1838-1839

Informations générales
  • TD48.092
  • [Jésus-Christ et la loi. - fragments]
  • Orig.ms. CT 121; T.D. 48, pp. 92-95.
Informations détaillées
  • 1 BONHEUR
    1 CHATIMENT
    1 DIEU LE FILS
    1 ESPERANCE
    1 HOMME CREE A L'IMAGE DE DIEU
    1 JESUS-CHRIST
    1 LOI DIVINE
    1 MONDE CREE
    1 MORT
    1 PAROLE DE DIEU
    1 PECHE
    1 PERFECTIONS DE DIEU
    1 SAGESSE DE DIEU
    1 THOMAS D'AQUIN
    1 VERBE INCARNE
    1 VERITE
    2 ADAM
  • 1838-1839
La lettre

L’homme est mu par deux principes extérieurs qui le poussent: Satan vers le mal, Dieu vers le bien en l’instruisant par sa loi et en l’aidant par sa grâce. Principium exterius inclinans ad malum est diabolus, principium autem exterius movens ad bonum est Deus, qui nos instruit per legem, et juvat per gratiam.

L’homme a donc besoin: 1° d’être instruit, 2° d’être fortifié. Et c’est sous ce double rapport que je veux aujourd’hui considérer Jésus-Christ. Il est le terme de la loi qui ne peut être expliquée que par lui; il est le terme de la loi qui ne peut être accomplie que par lui et avec lui.

Je veux vous montrer Jésus donnant l’explication de la loi, accomplissant la loi et donnant les moyens de l’accomplir. La loi est expliquée et accomplie par Jésus-Christ, voilà tout mon dessein.

[I.]

Si je demande ce que c’est que la loi, saint Thomas me répond que la loi est la règle et la mesure des actes. La loi en Dieu est la règle et la mesure des actes divins. Mais Dieu n’ayant d’autre loi que sa sagesse, la loi en Dieu c’est Dieu même comme sagesse. Mais la sagesse de Dieu, c’est le Fils. Donc la loi en Dieu, c’est son Fils, c’est son Verbe. Mais le Verbe de Dieu, c’est l’éternelle vérité. En Dieu donc la loi et la vérité sont identiques. Et l’on peut dire qu’en Dieu la vérité c’est la connaissance de ce qui est, et la loi la règle de ce qui doit être.

Mais de même que la vérité s’est manifestée au-dehors par des vérités d’un ordre inférieur qui en découlent, de même aussi l’éternelle loi s’est manifestée extérieurement par des lois d’un ordre inférieur qui en découlent. Mais de même que les vérités remontent par un enchaînement nécessaire jusqu’à la première vérité qui est la parole de Dieu, le Fils de Dieu, de même toutes les lois remontent à une loi première qui est la sagesse de Dieu, le Fils de Dieu. La vérité, comme parole éternelle, et la loi, comme sagesse éternelle, s’unissent donc en quelque sorte dans la personne du Fils de Dieu.

D’où je vous prie de conclure: 1° que ce qui est la règle du bien ayant une liaison intime avec la vérité, par contre le mal et le faux ont la même liaison entre eux: que ce qui est bien est vrai, que ce qui est mal est faux; 2° que toute loi, pour être bonne, doit être en harmonie avec la vérité; qu’une loi en opposition avec la vérité est fausse, et que pour un catholique toute loi est plus ou moins mauvaise, selon qu’elle est plus ou moins en opposition avec la vérité révélée. 3° Que le Fils de Dieu est la loi éternelle, et, à ce titre, le principe de toute loi légitime. Le Fils de Dieu seul, par sa parole, peut expliquer cette loi et les lois qui en découlent dans l’ordre de la révélation.

Ces principes posés, jetons un regard sur l’ensemble de ces lois et voyons comment nous en trouverons l’explication en Jésus-Christ, fils de Dieu fait homme.

Dieu possédant en lui-même toutes les perfections, veut les manifester au-dehors; il les manifeste par la création. Mais la première condition des perfections de Dieu, c’est l’ordre. Dieu manifestera donc ses perfections dans un ordre digne de lui, et il ne peut leur assigner cet ordre qu’en consultant sa sagesse; et puisque cette sagesse n’est autre que sa parole, il créera tout par sa parole. C’est dans cette parole qui est son Fils, qu’il prendra le modèle des lois qui régiront la création et l’univers, et ces lois ne pourront être expliquées que par leur rapport avec celui qui les a données.

L’univers, avec les merveilleuses révolutions de ses globes qui se perdent dans les espaces incommensurables, nous donnera une idée, quoique imparfaite, de l’immensité divine. Le soleil déversant sur la terre des flots de lumière et de chaleur, nous rappellera cette lumière éternelle qui éclaire les intelligences et les réchauffe par l’amour du bien qu’elle leur fait connaître. La fécondité des espèces qui se reproduisent nous apprendra quelque chose de ce qui se passe dans le sein de celui, de qui toute paternité découle. Le premier homme, enfin, pour qui toutes choses ont été faites, sera créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Mais s’il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, les lois qui le gouverneront devront avoir quelque ou certaine ressemblance avec la loi qui régit Dieu lui-même. Et plus cette loi sera parfaite, plus elle devra ressembler à la loi suprême qui est Dieu.

Donc, c’est en Dieu même et dans son Verbe que l’homme devra aller chercher le principe de la loi qui le gouverne. Mais l’homme, entraîné par le principe extérieur du mal qui est le diable, viole cette loi par un acte sur lequel il n’entre pas dans mon dessein de m’arrêter. Qu’il me suffise de dire que Dieu se devait à lui-même de prouver que les lois sont bonnes. Or si la vie se trouvait dans l’éternelle loi qui est le Fils, in ipso vita erat, dès que l’homme sort par la désobéissance de cette loi, il doit trouver la mort. Et c’est ce qui eut lieu en effet. Et voilà encore comment le Fils de Dieu, conçu comme principe de la loi qui régit l’homme, est l’explication de cette loi terrible qui pèse sur toute la postérité d’Adam. Il fallait une sanction à la loi donnée à l’homme, et cette sanction devait être le résultat inévitable de sa révolte; et puisqu’en se séparant de la loi éternelle, il se séparait de celui qui en est la vie, il se condamnait par cela même à la mort.

Cette loi terrible de la mort a donc son explication dans la nécessité d’une sanction de la loi donnée primitivement à l’homme, et, de même que celle-ci trouve son principe dans le Verbe, de même aussi la loi de la mort l’y trouvera.

[II.]

Mais je laisse des raisonnements trop difficiles à saisir peut-être pour quelques-uns de ceux qui m’écoutent, et je m’arrête à une seule question. Un fait incontestable, c’est que, d’une part, tous les hommes sont condamnés à la mort, comme d’une vie de souffrance. Tous les hommes lorsqu’ils sont de sang- froid, redoutent la mort; tous ont horreur de la souffrance, tous désirent le bonheur. Pourquoi ces plaintes universelles contre le malheur de la destinée humaine? S’il en est un seul dans cet auditoire qui considère qu’il a toujours été heureux, qu’il se lève pour le proclamer; et moi, je lui dirai qu’il a menti. Et vous tous, mes frères, qui connaissez ce qu’est la vie de l’homme, vous lui direz avec moi qu’il a menti.

Or expliquez-moi, je vous prie, d’une part, cette horreur du tombeau, au-delà duquel les sens ne voient plus rien, et, de l’autre, ce désir du bonheur qui jamais ici-bas n’est satisfait. Expliquez-moi cet espoir qui reste toujours au malheureux et qui adoucit ses peines, car la perte de l’espérance, c’est l’enfer commencé. Et voilà pourquoi ceux qui n’espèrent plus rien se tuent. Ce problème a toujours soulevé les discussions les plus étranges des têtes philosophiques, mais la philosophie seule n’en peut donner la solution. La solution se trouve seulement: 1° dans la révolte de la créature contre son Dieu; 2° dans le châtiment infligé à la créature rebelle, dans l’espoir d’un pardon que l’homme n’ose pas plus espérer, de lui-même, que, de lui-même, il ne peut adoucir ses douleurs. Or qui les adoucira, sinon celui qui les lui a infligées? Comme la loi vivante, en se retirant de lui, lui a donné la mort, cette loi, en se rapprochant de lui, lui donnera la vie. Et dans la promesse faite à l’homme coupable d’un réparateur se trouvera le principe d’espérance qui soutient l’humanité, alors qu’il a perdu le souvenir du mystère des miséricordes célestes.

L’homme, égaré par des traditions corrompues, se fera de Dieu les idées les plus fausses, et cependant, toujours dans ses rapports avec son auteur, il aura le sentiment d’un crime qui a besoin d’être expié; et la raison de cette expiation, il ne la trouvera qu’en Jésus fait homme, qu’il attend sans le connaître.

[Inachevé.]

Notes et post-scriptum