1836-1837

Informations générales
  • TD48.102
  • [Fragments de 4 sermons sur les] Effets du péché.
  • Orig.ms. CT 125; T.D. 48, pp. 102-107.
Informations détaillées
  • 1 CONSEQUENCES DU PECHE
    1 DECADENCE
    1 ETRE HUMAIN
    1 MISERES DE LA TERRE
    1 PECHE
    1 PECHE ORIGINEL
    1 PECHEUR
    1 VIE SPIRITUELLE
    1 VOIE UNITIVE
    2 DANIEL, PROPHETE
    2 DAVID, BIBLE
    2 EZECHIEL
    2 JOB, BIBLE
    2 SALOMON
    3 JERUSALEM
  • 1836-1837
La lettre

I.

La révolte du péché détruit dans l’homme la vie et le bonheur.

Scito, et vide quia malum et amarum est, dereliquisse te Dominum Deum tuum.

L’homme n’est qu’une grande contradiction. Il veut la vérité et ne rencontre que l’erreur, il veut le bonheur et il souffre, il veut la vie et il n’a que la mort. D’où vient cela? Jésus-Christ le lui apprend; il a péché.

Dans cette instruction j’ai un double but: 1° De vous montrer comment Jésus-Christ, en révélant à l’homme son péché, lui explique les contradictions de la nature humaine; 2° De vous faire comprendre que sans Jésus-Christ l’homme ne pouvait se relever de lui-même.

Pour atteindre ce but, je montrerai: 1° comment le péché ôte la vie à l’âme; 2° comment il lui ôte le bonheur.

A. – Il ôte la vie à l’âme, parce que l’âme est appelée à vivre dans l’ordre, et le péché étant une révolte à la loi de Dieu, porte le désordre.

L’homme avait été créé pour Dieu. – Sublimité de sa création.

L’homme n’avait à accomplir qu’un commandement bien léger; en le violant il porte le désordre, et, dès lors, la vie ne peut subsister là où il y a désordre complet.

Mais voulez-vous savoir comment la vie se retire de lui? – L’homme, image de Dieu. – Trois facultés par lesquelles il communique avec Dieu. Dieu est puissance, intelligence et amour. L’homme a une mémoire, un entendement et une volonté. Et il n’a de vie qu’autant que par ces trois facultés il est uni à son Dieu. La mémoire se révolte contre Dieu en l’oubliant et en refusant de lui obéir; son intelligence, en refusant d’écouter sa voix et en adorant sa raison; son amour, en s’aimant lui-même.

B. – [L’homme] se prive de bonheur. Dieu est le bien infini, il s’en sépare. Dieu est juste, il hait le péché, il le haïra toujours; il haïra donc toujours le pécheur.

La punition aigrit l’homme, sa haine ira toujours en croissant.

L’homme ne peut donner que ce qu’il a. Il ne peut donc communiquer qu’un malheur éternel à sa postérité. – Dégradation progressive. – Mais Jésus est miséricordieux. Il répare le désordre. [Inachevé]

II.

Homo natus de muliere, brevi vivens tempore, multis repletur miseriis.

On ne peut ouvrir les livres de l’Ancien Testament, dans lesquels il a plu à Dieu de manifester aux hommes la faute de leur premier père, sa dégradation, son châtiment, sans être frappé de la tristesse empreinte à chaque page de ces vérités inspirées. Ecoutez Job sur son fumier, David sur son trône, Salomon au milieu de sa gloire, Jérémie en présence des ruines de Jérusalem, Daniel et Ezéchiel sur les rivages de l’exil. Sans cesse leurs voix prophétiques proclament que la vie est une guerre longue et pénible; que l’homme épuisé sous le poids des peines attend la mort, comme l’ouvrier attend la fin de sa journée; que tout ici-bas est vanité, désolation et affliction d’esprit; que le Seigneur a pris sa créature comme un but aux traits de sa colère, que les blessures faites par ces flèches divines sont autant de plaies incurables, en un mot, que cet être d’un jour est écrasé sous le poids d’indicibles misères. Homo.

C’est que le péché avait banni l’ordre, la paix, le repos, le bonheur de la terre, et nous avons expliqué hier pourquoi il devait en être ainsi. Aujourd’hui poursuivant le cours de ces considérations, nous examinerons l’état auquel l’homme est réduit sous un autre point de vue. Après avoir dit pourquoi le bonheur s’était éloigné de lui, nous essayerons de dire quelques mots du mal dont il devient la victime. Et, de même que l’homme est appelé naturellement au bonheur par la jouissance d’un bien considéré par rapport à ses différentes manières de procéder, que son intelligence est appelée à jouir de la vérité, son coeur de l’amour, enfin son corps d’un plaisir légitime et continué; de même l’homme dépouillé de son innocence, perd dans son intelligence ses droits à la vérité, et n’a plus en partage que l’ignorance et l’erreur; [il perd] les droits de son coeur à l’amour parfait; enfin, il devient l’esclave de la concupiscence, perd les droits de ses sens au plaisir et les voit la victime de la douleur, des besoins, de la maladie, de la mort.

Examinons le péché dans ses différents effets, et que la considération de l’état de l’homme tombé nous fasse comprendre les privilèges de l’homme relevé par Jésus-Christ. [Inachevé]

III.

Scito et vide, quia malum et amarum est, reliquisse te Dominum Deum tuum.

Nous avons essayé, mes frères, de vous montrer rapidement tout le mal que le péché avait fait à l’homme, en le séparant de son Dieu et lui imprimant une tache éternelle. Aujourd’hui nous parlerons de ses tristes effets, et c’est bien alors que nous pourrons répéter: Scito et vide quia malum et amarum est, dereliquisse te Dominum Deum tuum. Nous considérerons ses effets sous trois rapports: l’ignorance et la concupiscence pour son âme, la douleur pour son corps, la mort qui devait séparer ces deux parties de son être.

L’ignorance. L’âme est comme l’oeil; elle a besoin d’une lumière, et cette lumière, c’est Dieu même. Or, l’âme privée par le péché de la vue et aveuglée pour ainsi dire, est dès lors incapable de pouvoir saisir la vérité. Qui peut, en effet, suppléer pour l’homme à la vue de Dieu? Que pourra-t-on voir sans Dieu? Rien; et cependant non seulement Dieu s’est retiré, mais encore l’âme est dans un état tel que quand Dieu se présenterait à elle, l’âme se refuserait à le reconnaître.

Commençons par développer ces deux propositions. D’abord je dis que l’âme par le péché est privée de la vue de Dieu, parce que Dieu s’éloigne d’elle. Du moment qu’une âme s’est révoltée contre Dieu au point de mériter la perte de son amitié, il est impossible que sans un secours de la grâce que l’homme n’a pas le droit d’attendre, il est impossible, disons-nous, qu’il la recouvre jamais. Dès lors, il est ennemi de Dieu. Dès lors, Dieu doit le haïr et par conséquent Dieu doit être constamment éloigné de lui, Dieu doit lui retirer ses faveurs. Or, comme Dieu est le principe de la vérité, du moment que Dieu s’éloigne, la vérité s’éloigne aussi, et en s’éloignant [elle] le laisse exposé à toutes sortes d’illusions. Peut-être il saisira bien, comme à son insu, quelque lambeau de cette vérité que malgré tout il aime, mais ce sera au travers d’un tel mélange d’erreurs qu’il sera incertain pour découvrir quelle différence il y a entre elle et les ténèbres.

Cette vérité belle, pure, substantielle, vivante; cette vérité, qui se proclame elle-même la fille du Très-Haut; cette vérité qui, sous le nom de sagesse a présidé à l’établissement de toutes choses et dont les lois régissent l’univers, qui est l’essence même de Dieu et une personne de la Trinité adorable, puisque le Fils a déclaré qu’il était la vérité, jamais l’homme ne pourra la saisir, parce qu’elle ne pénétrera pas sans un prodige, nous le répétons, le coeur de celui qui lui a dit anathème. Mais quand même elle y apparaîtrait, croyez-vous, mes frères, qu’elle fût susceptible d’être reconnue? Le malade qui dans son délire s’est arraché la vue, est-il capable de jouir de la bienfaisante lumière du soleil? L’âme qui a dit à Dieu: Je monterai jusqu’au ciel et je serai semblable au Très-Haut, c’est-à-dire je me ferai son égal, je lutterai avec lui, je lutterai contre sa majesté, n’est-il [= elle] pas semblable à ces insensés qui osant fixer longtemps le soleil sont éblouis de son éclat et perdent l’usage de leurs yeux? Et ce fut, en effet, ce qui arriva à l’homme, lorsqu’il osa se comparer au Tout-puissant. Lorsqu’il écouta cette parole de Satan: « Vous serez comme des dieux », il voulut regarder le Seigneur, il jeta son regard sur Dieu pour voir la distance qui l’en séparait; mais loin de reconnaître qu’il ne pourrait la franchir, il espéra, au contraire, en venir à bout.

Je ne reviendrai point, mes frères, sur ce que nous avons déjà dit sur l’ignorance. Elle nous presse de toute part. Qui n’en a le triste sentiment? La lumière nous manque, au moment que nous voulons scruter avec attention les secrets de notre être. L’homme ainsi [plongé] dans les ténèbres serait semblable à la brute, si en même temps qu’il ne peut savoir et pour lui faire sentir l’obscurité douloureuse qui l’enveloppe, un désir insatiable ne tourmentait son intelligence. Il ignore, et tant qu’il sera livré à lui-même, il ignorera éternellement. Sans cesse une voix intérieure lui crie: Sors des ténèbres où tu te trouves, cherche la lumière, et, si tu ne la trouves pas, produis-la par ton énergie?

Mes frères, ce langage les hommes se le sont adressé, du moment qu’ils n’ont plus voulu reconnaître Dieu. Jetez les yeux sur les temps primitifs et considérez l’humanité perdant peu à peu le flambeau de la tradition que Dieu a mis entre ses mains. En même temps que ce flambeau s’éteint, s’élèvent au milieu des nuages les fantômes du paganisme; la raison en délire les enfante par mille, elle sentait à la fois le besoin de se courber sous une puissance extérieure… [Inachevé]

IV.

Amour du Père, miséricorde de Dieu. Alliance de la justice et de la miséricorde.

Sic Deus dilexit mundum, ut Filium suum unigenitum daret.

Je ne sais, mes frères, si vous éprouvez la même impression que moi, en entendant les paroles que Jésus-Christ adressait à ce docteur de la loi qui était venu le trouver pendant la nuit. Il lui révèle, avec une simplicité et une profondeur qui n’appartiennent qu’à un Dieu, tout l’ordre de la régénération. Il remonte aux causes de cette régénération, et pénétrant dans les profondeurs de la puissance et de l’amour de son Père, il s’écrie avec une sorte d’étonnement: ce Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que le monde ne périsse pas, mais [soit] sauvé par lui ». Sic Deus…

Il y avait, en effet, de quoi s’étonner que l’amour de Dieu envers ses créatures, et pour des créatures coupables, fût assez grand pour le porter à donner son propre Fils, et que ce Fils lui-même, venu sur la terre pour souffrir et mourir, considérant l’abaissement profond auquel il [= le monde] était réduit, avait bien raison de dire: Sic Deus dilexit mundum.

Et nous aussi, mes frères, en considérant l’immense bonté de Dieu pour les hommes; en voyant, d’une part, tant d’amour, et, de l’autre, tant d’ingratitude, ne pouvons-nous pas aussi nous écrier? Sic Deus dilexit…

Mais ne nous arrêtons pas aux craintes stériles et essayons de pénétrer dans les desseins de la divinité. Pourquoi Jésus-Christ sur la terre? Pourquoi le Père donne-t-il son Fils? Il y a ici un mystère de justice et de miséricorde qu’il faut profondément méditer, si nous voulons nous faire une idée, aussi incomplète qu’il est donné aux hommes, du mystère de l’Incarnation. Je me propose de vous suggérer quelques réflexions sur ce sujet, si rempli à la fois de motifs de terreur et de consolation.

[Inachevé]

Notes et post-scriptum