa fille au Seigneur, elle demanda deux mois pour aller pleurer dans les montagnes sa virginité, c’est-à-dire pour aller gémir dans la pensée qu’elle ne pourrait donner le jour au désiré des nations. Que Marie est grande, lorsqu’on compare sa généreuse résolution de renoncer à ce qui faisait l’ambition des filles de son peuple, aux pensées de celles qui ne voyaient dans le Messie qu’un roi puissant, dont l’empire devait s’étendre jusqu’aux extrémités de la terre!

Telle était Marie, mes frères: chaste, humble, méditant les grandeurs de Dieu et cherchant dans la prière les forces pour lui devenir de plus en plus agréable. Et maintenant, permettez que je vous le demande: voilà votre modèle, en qui lui ressemblez-vous? Marie fut toujours chaste, et cette vertu brilla tellement en elle qu’elle mérita d’être appelée la vierge des vierges. Pouvez-vous à ce titre l’appeler votre mère? – Histoire de la femme adultère.

Marie fut humble, l’êtes-vous, vous qui sans cesse mécontents voulez par tous les moyens sortir de la position où la Providence vous a placés? Etes-vous humbles, vous qui pour un peu de bien que vous faites, vous croyez dignes de tous les éloges? Etes-vous humbles, vous qui sans cesse cherchez à paraître meilleurs que nous ne le sommes? Ah! mes frères, que l’humilité est rare et que cependant elle est nécessaire!

Mais j’ai hâte de finir et j’arrive au dernier trait du modèle que je vous ai proposé aujourd’hui. Marie se prépara par la prière aux merveilles que Dieu opéra par elle. Ne croyez pas que Marie ne soit un modèle que pour les personnes pieuses; elle l’est pour tous les chrétiens, car c’est à tous les chrétiens que s’adressent ces paroles de l’Esrit-Saint: Oportet semper orare, et numquam deficere. Il faut toujours prier et ne se lasser jamais. Vous me répondrez peut-être, vous que des occupations continuelles occupent toutes les journées: « Mais comment pourrai-je prier? A peine ai-je quelques instants de repos à donner à mon corps ». Comment vous pourrez prier, mes frères? Certes, je ne crois pas que vous puissiez faire de prière plus excellente que celle-là même qui résulte de votre travail. Ne dites-vous pas dans l’oraison dominicale: « Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié, que votre volonté soit faite! » Et si ce père de tous les hommes vous a mis au monde pour travailler, si c’est sa volonté que vous gagniez votre vie par un travail pénible, quelle plus excellente prière pouvez-vous faire que de répéter de temps en temps, ces paroles: « Notre père, que votre nom soit sanctifié, que votre volonté soit faite! »

Et que de motifs vous portent à élever votre coeur à Dieu? Vous vous réveillez le matin. – Tableau de la journée. – Voilà ce à quoi vous êtes obligé comme homme; mais comme chrétien? Mes frères, ceci n’est pas un conseil, mais une obligation impérieuse, un devoir rigoureux, et il y a plus de deux mille ans que le prophète attribuait à la violation de ce devoir les maux qui accablent la terre: desolatione desolata est omnis terra, quia nullus est qui recogitat corde.

Mais si Marie est par sa prière fervente et continuelle un modèle pour les chrétiens, combien ne l’est-elle pas plus particulièrement pour ceux qui se consacrent particulièrement aux pratiques de la religion! De saintes traditions nous apprennent que, quoiqu’elle fournît à sa subsistance par le travail de ses mains, elle passait un temps considérable en prière.

Il est étonnant qu’il faille si souvent rappeler aux chrétiens la nécessité de prier.

Notes et post-scriptum